Publié le 8 Jun 2023 - 23:23
PROJET DE LOI PORTANT CODE DE L’ENVIRONNEMENT

Les inquiétudes des députés et les réponses d’Alioune Ndoye

 

Le projet de loi 13-2022 portant sur le Code de l’environnement a été voté hier à l’Assemblée nationale. L’occasion pour les députés de faire part au ministre Alioune Ndoye de leurs inquiétudes.

 

Le projet de loi 13-2022 portant sur le Code de l’environnement a été voté hier à l’Assemblée nationale. Selon le ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, il a pour objectif  l'exploitation rationnelle des ressources naturelles, l'adaptation du cadre juridique de l'environnement au nouveau contexte national et international, la lutte contre les différentes sortes de pollution et nuisance, l'amélioration des conditions de vie des populations dans le respect de l'équilibre de leurs relations avec le milieu ambiant, la mise en place d'un régime spécifique de responsabilités garantissant la réparation des dommages causés à l'environnement.

Le projet de loi, selon le ministre, apporte les innovations majeures, à savoir le renforcement du cadre définitionnel, l'amélioration du dispositif juridique et opérationnel relatif au processus d'évaluation environnementale, la mise en place d'un fonds spécial de protection de l'environnement dont l'objectif est le financement des activités de protection de l'environnement,  le renforcement du cadre de gestion des substances nocives et dangereuses et des déchets, l'encadrement des opérations de transport des matières dangereuses, la consécration du principe de la responsabilité des personnes morales, le renforcement des dispositions de gestion des activités minières, pétrolières et gazières.

Le projet de loi, poursuit le ministre Ndoye, est articulé autour de sept titres qui sont relatifs aux dispositions générales. Il porte sur les instruments de protection de l'environnement, traite des évaluations environnementales, concerne la prévention et la lutte contre les pollutions, risques et nuisances, vise la protection et la mise en valeur des milieux récepteurs et sites sensibles, prévoit les sanctions administratives et pénales et qui portent sur les dispositions transitoires et finales.

Ainsi, souligne le ministre de l’Environnement, la mise en place d'un cadre juridique rénové pour une bonne gestion de l'environnement avait présidé à l'adoption de la loi n°2001-01 du 15 janvier 2001 portant Code de l'environnement.

Cependant, force est de constater, selon lui, qu'après plus de deux décennies de mise en application de cette loi, l'environnement continue de subir des atteintes de toutes parts, liées notamment à une multiplication des activités de production et de transformation et à la pression démographique.

Poursuivant, il a précisé que l'analyse de ce cadre montre des manquements qui constituent un frein à l'efficacité de la gestion rationnelle de l'environnement et des ressources naturelles.

Parmi ces manquements, il convient de citer, d’après lui, l'insuffisance des dispositions juridiques relatives aux substances nocives et dangereuses et aux déchets dangereux, la non-prise en compte de ces substances et déchets dans la partie réglementaire, la faiblesse de l'encadrement de la procédure d'évaluation environnementale, l'inadaptation de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement au regard des standards et normes internationaux, l'absence d'un cadre juridique complet et actualisé facilitant l'élaboration des plans particuliers d'intervention jusque-là inexistants, la non-prise en compte de certains principes fondamentaux du droit de l'environnement.

De plus, il s'agit, selon le ministre, de prendre en compte les accords  multilatéraux sur l'environnement ratifiés par le Sénégal. À cela s'ajoute l'émergence d'activités de prospection, d'exploration et de production d'hydrocarbures en offshore, ainsi que leurs impacts sur l'environnement et les ressources naturelles.

Tout cela, a-t-il précisé, soulève de nouveaux enjeux environnementaux, sociaux et sécuritaires dont leur prise en compte rend nécessaire le renforcement des mécanismes de prévention et de suivi des activités en mer.

Il a rappelé, en outre, que dans un souci d'amélioration du texte, les participants à l'atelier ont formulé plusieurs recommandations. Elles portent essentiellement sur l'amélioration de l'exposé des motifs, la clarification de quelques définitions et l'ajout de nouvelles définitions, l'ajout de principes généraux (prévention, non-régression, subsidiarité), une meilleure intégration des changements climatiques, une prise en compte de l'environnement, l’accrue des accords multilatéraux sur la consécration législative d'un cadre de concertation autour du ministère (Conseil national du développement durable), l'importance à accorder à la planification environnementale, la prise en compte dans le projet de loi des concepts de commande publique durable et d'économie circulaire, une meilleure intégration des nuisances vibratoires, olfactives, visuelles et lumineuses, etc.

Les inquiétudes des députés

De leur côté, les députés ont plaidé pour l'intégration des propositions d'amélioration dans le projet de loi.  Ils sont revenus sur les propositions d'amélioration issues de l'atelier de partage du projet de loi portant Code de l'environnement.

En outre, ils ont demandé la prise en compte desdites propositions d'amélioration, notamment en ce qui concerne la réduction de l'exposé des motifs, le complément et la clarification des définitions, le rajout des principes (prévention, non-régression et subsidiarité), le renforcement du cadre institutionnel de la concertation et de la planification environnementale, le réaménagement et la reformulation de certaines dispositions pour plus de clarté et de précision.

Par ailleurs, les parlementaires se sont inquiétés de la prolifération des codes pour chaque secteur ou sous-secteur. Ils se sont interrogés sur la conformité de certaines dispositions du projet de loi portant sur les pesticides, avec le droit communautaire sur les pesticides.

En effet, ont-ils considéré, le texte prend en compte les pesticides avec le risque d'entrer en conflit avec les dispositions législatives et réglementaires spécifiques. Ils ont insisté sur la nécessité d'harmoniser le projet de loi avec le droit communautaire et le droit interne, afin d'éviter des conflits de lois. Aussi, ont-ils estimé que le projet de loi doit se limiter aux produits chimiques industriels.

Ils ont demandé une prise en compte par le code du caractère informel de certaines activités polluantes et à risque. Ils ont aussi recommandé une prise en compte de la planification environnementale, du niveau national au niveau local et un assouplissement des conditions d'ester en justice pour les associations de protection de l'environnement.

Les députés ont insisté sur la vigilance à observer dans le secteur pétrogazier, pour éviter que les clauses de stabilisation ne neutralisent pas les dispositions contenues dans le projet de loi imprécise, comparé à l'article 1.52 du code de 2001. Aussi, ont-ils souhaité une formulation plus claire et précise, car il est superflu de lister les principes de la gestion des déchets dans l'article 69 du projet de loi, car ils peuvent être pris en compte dans la consécration des principes généraux de subsidiarité et de prévention à l'article 5 du projet de loi. Ils ont proposé la reformulation de l'article 69 en conservant uniquement le principe de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Ils ont également considéré que les principes d'information et de consultation du public doivent être consacrés de façon précise.

Par ailleurs, les députés ont plaidé pour une plus grande implication des collectivités territoriales dans la gestion de l'environnement, car cette dernière est une compétence transférée aux collectivités territoriales.

S'agissant de la question des déchets ménagers et assimilés, ils ont demandé les mesures à prendre pour appuyer les communes à assumer leurs compétences.

Concernant les installations classées pour la protection de l'environnement, ils ont demandé si les dispositions de l'article 44 du projet de loi seront appliquées aux collectivités territoriales, notamment pour les installations de seconde classe. Ils se sont interrogés sur la pertinence de la soumission des plans d'urbanisme de détail à évaluation environnementale stratégique, dans les cas où les plans directeurs d'urbanisme auraient déjà respecté cette procédure prévue à l'article 63 du projet de loi. Ils ont suggéré d'instaurer des conditionnalités environnementales pour tout accès prioritaire à la commande publique ainsi que la mise en place de mécanismes de promotion de l'écocitoyenneté.

Les réponses d’Alioune Ndoye

Lors de sa prise de parole, le ministre de l’Environnement a souligné que le budget de l'État, seul, est insuffisant pour faire face aux impacts néfastes des changements climatiques. C'est pourquoi il est créé des fonds environnementaux financés, en grande partie, sur ressources extérieures, pour prendre en charge certains impacts négatifs et à risque, notamment l'érosion côtière, les pollutions et les accidents industriels majeurs, etc.

Concernant la gestion des déchets, il a précisé que cette compétence est transférée aux collectivités territoriales, mais partagée avec l'État. Ainsi, la création de la Sonaged, qui succède à l'Unité de coordination de la gestion des déchets solides (UCG), ne remet pas en cause cette répartition des compétences.

En outre, le ministre a relevé que la technique du tri à la source est une bonne pratique que le projet de loi veut promouvoir. Aussi, il a noté que les déchets d'équipements électriques et électroniques sont pris en compte par le projet de loi, au titre des déchets dangereux.

Évoquant l'audit environnemental, il  a dit qu'il est prévu dans la phase d'exploitation des installations classées, afin de corriger les problèmes environnementaux et sociaux rencontrés en cours de fonctionnement. Dans ce cadre, il a informé que ses services ont été instruits de procéder à l'arrêt des travaux et à la mise aux normes de certains projets dans la localité de Hann.

Concernant la publication des rapports d'évaluation environnementale et des plans de gestion environnementale et sociale (PGES), il a précisé qu'elle est prévue par les dispositions du Code de l'environnement, afin de garantir la transparence, la participation et l'information du public.

CHEIKH THIAM

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