Ces petits financements qui transforment des vies
Ce sont de petits financements non remboursables, octroyés par l'ambassade de Pologne au Sénégal, mais qui ont permis de transformer la vie des femmes et des jeunes dans de petits villages, du Nord au Sud, en passant par le centre du pays.
Pour lutter contre la malnutrition et la pauvreté en milieu rural, l'ambassade de Pologne au Sénégal mise sur l'autonomisation des femmes. Chaque année, cette représentation diplomatique dégage une importante enveloppe financière qu'elle partage entre plusieurs groupements, pour de petits et moyens projets ayant un véritable impact pour les communautés. Parmi les zones de déploiement pour l'année 2024, il y a Médina Soubalo au Nord, plus précisément dans le département de Podor, Thiakhar au Centre, dans le département de Bambey, et Diaoulé, également dans le Centre, plus exactement à Fatick. La Casamance et la Petite Côte n'ont pas été en reste.
À Médina Soubalo, dans la commune de Médina Ndiathbé à Podor, la joie est immense pour les femmes qui ont pu aménager et équiper un beau périmètre maraicher, grâce à l'ambassade et à l'organisation italienne APDAM (A Prosito Di Altri Mondi Impresa Sociale). Installé sur une superficie de deux hectares, le projet a permis non seulement de clôturer le périmètre, mais aussi d'acquérir une motopompe solaire et d'assurer aux femmes des formations sur les techniques culturales.
Grâce au financement de 14 950 euros, soit près de 10 millions de francs CFA, diverses variétés ont pu être cultivées par les groupements bénéficiaires. Parmi ces variétés, rapporte la présidente des femmes, Ouleye Togola, il y a le niébé, le bissap, le gombo, l'aubergine, le piment. Sans compter les formations préliminaires, notamment comment sélectionner les semences, comment les cueillir, le calendrier cultural. “Nous avons vraiment beaucoup appris à travers ce projet. Cela nous permet aussi de nous occuper et de gagner des revenus supplémentaires”, se réjouit Mme Wade, qui appelle de tous ses vœux à un agrandissement du projet pour permettre d'augmenter la production et la surface réservée à chaque groupement.
La seconde vie à Diaoulé
Pendant ce temps, les femmes de Diaoulé (département de Fatick), elles, continuent de faire des merveilles grâce à la coopération polonaise qui a répondu à l'appel de l'association Diaoulé d'abord, pour contribuer au financement de la ferme agroécologique qu'ils avaient mise en place. De Ryad où il se trouve, le président de l'association, Mamadou Ndong, Touré revient sur cette coopération gagnant. Après un premier financement obtenu en 2023, l'organisation a pu décrocher cette année près de 13 000 euros pour la deuxième phase du projet. Monsieur Touré s'en félicite : “Le projet a permis de renforcer l'autonomisation des femmes. L'année dernière, l'ambassade avait appuyé la première phase qui a consisté en la mise en place d'une ferme agroécologique. Il se trouve que les produits issus de cette ferme ne pouvaient pas être conservés assez longtemps. Si bien que les femmes étaient obligées de les vendre à vil prix.”
Lors de la première phase, elles ont pu cultiver différentes variétés, dont la tomate, la pastèque. Pour une première année d'exploitation, les femmes de Diaoulé ont pu gagner 500 000 F CFA, avec quelques pertes qui ont motivé la nécessité de revaloriser les produits. D'où la deuxième phase qui a porté sur l'acquisition d'importants équipements pour la transformation durable des produits.
“Dans cette deuxième phase, les groupements de femmes ont pu bénéficier d'un accompagnement de 12 700 euros. Le financement a permis non seulement la réhabilitation du bâtiment abritant le foyer des femmes, mais aussi l'acquisition de moulins qui fonctionnent à l'énergie solaire, un frigo et un réfrigérateur à énergie solaire.'' De plus, pour assurer l'entretien de ces équipements électroniques, six jeunes ont subi une formation accélérée de deux semaines.
Par ailleurs, dans le cadre toujours de ce projet, les groupements de femmes ont pu planter 300 000 arbres dans le village. Ce qui leur a d'ailleurs valu une invitation de la Convention des Nations Unies sur la désertification pour participer à la COP16 à Riyad.
Thiakhar, un modèle d'économie sociale et solidaire
Toujours dans le centre du pays, à Bambey, l'ambassade a aussi été à Thiakhar, une collectivité territoriale de 30 000 habitants répartis dans 62 villages et 34 hameaux. Cette commune, dont le budget d'investissement tourne autour de 40 millions F CFA, a aussi reçu un important appui dans le cadre d'un ambitieux programme d'autonomisation des femmes. Un financement qui a permis à la collectivité d'acquérir deux batteuses à mil. Objectif : alléger les travaux ménagers des femmes, mais aussi leur permettre d'avoir des sources de financement de leurs activités à travers le développement d'une économie sociale et solidaire. Maire de ladite commune, Abdou Aziz Diome explique : “Le projet fait partie d'un package qui figure dans notre plan de développement communal 2022-2024. Dans ce programme, il y a des projets porteurs de développement et de changement positif. Un volet important concerne l'autonomisation des femmes. Notre ambition est d'alléger les conditions de travail des femmes, mais aussi de leur permettre d'avoir un moyen de trouver des ressources alternatives.”
Avant le projet, les femmes des 62 villages pilaient le mil avec des pilons et des mortiers. Grâce au projet, elles disposent maintenant des machines qui leur permettent de piler sans trop se fatiguer, mais aussi de faire des gains de temps importants. Femme de développement et non moins première adjointe au maire, Aissatou Pouye témoigne : “Le travail était très pénible pour les femmes. Elles pouvaient se retrouver avec des blessures qui les empêchaient de travailler. Le projet qui nous a permis d'avoir ces machines nous facilite beaucoup de choses. Cela va aussi nous permettre de gagner du temps et de nous occuper d'autres activités : élevage, commerce, mais aussi de nos vies familiales et sociales.”
Aussi, en période post-récolte, explique-t-elle, les femmes recouraient à des privés, pour piler le mil, moyennant 1 500 F CFA les 100 kg, soit 15 000 F CFA la tonne. “Le business modèle de ce projet mise sur l'économie solidaire qui va permettre aux femmes de s'autofinancer. Elles pourront utiliser les machines, moyennant un prix moins cher. Sur les recettes collectées, il y aura des ristournes qu'elles pourront utiliser pour financer d'autres projets”. Le tout est géré par un comité mis en place pour une gestion efficiente et transparente, sans aucune logique partisane, informe le maire qui n'a pas manqué de préciser que les machines ont une capacité de 4 à 5 t par jour.
Le défi de la transformation des produits locaux en Casamance
Dans le sud du pays, il a surtout été question de soutenir les femmes à travers notamment la transformation et la valorisation des produits alimentaires. Grâce au financement polonais, plusieurs unités dirigées par des femmes ont été soutenues entre les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda. Rappelant que ce projet entre dans le cadre d’un projet plus global relatif à l'enregistrement du “madd” de Casamance - soutenu par des partenaires dont la FAO, l'AFD, l'OAPI - Pape Tahirou Touré est largement revenu sur les apports de la coopération polonaise.
“Grâce à l'appui de l'ambassade, on a augmenté de 120 % les capacités de stockage des entreprises que nous accompagnons. Et 2 450 personnes ont été touchées, dont 2296 femmes, soit 94 % des bénéficiaires. On a aussi touché les jeunes qui sont surtout dans la cueillette et qui approvisionnent les femmes, mais on n'a pas pu évaluer le nombre”, se réjouit le coordinateur du projet, magnifiant l'impact positif sur la forêt.
Selon lui, les entreprises qu'ils accompagnent transforment divers produits, dont le “madd” et le “ditakh” qui sont des fruits forestiers. “La transformation permet donc de les valoriser ; et les valoriser c'est encourager les populations à mieux préserver les forêts. Parce que s’il n’y a pas de forêt il n'y aura pas ces fruits”, avertit M. Kanouté qui est aussi revenu sur la labellisation du “madd” sénégalais au plan international. “C’est la première fois qu’un produit alimentaire sénégalais est enregistré comme indication géographique, comme un label international au niveau de l’espace OAPI. C'est un acquis majeur que nous avons pu avoir grâce à l'appui de tous nos partenaires”.
Malgré les progrès, les niveaux de transformation restent très faibles. Selon Tahirou Kanouté, 15 % seulement des unités qui se trouvent en Casamance ont des installations en bonne et due forme. Aussi, constate-t-il pour s'en désoler, ces unités sont confrontées à une concurrence des commerçants qui transportent généralement le produit vers les centres urbains, en particulier vers Dakar. “Ce qui fait qu’on est à moins de 5 % de transformation pour tous les fruits. L’objectif du projet est de soutenir ces microentreprises pour augmenter leurs capacités de transformation. C'est dans ce cadre que l’aide polonaise nous a aidés à acquérir sept congélateurs de mille litres chacun qu’on a donnés à sept unités de transformation. Le projet a aussi permis de faciliter l’accès à des emballages de qualité, d’aider 18 entreprises à accéder à des emballages en verre au lieu des emballages en plastique qui ne sont pas recommandés pour les produits alimentaires”, soutient le coordinateur qui ajoute avec fierté : “Si vous allez à la Fidak (Foire internationale de Dakar), vous allez voir nos produits. C’est tellement bien présenté que certains pensent que c’est des produits importés. Parce que dans la conscience populaire, quand un produit est aussi bien présenté, on pense qu'il vient de l’extérieur.’’
FIMELA Les fermes de l’espoir Si dans le Nord, le Centre et le Sud, l'ambassade accompagne des projets agricoles et d'autonomisation des femmes, dans la Petite Côte, il est surtout question de soutenir les jeunes et les femmes pour lutter contre l'émigration irrégulière. Il y a environ trois mois, Fimela faisait le deuil d'une quinzaine de ses fils qui avaient péri dans l'océan, sur la route de l'Europe. “C'était vraiment très triste, avec des familles décimées. Cela nous avait renforcés dans notre certitude de développer ce genre de projets pour redonner espoir aux jeunes. Nous sommes heureux de pouvoir compter sur des partenaires comme l'ambassade de Pologne qui nous accompagnent”, témoigne Cheikh Diaw, président de la Sapop (structure d'appui aux organisations professionnelles et paysannes), maitre d'œuvre du projet. Revenant sur les caractéristiques du projet, M. Diaw a estimé que c'est une ferme-école, une ferme pilote où l’on fait l'agriculture, l'élevage et l'agroforesterie. Grâce à l'aide polonaise, ils ont pu acquérir un équipement solaire, un puits et un magasin de stockage pour renforcer les capacités de la ferme. “Notre objectif est de retenir les jeunes, d'abord en recrutant ce que nous pouvons, mais surtout montrer qu'il est possible de faire des merveilles avec des moyens très modestes.” Selon lui, Dans l'ensemble, malgré les financements assez modestes, ils arrivent à faire des choses très importantes et à aider des ménages à se tirer de la précarité. Il déclare : “C'est une ferme qui crée de l'espoir. Tous les trois mois, nous prenons environ 15 jeunes, qui peuvent gagner entre 50 et 70 000 F CFA le mois, en plus de pouvoir bénéficier de la formation. Cet appui nous permet d'agrandir la ferme, d'atteindre d'autres cibles.” Interpellé sur la rentabilité, M. Diaw a souligné qu'ils ne se plaignent pas. Non seulement ils arrivent à produire tous les jours des œufs qu'ils arrivent à écouler facilement sur le marché, mais aussi, chaque mois, ils versent jusqu'à 450 000 F CFA à leur banque. |