Publié le 18 Jan 2013 - 09:33

Ni stigmatisation ni négation

 

 

«La psychose ne doit justifier ni la stigmatisation de tous les mouvements islamiques non-confrériques ni la négation de leur liberté de conscience et d’expression». La cérémonie qui s’est déroulée, lundi, au Grand Théâtre, malgré certains de ses aspects folkloriques, était plein de symbole. Mais il aurait fallu introduire une dimension plus importante en revenant sur les œuvres et les enseignements de ceux qu’on honorait, surtout leur regard critique sur notre société et leur rôle de rénovateurs avant l’heure.

 

Notre jeunesse en a besoin. Malgré tout, les autorités posaient un acte important. Au moment où des mausolées de saints sont détruits ailleurs par les salafistes wahhabites, à Dakar on honorait les figures sénégalaises de l’islam soufi et un homme de paix comme le Cardinal Hyacinthe Thiandoum. L’appel à la vigilance du Président Macky Sall se justifie, mais il ne devait pas en arriver à nier le droit aux autres sensibilités de l’islam telles que le salafisme ou le wahhabisme à exister. Il faut en toutes circonstances, malgré la gravité de l’heure, veiller au respect scrupuleux de la liberté de conscience et de culte de manière égalitaire pour tous les Sénégalais. Il y va de la diversité des réalités islamiques et des libertés fondamentales, tout court.

 

Néanmoins, c’est une bonne chose que les autorités sénégalaises prennent enfin toute la mesure de la menace. Mais la surveillance doit respecter les droits de chacun pour un libre exercice des cultes. Personne n’a le droit de nier le droit à l’existence d’autres modes de religiosités tant que l’ordre public est garanti. La liberté d’expression doit être garantie même à ceux qui, quelques fois, s’attaquent à nos universitaires ou penseurs qui ne partagent pas leurs vues comme aux défenseurs des Droits de l’Homme.

 

La communauté musulmane de notre pays est d’une grande diversité. Il faut la respecter. Il y a eu récemment un grand rassemblement des forces dites «sunnites» à Dakar, les manifestations confrériques se suivent (Magal, Gamou, Ziar, etc.), la communauté chiite sénégalaise vient d’inaugurer sa première mosquée, nous sortons de Noël et des festivités du nouvel an. Nous devons veiller à la perpétuation de ce modèle sénégalais.

 

C’est pourquoi j’ai été profondément choqué par les titres d’une certaine presse en ligne me prêtant des déclarations stigmatisantes pour certains courants religieux qui ont le droit à l’existence et à l’expression comme tous les autres. Je n’ai jamais dit qu’il n’y avait aucun danger de radicalisation comme je n’ai jamais affirmé, non plus, que des cellules terroristes étaient dans tel ou autre endroit. Malgré les déclarations, du reste, explicites du ministre des Affaires étrangères sur ces cellules, j’ai simplement parlé de «terrorisme intellectuel» en évoquant la manière dont certains groupes voulaient imposer aux autres leur manière de pratiquer l’islam ou exclure certaines formes de pratiques des mosquées qu’ils contrôlent, violant aussi la liberté de cultes d’autres musulmans.

 

J’ai eu l’expérience d’avoir vécu des situations où j’étais assimilé à une minorité religieuse. Je sais l’importance du respect des droits de chacun à choisir sa religion, son culte et son mode de religiosité. Je suis profondément attaché à la liberté de conscience comme au principe du respect de la différence et de la diversité. C’aurait été salutaire que ce soit le cas pour ceux qui se sentent aujourd’hui stigmatisés et dont je défendrai toujours la pleine liberté d’expression même si je ne partage pas la vision du monde de ceux qui s’attaquent au patrimoine de Tombouctou. La probité intellectuelle et la démarche scientifique universitaire m’interdisent les raccourcis, les présupposés ou la stigmatisation discriminatoire d’un quelconque courant religieux.

 

 

DR. BAKARY SAMBE,

Enseignant-Chercheur au Centre d’Etude des Religion (CER)

UFR des Civilisations, Religions, Arts et Communication (CRAC) – Université Gaston Berger – Saint-Louis

 

 

 

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