Publié le 23 Aug 2023 - 07:57
TRAFIC SÉNÉGAL - MALI

Une affaire de gros bonnets 

 

Les noms de Karim Keita, de l’actuel ministre malien de la Réconciliation, ainsi que d’Aliou Sall cités dans le trafic.

 

Dans ce commerce à milliards financé par les Chinois, les complices ou parrains sont identifiés jusqu’à des niveaux insoupçonnés. ‘’Ce sont des groupes très puissants qui ont la mainmise sur le pouvoir. En 2021, des journalistes avaient eu à dénoncer l’implication de l’actuel ministre de la Réconciliation dans ce trafic. Son conseiller est actuellement en prison. Selon les informations, il a reçu des pots-de-vin des trafiquants’’, rapporte notre interlocuteur, convaincu qu’il existe d’autres complicités sur toute la chaine. ‘’Ils arrivent à influencer même les plus hautes autorités, allant jusqu’à obtenir des dérogations de la part des autorités de la transition, pour arriver à couper et à exporter le bois’’.

Avant le coup d’État, la Générale Industrie du bois, qui appartient à un riche homme d’affaires, comptait parmi ses soutiens Karim Keita, fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita. D’après nos sources, c’est lui-même qui s’était directement impliqué en 2018, pour obtenir la levée d’une saisie de containers de bois de rose maliens par les autorités sénégalaises. Et il avait bénéficié de l’appui de proches du président de la République Macky Sall.

‘’Un proche du président Sall avait appelé le ministre de l’Environnement qui avait appelé directement le directeur général des Eaux et forêts pour obtenir la libération de la marchandise. Finalement, elle a été libérée moyennant le paiement d’une somme de 30 millions de francs CFA’’.

COMPLICITÉ

Le silence coupable des communautés

De l’avis d’Ali Haidar, il faudrait remettre au centre des préoccupations les questions écologistes.

Pendant que les forêts continuent d’être pillées, c’est l’indifférence du côté des populations. Haidar El Ali invite les citoyens à plus de prise de conscience. ‘’La question environnementale est fondamentale, plus importante que tout ce dont on parle à longueur de journée, en termes de démocratie, de droits humains… Quand on aura la démocratie, les droits humains et qu’on n’ait pas de l’eau à boire, du poisson à pêcher, c’est là qu’on va se rendre compte que l’urgence était ailleurs. Malheureusement, dans nos pays, nos populations, nos médias semblent les reléguer au second plan, jusqu’au moment où ça devient tragique, avec notamment nos enfants qui meurent dans l’océan parce qu’il n’y a plus de poisson à pêcher’’.

Du côté malien, on accuse la faiblesse des institutions, la corruption et une législation pas suffisamment robuste. En attendant les changements idoines, les experts estiment que la Cites devrait aller plus loin dans la protection de cette espèce. ‘’Nous pensons qu’on devrait tout bonnement l’inscrire à l’annexe 1 de la Cites, pour interdire totalement le commerce de cette espèce, car elle est bel et bien menacée de disparition, contrairement à ce que veulent faire croire les autorités qui soutiennent que l’espèce est abondante. Elles le disent simplement parce qu’elles ont reçu des pots-de-vin. Et la Cites est liée par les avis donnés par les techniciens des États.

Abondant dans le même sens, Haidar El Ali appelle également de tous ses vœux à renforcer davantage les dispositions législatives pour une lutte plus efficace.

Hélas, selon lui, cela ne semble pas être la priorité des autorités actuelles. ‘’On a osé dans ce pays remplacer à la tête du ministère de l’Environnement l’un des 100 écologistes les plus éminents de la planète (lui-même) pour mettre à la place un mangeur d’oryx, un mangeur d’animaux protégés. Voilà où nous en sommes. C’est comme ça et ça ne semble déranger personne’’, constate-t-il pour s’en désoler.

Bigué & Mor 

 

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