Publié le 15 Nov 2018 - 02:53
PROJET FILM

Laba Sosseh porté à l’écran

 

Actuellement en tournage à Dakar, Macky Sylla et Lionel Bourqui ont ‘’coupé’’ pendant quelques minutes pour expliquer leur projet. Ils font un film sur le chanteur sénégambien Laba Sosseh, afin qu’il soit connu des jeunes générations et reste dans la mémoire de ceux qui l’ont connu.

 

Entre le réalisateur indépendant suisse Lionel Bourqui et le musicien sénégalais Macky Sylla aka Daddy Macky, ‘’tout a commencé autour d’un ‘yassa’’, aiment-ils à raconter. Cela peut sembler bizarre quand, au fil de l’histoire, vous vous rendez compte que ce n’est pas le Sénégalais qui a préparé le ‘’yassa’’, mais le Suisse. Il a passé une partie de son adolescence à Dakar et était heureux de retrouver un Sénégalais au hasard dans un studio d’enregistrement musical. Le feeling est passé et autour d’un bon plat, ils ont fait plus amples connaissances. De ce premier vrai contact chaleureux est né, deux ans plus tard, un projet de film.

Contre l’oubli, les deux jeunes réalisateurs préparent un 52 minutes en hommage à la légende de la musique afro-cubaine, feu Labba Sosseh. A ceux qui l’avaient connu, ils veulent rappeler les grands moments de l’artiste ; aux jeunes générations, leur faire découvrir ‘’ce génie de la musique’’, d’où le titre du documentaire : ‘’El maestro Laba Sosseh’’. ‘’J’ai eu la chance de passer beaucoup de temps au cours de mon adolescence ici à Dakar. J’écoutais la musique de Laba Sosseh et c’est une musique que j’ai en tête. Je l’entendais’’, se remémore M. Bourqui.

Mais le duo ne veut pas que dépoussiérer les vieux souvenirs. ‘’A la mort de Labba Sosseh, j’ai lu un article de la journaliste Mame Sira Konaté et je me suis rendu compte de la dimension de qui était vraiment Laba Sosseh. Je ne savais pas qu’il avait un disque d’or, qu’il avait joué avec les plus grands noms de la salsa, par exemple. Je me suis alors dit qu’il méritait qu’on fasse découvrir cela à tout le monde’’, explique M. Sylla.

Onze ans après le rappel à Dieu du chanteur sénégambien, il commence à tomber dans l’oubli. Le 20 septembre, jour de son rappel à Dieu, passe presque inaperçu. Ce que veut changer le duo de réalisateurs. ‘’On veut montrer quel musicien était Laba Sosseh. C’est un trésor national, voire international tombé dans l’oubli. On veut le faire connaître aux jeunes’’, martèle Lionel Bourqui.

Ainsi, depuis un an, ils tournent. Un premier tournage a été fait dans la capitale sénégalaise. Cette année, l’équipe est de retour et compte enregistrer à Ziguinchor et en Gambie, avant d’aller, en 2019, à Abidjan. Vous l’avez compris, ils comptent repasser dans toutes les villes où a vécu l’interprète d‘’El divorcio’’. Avec Djibril Gaby Gaye comme ‘’parrain’’ du projet, l’équipe est en train de recueillir des témoignages auprès de gens ayant vécu avec l’artiste.

‘’Au fil du tournage, on s’est rendu compte que les gens ont beaucoup à nous dire et ce sont des choses qu’ils n’ont jamais dites à personne’’, informe M. Bourqui. Mais la collecte d’informations inédites sur le défunt n’est pas aussi aisée. ‘’Parmi ceux qui connaissaient vraiment Laba Sosseh et qui ont vécu avec lui des choses qui pourraient intéresser le public, certains sont décédés, alors qu’ils figuraient sur notre liste de sources à interviewer. Il y a, par exemple Seyni, celle qu’il chante dans un de ses titres, ou encore feu Médoune Diallo’’, se désole Macky Sylla.

Cela démontre, en outre, que c’est maintenant ou jamais que doit se faire le travail de mémoire autour du chanteur sénégambien. Et Lionel Bourqui et Macky Sylla espèrent qu’en septembre prochain, coïncidant avec la 12e célébration du rappel à Dieu de Laba Sosseh, leur film pourra toucher et émouvoir le public. ‘’On a commencé à tourner en 2017. Depuis, on est parti d’émotions en émotions. C’est l’histoire de toute une génération que nous sommes en train de retracer. Au Sénégal, on n’a pas cette culture de la mémoire. Après tout ce que Laba Sosseh a accompli, on n’a pas entretenu son legs. En entamant ce projet, je ne pensais pas être autant ému par l’histoire de Laba Sosseh. J’ai pu comprendre comment un génie musical a su sublimer la musique afro-cubaine, avoir la carrière qu’il a eue. Eu égard à tout cela, je ne comprends pas pourquoi les gens en parlent peu. Pour moi, c’est comme si on l’a effacé de la mémoire collective’’, regrette une fois encore Macky Sylla.

Si ce dernier en est arrivé là, c’est peut-être grâce au travail entamé en amont. En effet, avant de retourner sur les pas de l’auteur d’’’Aminata’’, M. Sylla a fait une immersion au sein de la communauté musicale cubaine. ‘’Ce film est tellement important pour moi. Je ne suis pas un grand connaisseur de la musique afro-cubaine. Je suis parti à la découverte de cette musique à Cuba en 2016. J’y ai passé trois semaines. C’était important pour moi d’y aller et de sentir cette musique. C’était ma source’’, dit-il.

Ambitieux, au taquet dans ce projet, Macky Sylla et Lionel Bourqui mettent tout en œuvre pour que le film soit réussi. Ils n’attendent même pas de financement et y mettent leurs propres moyens pour qu’il voit le jour. ‘’Le soutien financier, c’est la difficulté quand on porte un premier projet. Beaucoup nous disent : ‘C’est très intéressant, mais sur un premier film, on ne prend pas de risques’, regrette M. Bourqui.

Jusque-là, les porteurs du projet s’en sortent. Seulement, pour des raisons qui peuvent paraître chauvines, Macky Sylla souhaite que le projet soit soutenu par le Sénégal. ‘’C’est très difficile de financer nous-mêmes ce projet. J’espère que le Sénégal, mon pays, comprendra que ce film est le sien. Je lance un appel au ministère de la Culture, à la Direction du cinéma dans ce sens. Il est important que ce film ait le label Sénégal’’.

Espérons que son appel soit entendu. Le projet en vaut le coup.

BIGUE BOB

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