Publié le 4 Sep 2013 - 12:00
A PEINE NOMMÉ MINISTRE DE LA JUSTICE

Me Sidiki Kaba cristallise le doute sur sa personne

 

 

La nomination de Me Sidiki Kaba à la tête du ministère de la Justice fait débat dans le milieu judiciaire. Sa présence au niveau des juridictions sénégalaises et dans certains dossiers comme celui de Hissène Habré fait craindre un conflit d’intérêts au niveau du Temple de Thémis.

Même si sa notoriété d’avocat international est reconnue, il n’empêche que Me Sidiki Kaba essuie des vagues depuis sa nomination comme ministre de la Justice. Ses pourfendeurs ne mettent pas en doute ses compétences mais certains juristes, notamment des avocats, pensent que le nouveau Garde des Sceaux n’est pas à la place qu’il faut, déconnecté qu'il serait de la réalité de la famille judiciaire sénégalaise. Selon un de ses confrères au barreau de Dakar, «le secteur de la justice doit être dévolu à une personne qui connaît l’appareil judiciaire’’. Or, poursuit notre interlocuteur qui a préféré gardé l’anonymat, «eu égard à sa rupture liée au fait qu’il est depuis des années dans les instances internationales, il lui sera difficile de régler les problèmes de la justice à moins qu’il s’entoure de personnes qui connaissent bien la réalité’’.

Prenant le contre-pied de son confrère, une autre robe noire défend Me Kaba. «Il est certes dans les instances internationales mais il a toujours ses repères au Sénégal car avec les moyens de communication, on peut être à Londres et savoir tout ce qui se passe au Sénégal’’, ajoute Me Mbaye. A ses yeux, «c’est un homme de la famille judiciaire et un militant reconnu des droits de l’Homme. Son expertise fera qu’il réussisse à améliorer le secteur de la justice’’, a renchéri Me Moustapha Dieng.

Cependant pour certains juristes, cette expertise sera mise à rude épreuve par un soupçon de conflit d’intérêts reproché au nouveau ministre de la Justice. Outre le déphasage avec la réalité du terrain, certains de nos interlocuteurs ont évoqué un conflit d’intérêts lié au fait que l’ancien président de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) est constitué du côté des parties civiles dans la procédure initiée par l’Etat du Sénégal contre l’ex-président tchadien, Hissène Habré. D’autre part, l’avocat ‘’droit de l’hommiste’’ fait partie des défenseurs de Bibo Bourgi inculpé dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Des constats qui font que cet avocat inscrit au barreau de Dakar ne veut point accorder la présomption de neutralité à Me Kaba. «Depuis Madické Niang, on n’arrive pas à avoir un ministre de la Justice neutre’’, fait remarquer un autre avocat. ‘’Il était avocat de Habré et vous avez vu comment le dossier a traîné. Aujourd’hui, c’est au tour de Me Sidiki Kaba qui est membre de lobbies qui se sont toujours battus pour les victimes de Habré’’ . Pourtant, un de ses confrères fait remarquer que le nouveau ministre de la Justice ‘’n’agit pas directement’’ dans ce dossier comme la traque des biens mal acquis, mais s’est interrogé notre interlocuteur : ‘’est-ce que Me Kaba va influer sur certains dossiers dans lesquels il était constitué ?’’.

«Conflit d'intérêts ? Plutôt conflit de convictions»

En tout cas, pour un conseiller à la Cour d’appel, c’est l’histoire qui se répète. ’’Mame Madior Boye avait son Basile Senghor qui était comme lui dans les instances internationales. Mimi Touré a fait pareil avec Sidiki Kaba’’. A ses yeux, le PM pouvait trouver mieux, même s'il ne va pas jusqu'à évoquer l’argument du conflit d’intérêts pour justifier sa position. ‘’C’est aller trop vite en besogne en parlant de conflit d’intérêts car Me Kaba n’est ni juge, ni partie mais simplement un avocat et il peut se déporter’’. ‘’En le choisissant, Mimi Touré savait bien qu’il était dans certains dossiers donc, il devrait s’abstenir de faire certaines déclarations et avoir une attitude de réserve’’, a conseillé le magistrat.

En lieu et place d'un «conflit d'intérêts», note un autre magistrat, on devrait plutôt parler de ‘’conflit de convictions’’. Comment l’avocat de Bibo Bourgi devenu ministre de la Justice ‘’va-t-il appréhender la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) qu’il a toujours considérée comme illégale ?’’. Pour un autre juge, ‘’il y a certes un conflit d’intérêts’’ mais la qualité de la personne doit pouvoir faire la différence. ‘’Me Kaba est lucide et imbu de valeurs qui lui permettront de ne pas faire d’amalgames’’. En plus, ‘’il n’hésitera pas à démissionner si on lui impose des choses auxquelles il n’adhère pas’’, tranche Me Mbaye.

 

Section: