Publié le 3 Dec 2019 - 11:36
PERMIS DE CONDUIRE BIOMETRIQUE

Un projet dangereux 

 

N’est-ce pas trop tard ou l’Association des utilisateurs des Tic (Asutic) se dit qu’il n’est jamais tard pour bien faire ? La question mérite d’être posée, après lecture du communiqué qu’elle publiait hier. Elle y dénonçait la décision du gouvernement du Sénégal de numériser les permis de conduire. ‘’Après la carte d’identité biométrique, le passeport biométrique, le gouvernement du Sénégal est monté d’un palier, en mettant en place un permis de conduire non seulement biométrique, mais en plus médicale. Un fichier à la puissance jamais atteinte dans ce pays, sans aucune étude d'impact sur la vie privée des Sénégalais’’, s’attriste l’Asutic. Le Sénégal serait le premier pays ‘’démocratique’’ à le faire, ‘’compte tenu des dangers pour la sécurité nationale et les droits fondamentaux des citoyens’’.

La Direction des transports routiers du ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement a réuni, ‘’dans un seul fichier centralisé, en plus du groupe sanguin, le nom de famille, les prénoms, la date et le lieu de naissance, le genre, l’image numérisée du visage, des empreintes digitales, la signature et le domicile ou la résidence du titulaire. Un permis de conduire biométrique et médicale, une première au monde’’, s’émeut l’Asutic.

Autant d’informations qui ne sont cependant pas hébergées par l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie) tel qu’elle l’a indiqué sur son site web, toujours d’après le communiqué de Ndiaga Guèye et ses amis. ‘’La mise en place d’un tel fichier centralisé étant susceptible, par nature, de porter atteinte aux libertés fondamentales et à la vie privée, devait inciter la Commission des données personnelles (Cdp) à placer la collecte et le traitement des données sensibles à un niveau de protection élevé’’, indique-t-on dans le communiqué de presse.

Ainsi, ‘’ces fichiers centralisés des citoyens nourrissent des craintes légitimes liées à la possibilité d'en faire un outil totalitaire de surveillance afin de contrôler la population. Rien ne peut garantir qu'un gouvernement peu soucieux des droits fondamentaux, voulant établir un régime policier, ne puisse un jour les utiliser. ­La possibilité de cibler n'importe quelle personne où catégorie de personnes ou de créer des critères de discrimination de la population, peut avoir des conséquences dramatiques’’, craint l’Asutic. Elle prévient : ‘’Pire encore, un tel écosystème numérique avec des données aussi sensibles, qui est une menace pour les intérêts fondamentaux de la nation et des citoyens, peut faire l’objet d’intrusions non désirées. Aucun système informatique n’est impénétrable. Toutes les bases de données peuvent être piratées. Ce n’est qu’une question de temps. Au moment où la vie des Sénégalais se numérise de plus en plus et qu’on tend vers la généralisation et la banalisation du recours à la biométrie et aux données médicales, l’inertie de la Cdp est préoccupante. Quant au gouvernement, il est muet sur les probables utilisations de ces fichiers, excepté sur le prétexte fourre-tout de la sécurité.’’

 

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