Publié le 11 Apr 2014 - 12:06
LOCALES JUIN - MODE DE SCRUTIN POUR LES VILLES

Cinq villes pour des…champions 

 

Avec le mode de scrutin pour la ville issu de la réforme du code électoral, c’est un combat de titans qui se prépare où les «petits poucets» auront peu de chance de survivre...

 

Bien qu’adopté par l’Assemblée nationale, le nouveau code électoral continue de diviser la classe politique notamment sur le mode de scrutin pour les villes (Dakar, Guédiawaye, Pikine, Rufisque, Thiès).

Des partis de l’opposition regroupés autour de Initiative pour la préservation des acquis démocratiques (IPAD) parlent d’un ‘’système électoral rétrograde qui bafoue les règles démocratiques et les principes de la décentralisation’’ en excluant ‘’les minorités et ne favorise pas la pluralité’’.

A l’origine ? Des ‘’erreurs’’ contenues dans ce nouveau code électoral et que Ndiaga Sylla, membre de IPAD, prétend avoir décelées. ‘’L’article 167 du code des collectivités locales dit que la ville peut être créée pour mutualiser les actions d’une même agglomération, mais ils (les gens du pouvoir) terminent pour dire, dans le dernier alinéa, que la ville a un statut de commune’’, explique le porte-parole de l'Alliance Jëf Jël.

«Cela veut dire que le mode de désignation des conseillers de ville devrait être le même que celui des communes, (c'est-à-dire) celui indiqué par l’article 92 du code général des collectivités locales’’. Lequel article stipule : ‘’le conseil municipal, composé de conseillers et de conseillères municipaux, élus pour cinq ans au suffrage universel direct, est l’organe délibérant de la commune’’.

Or, poursuit Ndiaga Sylla, la nouveauté dans le nouveau code est qu’«il faut gagner les élections au niveau de la commune pour pouvoir siéger au niveau de la ville. Une fois à la ville, ces conseillers et conseillères vont élire le maire’’. Autrement dit, ‘’il faut le maximum d’élus au niveau des communes’’. Un procédé que Benoît Sambou, chargé des élections de l’Alliance pour la République (APR), trouve plus ‘’démocratique’’.

«Avant, on pouvait être maire sans pourtant gagner sa commune. Désormais, il faudra mouiller le maillot pour être maire’’, déclare le ministre de la Jeunesse et de la Promotion des valeurs civiques. Réagissant sur la controverse autour du terme ‘’désigner’’, Sambou nuance : «il y aura une élection (des conseillers) au niveau de chaque commune. Ensuite, il y aura un décret (présidentiel) qui va fixer le nombre de conseiller qui va constituer le conseil de ville. C’est la même chose qui se fait en France».

«Le modèle français a été mal copié»

Cependant, le responsable du Jëf-Jël est d'avis que «le modèle français a été mal copié» en l’espèce. «En France, on a l’intercommunalité (la communauté des communes, la communauté urbaine, la communauté d’agglomération, les métropoles), qui est une forme de collaboration et de coopération entre les différentes communes.

Il a existé au Sénégal avec la communauté urbaine’’, dit-il. «Avec la réforme de 2013 relative aux conseillers départementaux, municipaux, communautaires, la France a voulu que ceux qui doivent siéger au niveau  de l’intercommunalité ne soient pas seulement des maires, des adjoints. Aujourd’hui, tous ceux dont la commune dépasse 1000 habitants, devraient être élus au suffrage universel direct pour plus de démocratie.

De plus, l’électeur va élire en même temps le conseiller pour la commune et pour l’intercommunalité. Ce qui n’est pas le cas au Sénégal’’. Sur ce registre de la comparaison, Ndiaga Sylla ajoute : «il a fallu un an pour que les Français aillent aux élections (car) la réforme a démarré en novembre 2012 pour être adoptée en lecture définitive le 17 avril 2013’’. Alors qu’au Sénégal, regrette-t-il, ‘’les concertations n’ont duré que deux mois’’.

«Quatre conséquences» du code électoral

Amadou Sène Niang, spécialiste en décentralisation, retient de ce nouveau code électoral quatre ‘’conséquences’’. Primo, «désormais, il n'y aura plus de candidat à l’échelle de ville. Les maires de ville proviendront des conseillers des communes’’. Deuxio, poursuit-il, «la ville sera gérée par des conseillers municipaux émanant exclusivement de leur commune (et) portants des mots d’ordre de leur parti.

Ce qui est dangereux, puisqu’il n’y aura plus cette solidarité entre communes.» Tertio, «la ville étant une collectivité locale, le mode de scrutin proposé nous donne un indice de proportionnalité trop fort. Cet indice renseigne sur l’adéquation, la conformité et l’écart entre le nombre de siège obtenu et le nombre de voix engrangé», explique Sène Niang.

Quarto, conclut-t-il, ‘’ce mode de scrutin écarte la minorité dans la gestion de la collectivité locale alors que la décentralisation obéit au respect des principes de  liberté, de proximité et de participation citoyenne.»

 

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