Publié le 30 Sep 2022 - 18:07
SANTÉ DE LA REPRODUCTION AU SÉNÉGAL

34 079 cas d’avortement constatés en 2020  

 

Le Comité de plaidoyer pour l’autorisation de l’avortement au Sénégal (CP2AS) poursuit sa feuille de route et espère aboutir à une loi. Il fait face à de nombreuses contraintes qu’il essaie de transcender.  

 

Selon des données de la Direction de l’administration pénitentiaire, en 2021, 25 % des femmes détenues l’ont été pour avortement et 21 % pour infanticide. Du côté de la Direction de la Santé de la mère et de l’enfant du ministère de la Santé et de l’Action sociale, on fait état de 34 079 cas d’avortement constatés en 2020 au Sénégal. 

Selon, Awa Tounkara, membre du Comité de plaidoyer pour l’autorisation de l’avortement au Sénégal (CP2AS) qui faisait, hier, une communication lors d’une cession de formation sur ‘’Les droits de la santé sexuelle et reproductive, clarification des valeurs et transformation des attitudes pour les journalistes au Sénégal’’, le continent africain est l’un des plus répressifs en termes de législation, ce qui explique que plus de 99 % des avortements y sont pratiqués de façon illégale.

Toutes les neuf minutes, selon elle, une femme meurt au monde à cause d’un avortement clandestin. La secrétaire exécutive de l’AJS de souligner que le tiers des avortements pratiqués au Sénégal, sur les 34 079, le sont par des personnes non qualifiées. Mais que le niveau de risque (complications, décès) varie selon le lieu de résidence, les revenus.  

Selon toujours elle, la mortalité maternelle élevée, avec 8 % des décès maternels liés aux avortements qui représentent 50 % des motifs d’admission en urgence dans les maternités de référence et sont placés au 5e rang des causes de décès maternels.  

Le Comité de plaidoyer pour l’autorisation de l’avortement au Sénégal a été mis sur pied, il y a quelques années, à cause de ces chiffres alarmants de mortalité et morbidité maternelles liés aux avortements à risque, de la législation nationale défavorable à l’accès à l'avortement médicalisé aux femmes et aux jeunes filles en cas de viol, d’inceste ou d’atteinte à la santé ou à la vie de la mère ou du fœtus, de la nécessité de faire un plaidoyer en vue du changement de cette loi sur la santé de la reproduction, de mettre fin à l’avortement clandestin, à l’abandon de nouveau-nés, à l’infanticide, au calvaire des femmes et des jeunes filles portant une grossesse non désirée.

Les avancées, les contraintes et les défis  

Le CP2AS, qui est appelé Task Force depuis un certain temps, selon Awa Tounkara, est un comité pluridisciplinaire chargé de mener des stratégies visant à informer les décideurs et le public sur la problématique de l’avortement à risque pour parvenir au changement social et légal en faveur de la réforme de la loi sur l’avortement.

‘’Il a pour objectif d’amener l’État à mettre la législation nationale en conformité avec l’article 14 2 (c) du Protocole de Maputo, autrement dit de lutter contre le fléau que constitue l’avortement clandestin et de rendre effectifs les services de santé sexuelle et reproductive des femmes et des filles. Nous menons des activités de sensibilisation au niveau communautaire et particulièrement les leaders religieux et les jeunes. Nous avons eu à organiser 425 sessions de dialogue, de causeries foras dans toutes les régions du Sénégal, d’ateliers de suivi et de capitalisation chaque année depuis le début du plaidoyer’’, confie l’un des membres de cette Task Force.

Il ajoute : ‘’Avec les jeunes, on a eu à faire des ateliers de renforcement de capacités de jeunes ambassadeurs, à tenir de causeries d’information et de sensibilisation, des représentations théâtrales et des organisations de sessions de dialogue. Parmi les avancées, on peut noter, entre autres, une ouverture et le maintien du débat, depuis sept ans, sur un sujet demeuré longtemps tabou, l’intérêt manifesté par les médias sénégalais et étrangers, l’engagement déclaré de certains parlementaires, la déclaration du président de la République sur ITélé en France où il disait être favorable à l’avortement médicalisé en cas de viol et d’inceste, et une prise en compte des propositions de la Task Force par le Comité de révision des dispositions discriminatoires législatives et réglementaires‘’.

En outre, parmi leurs contraintes, Awa Tounkara a noté un environnement socioculturel et religieux pas toujours favorable, une déformation du message de la Task Force par une certaine presse. 

Concernant leurs défis, il sera question, selon elle, de vaincre les poches de résistance (quelques groupes religieux), l’harmonisation de notre législation interne aux instruments juridiques internationaux, l’assurance de la mise en œuvre et un bon encadrement de la loi sur l’avortement médicalisé une fois votée. ‘’Dans la vaste gamme des outils stratégiques modernes utilisés dans le secteur de la santé pour faire face aux défis de la SR, le droit à l’accès à l’avortement doit y figurer en bonne position’’, estime Awa Tounkara. 

CHEIKH THIAM 

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