Publié le 12 Oct 2012 - 16:40
LIBRE PAROLE

Le glas de la françafrique et l’espoir pour un co-développement équitable

 

 

En plus des efforts économiques et financiers massifs fournis par les peuples d’Afrique lors de la seconde guerre mondiale, les soldats du continent noir participèrent décisivement à la libération de la France occupée par l’Allemagne nazie, en premières lignes, dans les champs de bataille.

 

Nombre d’historiens et d’anciens combattants ont même relevé la position de chair à canon des troupes africaines devant les armées allemandes. Au regard de cette incommensurable dette et de l’état d’arriération des états du continent noir dû à l’effet de siècles d’esclavage et de colonisation forcenée, le Général De gaule, faisant sien le devoir de respecter les valeurs de liberté, d’égalité et de justice tels proclamées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne pouvait pas s’empêcher d’aller dans le sens des revendications d’indépendances des peuples d’Afrique, après la guerre. Il accéda à la demande de ses frères d’armes (il est vrai, parfois, sous la poussée de mouvements de libération) afin que l’Afrique soit aux africains et que l’Algérie devienne algérienne, en dépit de fortes réticences de la nomenklatura militaire française de l’époque.

 

Malheureusement, depuis l’indépendance de nos États jusqu’à nos jours, la françafrique a eu ses lettres de noblesse dans le vieux continent, prolongeant les rapports inégaux entre «la mère patrie et ses colonies» sous de nouvelles formes plus subtiles. Toutefois, l’avènement du président François Mitterrand et de la gauche progressiste au pouvoir en France en 1981 aura eu à changer la donne et plus tard, avec le discours de la Baule, demanda, désormais, la démocratisation des États d’Afrique et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud, au point que l’assistanat et l’installation de chefs d’États compradores ne soient plus les axes de la politique extérieure de l’ancienne puissance colonisatrice.

 

En 1995, la droite revint au pouvoir et la françafrique trouva encore un nouveau terrain propice d’évolution, amplifiée du reste sous le magistère du Président Sarkozy avec son fameux discours paternaliste et rétrograde de Dakar, lequel discours fut prononcé dans le mythique panthéon du savoir qui porte le nom d’un des plus illustres scientifiques de l’histoire de l’humanité qui a théorisé et démontré que l’Afrique fut le berceau de l’humanité : Cheikh Anta Diop. La gauche française, devant les excès du Président Sarkozy, ne pouvait pas rester indifférente. Si bien que, sur les pas de François Mitterrand, Ségolène Royal et Martine Aubry à Dakar et François Hollande, pendant la campagne électorale de la présidentielle de 2012, vitupérèrent la françafrique par la reconsidération des rapports entre la France et l’Afrique sous l’angle du co-développement.

 

Le président François Hollande arrive au pouvoir en France à un tournant critique dans l’évolution des rapports internationaux, lesquels sont marqués par une crise financière et économique sans précédent des pays de l’OCDE, après trente et une années de règne des représentants du libéralisme et réformateurs du néocolonialisme. Il est clair aujourd’hui que le constat soit un échec écuissant de la financiarisation libérale d’une économie virtuelle qui appelle une redéfinition des orientations économiques et des rapports internationaux, en particulier des relations entre la France et ses anciennes colonies pour un développement réel mutuellement avantageux. En effet, dans un contexte mondial où les nouveaux pays émergents contrôlent plus de la moitié de la richesse mondiale en plus de la dotation de moyens technologiques immenses avec une volonté de développer vis-à-vis des pays à faibles revenus une coopération gagnant-gagnant, il est illusoire et suicidaire de continuer de vieilles pratiques néocolonialistes, au risque de voir les pays d’Afrique se détourner de l’ancienne puissance colonisatrice et de priver la France de partenaires de proximité dont les liens culturels tissés par des siècles de cohabitation sont assez profonds.

 

Pour vaincre la crise et les dégradations multiformes et multidimensionnelles, il nous faudra de nouvelles gouvernances pour changer les orientations économiques et financières dans le monde et la suppression des rapports inégaux vers un co-développement profitable. Il nous faudra en conséquence des gouvernances de rassemblement, afin d’avoir les armes nécessaires pour vaincre la grande menace qu’est la crise actuelle dont le libéralisme est comptable et qui gangrène la stabilité des rapports internationaux. Il nous faudra aller, non pas vers un repli identitaire comme l’expriment les partisans des partis d’extrême droite, mais vers une coalition mondiale pour le co-développement, pour la suppression de la pauvreté et des dégradations environnementales, pour vaincre les guerres et le terrorisme, pour un monde plus humain et plus solidaire. Dans cette perspective, l’Afrique avec ses immenses potentialités économiques, culturelles et démographiques, sera le continent de l’avenir et des nouvelles croissances à deux chiffres. Or, la France aura l’avantage principal de posséder de profonds liens culturels avec certains pays d’Afrique, à travers les âges.

 

La françafrique dont Sarkozy était le porte-étendard fera place au co-développement avec Hollande, dans le sillage de Mitterrand qui souffla le vent de la démocratisation en Afrique, du Général de Gaule qui accéda aux revendications de liberté des peuples d’Afrique suivant les principes de la première révolution mondiale qu’est la Révolution française de 1789. Nul conteste que le nouveau Président élu de la République française fera en sorte que le wagon de la France soit remis à sa vraie place par son arrimage au train de l’histoire afin qu’elle ne rate pas les grands rendez-vous de demain.

 

Nous ne pouvons pas terminer ces quelques lignes sur l’avènement de Hollande au pouvoir en France sans relever et saluer le rôle important joué par Ousmane Tanor Dieng au sein de l’internationale socialiste et auprès du Parti socialiste français pour la théorisation du co-développement et la reconsidération des relations entre la France et l’Afrique, et en particulier le Sénégal pour un développement mutuellement avantageux.

 

KADIALY GASSAMA, ECONOMISTE

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Rufisque

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