Publié le 24 Jun 2015 - 00:52
TRANSPARANCE DANS LA GESTION DES ENTREPRISES PUBLIQUES

Le Forum civil demande la réforme de l’IGE

 

Après la publication du rapport de l’Inspection générale d’Etat, le Forum civil monte au créneau pour demander une suite pénale aux révélations faites. Mouhamadou Mbodji, Birahime Seck et Me Mame Adama Guèye prônent la réforme de l’IGE pour la rendre autonome.

 

Beaucoup de voix s’élèvent pour dénoncer le fait que la publication des rapports annuels de l’Inspection générale d’Etat ne soit qu’une formalité d’usage dont le suivi pose problème. Une procédure visant à lire les résultats de l’enquête devant le chef de l’Etat et à les étaler devant l’opinion publique pendant un moment, avant de les ranger dans les tiroirs. A la suite des faits accablants révélés par le dernier rapport, une question demeure : les personnes incriminées seront-elles poursuivies et sanctionnées ? Me Mame Adama Guèye remarque que les personnes ou entités impliquées dans ces rapports, les trois dernières années, n’ont pas fait l’objet de poursuites.

Une situation qui s’explique, d’après le membre du Forum civil, par le fait que le droit de sanctionner revient à l’autorité exécutive. La solution pour Me Guèye est de réformer l’Inspection générale d’Etat et de la rendre autonome. «Seul le président de la République a le pouvoir de décider du sort des personnes citées dans le rapport. C’est la règle. Le principal problème. Il faut qu’on réforme l’IGE pour la rendre autonome et la sortir du giron présidentiel, afin que l’inspection puisse donner une suite appropriée au rapport », préconise Me Guèye.

Pour Mouhamadou Mbodji, coordonnateur du Forum civil, il appartient au chef de l’Etat de réagir, parce que l’Ige n’a pas le pouvoir de saisir la justice. «Il n’est pas fait au chef de l’Etat l’obligation de saisir la justice. Il juge selon son vouloir. Si les rapports se suivent et dans leur traitement débouchent sur la même finalité, on peut se poser des questions, parce que ce travail est utile pour une meilleure utilisation des ressources publiques et de l’argent du contribuable. S’il y a des fautes, on doit pouvoir identifier les responsables et les engager sur tous les plans et même au niveau pénal, si c’est nécessaire. Il ne faut pas laisser penser qu’il y a un traitement privilégié de certains au détriment des autres, uniquement parce que cela passe entre les mains du chef de l’Etat», précise M. Mbodji. Birahime Seck un autre membre du Forum civil, considère lui qu’il faut remettre en question la notion de gouvernance sobre, vertueuse et effective. «Il faudrait que les rapports produits par les Cours de contrôle, que ce soit la Cour des Comptes, l’autorégulation des marchés publics, ou même l’Inspection générale d’Etat, soient transmis au pouvoir judiciaire. Le pouvoir judiciaire devra impérativement être en mesure de déclencher une poursuite », estime M. Seck.

Selon ces membres de la société civile, il est temps d’amorcer des réformes. «La plupart des rapports d’audit qui sont produits par l’IGE épinglent des personnes qui créent des associations pour soutenir le président de la République ou des personnes qui ne sont pas inquiétées. Finalement, les rapports républicains produits deviennent des rapports politiques qui sont utilisés à des fins politiques. Il faut que les autorités étatiques et politiques soient de plus en plus responsables. Mais également que l’IGE soit réformée pour que ces rapports soient transmis directement au procureur de la République et non exclusivement au chef de l’Etat. Ce qui pourrait mettre notre pays à l’abri des malversations financières et autre détournements de deniers publics. Il faut aller vers une autonomisation effective de l’inspection générale d’Etat, mais aussi de l’ensemble des institutions pour leur donner le poids nécessaire», suggère Birahime Seck.

Macky Sall et la suite à donner au rapport

Les poursuites peuvent être disséquées à deux niveaux, selon M. Guèye : « Des suites administratives qui relèvent des compétences du président de la République et des suites judiciaires. De ce point de vue, on applique le principe de l’égalité des citoyens devant la loi. Il n’y a aucune raison pour que les personnes visées par la loi ne fassent l’objet d’aucune poursuite, parce que le président de la République en a décidé ainsi. Cela fait entrer une dimension politique dans le traitement des suites données aux rapports. »  Pour Birahime Seck, des rapports sont produits depuis des décennies. Des personnes épinglées continuent d’exercer dans l’administration, sans être inquiétées.

«Le rapport de 2013 avait incriminé sur l’utilisation des fonds et la privatisation du King Fahd Palace, le directeur est toujours à son poste, de même qu’à l’Artp, aux ADS, à la Lonase… et tant d’autres qui sont sauvés par leur proximité avec le gouvernement », reprend M. Seck. Si le Sénégal veut promouvoir la transparence, le principe de la bonne gouvernance, de la démocratie, et d’équité, Me Adama Guèye pense que l’idéal serait de  sortir de ce système. « Le président Macky Sall qui parle de gouvernance sobre et vertueuse devrait revoir cette règle et réformer l’IGE. On a un très bon vérificateur général. Si on donne une autonomie à l’inspection générale d’Etat, les choses vont être différentes », pense M. Guèye.

Malgré le peu de cas qu’on en fait, les membres de la société civiles pensent ces enquêtes ont leur raison d’être. Me Adama Guèye trouve que la poursuite des enquêtes a des côtés positifs. «Le rapport public permet à l’opinion et la presse de savoir ce qui se passe », laisse-t-il entendre. L’urgence  pour M. Guèye est que «les organisations de la société civile, les citoyens prennent leurs responsabilités, en mettant la pression nécessaire sur les autorités pour que les suites soient données, après la publication des rapports ». Pour Mouhamadou Mbodji, c’est une façon d’informer les contribuables sur la gestion des deniers publics : «Nous faisons confiance à la rigueur et à l’efficacité de l’Inspection générale d’Etat. » Pour Birahime Seck, ces enquêtes ont bien leur raison d’être dans une république qui se veut démocratique. « Il appartient aux autorités d’être plus responsables, aux citoyens de prendre leurs responsabilités et de savoir que, depuis des décennies, des rapports d’audit épinglent des autorités politiques qui sont protégés. »

HABIBATOU TRAORE (STAGIARE)

 

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