Publié le 23 Feb 2019 - 20:12
PRESIDENTIELLE 2019

Le rap engagé debout !

 

La musique a rythmé la campagne électorale. Des chansons ont fleuri en l’honneur des différents candidats. Les rappeurs, dans la lignée du mouvement hip-hop, ont fait dans la conscientisation, la sensibilisation et la dénonciation. Le rap engagé s’est levé, en cette veille de scrutin.

 

Depuis près de deux décennies, à chaque veille d’élection au Sénégal - surtout aux encablures d’une Présidentielle - les rappeurs s’engagent à leur manière. A travers leurs musiques, ils marquent leurs positions. Ils n’ont pas dérogé à la règle, cette année. Et si, jusque-là, ce n’était que l’affaire des Old school - ce sont presque les mêmes qui revenaient chaque année - il est heureux de noter, en 2019, la prise de position de New school comme Dip, Leuz Diwane G ou encore Nara P. Le premier cité, très aimé du public hip-hop, est l’un des rappeurs incontournables de la scène hip-hop actuelle. Il a sorti, il y a quelques jours, le single ‘’Doundine’’. Il revient sur les tracas et les problèmes quotidiens que vivent ses concitoyens. Les jeunes n’ont plus d’avenir, pour lui. Quand ils réussissent au Bac, s’ils n’échouent pas à la Fac, ils y meurent. Il fait référence aux meurtres des étudiants Bassirou Faye, Fallou Sène et Balla Gaye. Les difficiles conditions de vie des Sénégalais, la corruption, l’injustice, la transhumance, tout y passe.  

C’est pourquoi Leuz Diwane G appelle au secours, dans ‘’Wey Wallu’’. Pour lui, on ne peut pas gérer un pays dans l’incompétence et l’arrogance. Il met tous les hommes politiques au même pied et rend parallèlement hommage à Mamadou Dia et à Cheikh Anta Diop. ‘’Au secours, Sos, un appel de détresse’’, voilà ce que lance Leuz qui rappelle aux gouvernants leurs devoirs. Ils les appellent à se souvenir de ce pourquoi ils ont été élus.

Pour Dip, le peuple est le seul à pouvoir se sortir de la misère dans laquelle l’ont plongé les politiques. Comme l’on dit souvent, chaque peuple n’a que le dirigeant qu’il mérite. Pour le rappeur de Grand-Yoff, il est temps que les Sénégalais arrêtent de troquer leur vote contre un sandwich et 5 000 F Cfa. Il ne serait pas difficile de le faire. Il ne comprend pas que les politiciens, qui ne font même pas mille, puissent mener le peuple par le bout du nez.

Avec une série dénommée ‘’Kaddu Buur’’, Nara P a essayé, à sa manière, de jouer sa partition dans cette sensibilisation. Il joue le rôle du patriarche, pour ne pas dire du roi. En featuring avec Clayton Hamilton, Bakhaw de Da Brains et Korka, il donne ses ‘’directives’’. Nara P appelle au calme et à l’ordre ceux qui font dans les dérives, comme Moustapha Cissé Lô ou encore l’ancien président Abdoulaye Wade qui appelait les Sénégalais à verser dans la violence. Nara P rappelle également aux citoyens qu’ils doivent faire leur choix sur la base des programmes qui leur sont soumis. Il exhorte les jeunes à aller retirer leur carte d’électeur et à se faire entendre le 24 février, en allant voter en masse. Il fait passer ses messages d’une manière assez particulière, en usant de sonorités bien connues du folklore national comme le ‘’ngoyaan’’.

Dans cette entreprise de conscientisation, les éternels ‘’dénonciateurs’’ sont au rendez-vous. Awadi s’engage avec ‘’Impertinent’’. Il est toujours dans ses métaphores plus que compréhensibles. Il ne cite personne dans son texte, mais l’on sait tous de qui il parle. Awadi est dans ce qu’il sait faire le mieux, honorer le ‘’contrat de conscience qui le scelle à ce continent’’. Il met le doigt sur tout ce qui ne va pas, quoi que cela lui coûte.

Un autre qui ne se fatigue guère pour mettre à table les choses, c’est Gunman Xuman. ‘’Door Fayu’’ est presque à l’image, tant  sur la tonalité que le texte,  de ‘’Li lumu doon’’ sorti en 2012. Dans le nouveau single, il ajoute juste les dernières dérives notées sous le magistère de Macky Sall et une astuce. Il conseille aux Sénégalais de jouer le jeu des politiciens. Comme ces derniers, les citoyens pourraient, à leur tour, leur faire croire qu’ils voteront pour eux, accepter tout ce qu’ils leur proposent comme argent et autres commodités. Le jour du vote, seuls dans l'isoloir, ils choisiront celui qu’ils pensent être le meilleur candidat et qui n’est pas forcément celui qui leur avait fait des largesses.

Les Y en a marristes crachent du feu

Les rappeurs de Y en a marre ne sont pas, en outre, en reste. Le duo de Keur Gui, Kilifë et Thiat, a sorti ‘’Saï Saï au cœur’’. Le single a fait un tollé, à sa sortie. Chacun y est allé de son commentaire. Beaucoup ont trouvé que les jeunes de Kaolack y sont allés trop forts, en traitant le président de la République, une institution, de ‘’saï saï’’. De pseudos rappeurs comme le comédien Jaaw Ketchup ont voulu leur apporter la réplique. Ils n’auraient pas dû. Non seulement, ils sont loin d’avoir le niveau, mais ils ont été vertement critiqué sur la toile. Au-delà de la supposée insulte, le texte de Keur Gui est très profond. Les y en a marristes ne laissent rien, absolument rien dans la ‘’cahoteuse’’ gestion du régime de Macky Sall. Depuis 2012, à leurs yeux, les choses vont de mal en pis. ‘’A l’heure du bilan, rien à se mettre sous la dent. On a perdu sept ans dans un banditisme d’Etat’’, regrette Thiat.

En pleine campagne électorale, Simon prend le relais. Il a réussi un grand coup de communication avec ‘’Ma tey’’, son dernier single. Il l’a sorti le 14 février passé. C’est symbolique. Vingt-quatre heures auparavant, il avait lancé l’affiche sur les réseaux sociaux, promettant de ‘’déclarer sa flamme au président Macky Sall’’, le lendemain. Nombreux ont été ceux qui pensaient qu’ils allaient transhumer. D’un côté, il a été vertement insulté, de l’autre applaudi. Coup de tonnerre, le jour de la Saint-Valentin à 13 h, le son est mis en ligne. L’on se rend alors compte que Simon faisait dans l’ironie, en parlant de déclarer sa flamme. Il lui a plutôt craché du feu en lui rappelant toutes ses promesses non tenues. Ceux qui l’applaudissaient la veille ont alors commencé à l’insulter. ‘’J’assume’’, leur rétorque-t-il avec calme.

De l’étranger, Gaston a tenté de jouer sa partition. Il assimile le président Sall à un ‘’Nègre moderne’’. Il dénonce la forte présence des investisseurs étrangers au Sénégal, notamment les entreprises françaises. ‘’On a élu un Noir, mais c’est un impérialiste blanc qui nous dirige. C’est ironique. Eiffage, Total, Orange, laissez-nous. De Senghor à Macky, ce sont les mêmes larbins’’, martèle-t-il. ‘’Celui qui dirige le bateau (le Sénégal) est aveugle et sourd aux doléances du peuple et muet face à l’impérialisme’’, entonne-t-il. Il regrette que le dirigeant actuel n’ait pas le courage de Lamine Senghor (du nom d’un illustre tirailleur sénégalais). Il se désole que depuis l’accession au pouvoir de M. Sall, on note que ‘’clientélisme’’ et ‘’népotisme’’ à la tête de l’Etat.

D’autres rappeurs ont décidé de faire des textes pour des hommes politiques. Chaque candidat a son ou ses ‘’tubes de campagne’’.

‘’Mbalakhmen’’ aphones, You à fond derrière Macky

Les ‘’mbalakhmen’’ sont, pour la plupart, restés aphones. Seuls ceux qui soutiennent le parti au pouvoir se font entendre. Youssou Ndour, soutien, depuis plusieurs années, du président Sall, est très présent sur le terrain et a composé un morceau en l’honneur de ce dernier. L’ancienne candidate de Sen P’tit Gallé, Sokhou Bb, a elle également composé un morceau pour M. Sall. Une très belle chanson d’ailleurs, il faut le dire. Baaba Maal a lui aussi participé à divers meetings du président sortant.

BIGUE BOB

 

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