Publié le 7 Jan 2015 - 21:10
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

Hardstand et de Dalhia SA au cœur de la cible

 

Les deux terrains de la Corniche ouest acquis par les sociétés Arstand et Dahlia SA et imputés à Karim Wade, dans le cadre de son procès devant la CREI, ont été le point focal des auditions hier. C’est donc deux notaires et deux agents des impôts et domaines, dont le patron de la DGIE de 2002 à 2006, qui ont donc été entendus, hier, en qualité de témoins.

 

La CREI s’est penchée hier sur des éléments du dossier Karim Wade afférents à deux terrains situés sur la Corniche Ouest de Dakar. Le premier étant un lopin de terre de plusieurs dizaines d’hectares acquis puis mis en valeur dans le cadre de la construction d’un complexe résidentiel baptisé « Eden Rock » et initié par Arstand, une société immobilière imputée au patrimoine de Karim Meïssa Wade, mais revendiquée par Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi. Le deuxième terrain évoqué s’étend sur une surface de 3 hectares. Il a été acquis par la société Dahlia SA (elle aussi réclamée par Bibo Bourgi), en 2005… Cela dans le but d’en disposer pour y construire, à des fins d’habitation, trois villas de grand standing dont l’une aurait dû appartenir au Président Abdoulaye Wade.

« Eden Rock »

La Cour a donc fait comparaître en premier lieu Me Fatou Demba Mbalo. La dame est la notaire d’Ibrahima Aboukhalil. Elle représente aussi les différentes sociétés créées ou représentées par son frère Karim Aboukhalil et lui, au sein de l’étude Pape Sambaré Diop. De l’audition, il transparaît que ledit témoin est effectivement en charge, depuis 2006, de tous les dossiers intéressant la CREI quant à la société Arstand et, plus précisément, dans le cadre de la mise sur pied du projet « Eden Rock ».

La dame a ainsi appris aux juges qu’une dizaine des dits appartements, au nombre total de 24, ont déjà été vendus sous seing privé via une VEFA, un processus permettant d’acheter un terrain en payant le prix par avancement des travaux. Sur les propriétaires des dits appartements, le témoin a révélé qu’il s’agit (pour l’essentiel) de quatre sociétés civiles professionnelles (SCP) dont les actionnaires ne sont autres que ceux d’Arstand, à savoir les frères Aboukhalil... Nulle part, atteste-t-elle néanmoins, n’est mentionné le nom de Karim Meïssa Wade.

Se vendre des appartements à soi-même serait ainsi une pratique légale, voire courante, explique la notaire, en précisant que ses clients sont libres de choisir ou de décider de l’opportunité ou des modalités d’achat ou de vente de leurs biens. « Chacun gère son patrimoine comme il l’entend », a-t-elle fini par déclarer sur le sujet. Vint ensuite le point sur la « nationalité » de ces sociétés. La Cour s’est interrogée sur les motivations d’ouvrir un SCP offshore… Le témoin a répondu qu’il s’agit, à l’origine, de faire de « l’évasion fiscale ». Mais, elle a fini par nuancer son propos, quand la même question lui a été posée à nouveau par la défense. Elle a déclaré qu’il s’agit plutôt « d’optimisation fiscale », concernant « Eden Rock ».

Arstand

Le deuxième témoin a été un autre notaire, en la personne de Me Binta Thiam qui s’occupe, elle, des affaires de Mody Diagne qui est le propriétaire d’un des terrains compris dans le lot sur lequel a été bâti le complexe d’Arstand. Son audition a été peu concluante, car elle a expliqué que le processus de vente du terrain par son client à ladite société immobilière s’est fait de notaire à notaire. Donc, elle ne connaît pas les personnes impliquées dans l’affaire, ni les tenants et les aboutissants de cette vente.

Les deuxième et troisième témoins ont été priés de se prononcer sur le fameux échange entre Mody Diagne et l’État qui a consisté à céder ledit terrain sur la Corniche contre un terrain et un immeuble que possédait M. Diagne à Rufisque et dont l’administration a eu besoin, à l’origine, pour loger quelques-uns de ses services. Entendu en premier lieu, Assane Diankho (qui était à l’époque Directeur des Impôts et Domaines), a déclaré qu’il a pris connaissance du dossier, après qu’il a été soumis et « avalisé » par la Commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD). Donc, malgré les observations qu’il a pu faire à titre personnel sur le dossier, il n’était pas dans ses attributions d’influencer de quelque manière que ce soit une procédure déjà en cours.

Cela dit, le témoin a déclaré qu’il s’était à l’époque interrogé sur la pertinence dudit échange qu’il a d’abord jugé « disproportionné » au prix de la valeur réelle des deux parcelles, ajoutant par la suite que l’opération en elle-même était « sans objet », puisque la relocalisation des services censés se faire sur le terrain de Mody Diagne n’a jamais été effective, car un autre terrain a fini par être choisi à la place pour la construction d’un immeuble tout neuf à cet effet.

Le reste des questions a concerné, respectivement, le déclassement d’une partie du terrain acheté par Arstand qui relevait (à l’origine) du domaine public maritime, et l’obtention du bail, puis du titre foncier sur l’autre terrain de l’avenue Roosevelt par Dahlia Sa…

M. Diakho et son successeur, l’inspecteur des impôts et domaines Ibrahima Wade, ont été priés d’éclairer la lanterne de la Cour sur le processus d’attribution de terrain par la CCOD et les mécanismes internes de travail des agents. Il a été notamment question de la célérité supposée des processus dans les deux cas et de l’implication possible et supposée de Karim Meïssa Wade. Une hypothétique implication que les témoins ont tous deux infirmée. 

Sophiane  Bengeloun

 

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