La démission du Secrétariat technique réclamée

La démission des membres du Secrétariat technique du Comité national de suivi du contenu local (ST-CNSCL) est réclamée dans une lettre adressée au président Diomaye Faye, signée par des membres du CNACL, de la coordonnatrice des opérations portuaires, du représentant d’un collectif de 700 marins, entre autres.
Dans une lettre ouverte au président de la République, la démission des membres du Secrétariat technique du Comité national de suivi du contenu local (ST-CNSCL) est demandée. « Les agissements récents du ST-CNSCL révèlent des carences graves, de nature à compromettre la crédibilité de l’action de l’État et à fragiliser la mise en œuvre effective du contenu local », ont déclaré Abdoul Kambane Diedhiou, membre fondateur du CNACL ; Kader Koma, membre fondateur du CNACL ; Anta Fall, coordonnatrice des opérations portuaires ; Aly Sy, membre du CNACL et représentant d’un collectif de 700 marins, entre autres signataires.
En premier lieu, ils évoquent des manquements répétés et un déficit de transparence. Selon la lettre, récemment et à plusieurs reprises, le ST-CNSCL a été publiquement interpellé sur des questions de conformité liées aux limites objectives du rapport CNSCL 2023 avec ses innombrables incongruités ; aux sleeping partnerships qui sont un frein à l’effectivité du contenu local chez les PME avec un accaparement des puissances étrangères ; aux recrutements légalement réservés aux Sénégalais, mais toujours occupés par des étrangers. Sont aussi concernés les marchés lancés par des opérateurs comme Modec en violation manifeste des principes du contenu local. Enfin, le ST-CNSCL a aussi été interpellé par rapport à l’absence d’effectivité du transfert de compétences, gage de souveraineté dans un domaine si particulier. « À ces interrogations légitimes, le ST-CNSCL est resté silencieux, incapable d’apporter des clarifications techniques ou de démentir les constats effectués », ont indiqué les plaignants.
Les signataires de la lettre dénoncent aussi une « dérive inquiétante et un discrédit institutionnel ». Selon eux, le ST-CNSCL aurait adressé un courriel aux entreprises dans le but de discréditer le Consortium national des acteurs du contenu local (CNACL), au lieu d’assumer ses responsabilités en matière d’équité, de non-discrimination et de transparence, telles que stipulées par l’article 4 de la loi n°2019-04.
« Cette manœuvre, maladroite et teintée de mauvaise foi, démontre non seulement une incapacité à défendre ses prérogatives par l’argument technique, mais également une volonté de nuire à une initiative citoyenne légitime, agissant dans le cadre de la liberté d’association dûment garantie par l’article 8 de la Constitution », ont-ils déploré.
Et d’ajouter : « L’unique tort du CNACL est d’être une organisation citoyenne et économique qui porte la voix des entreprises locales, relaie les attentes du terrain et catalyse l’union des acteurs. Comment garder le silence dans un contexte de marasme économique où l’incapacité de certains nous cause un manque à gagner d’au moins 1 000 milliards ? ».
Un manque à gagner d’au moins 1 000 milliards
Les signataires pointent aussi du doigt une incompréhension du champ d’application réel du contenu local. Ils notent qu’en agissant ainsi, le Secrétariat technique semble ignorer que le contenu local dépasse largement les hydrocarbures et les mines. Il est expressément prévu à l’article 32 de la loi n°2021-23 sur les partenariats public-privé ainsi que dans le Code des marchés publics, relèvent-ils.
« La gouvernance du contenu local appelle donc une vision élargie, transversale et inclusive, que le ST-CNSCL n’a manifestement pas su développer… en essayant d’en chasser le CNACL qui n’a pas sa "reconnaissance administrative" », dénoncent-ils. « Nous ignorions que la Constitution a changé entre-temps au point que le ST-CNSCL doive donner son onction voire sa reconnaissance à une association évoluant dans le contenu local », ont-ils ajouté.
Les signataires parlent aussi d’un échec face aux enjeux de souveraineté nationale contenus dans la vision 2050. D’après eux, au lieu de défendre les intérêts nationaux, le ST-CNSCL continue de laisser prospérer des pratiques contraires à l’esprit même du contenu local. Ils dénoncent : exclusion de personnels sénégalais qualifiés au profit d’étrangers anciens pompiers ou chauffeurs de camions ; incapacité à défendre la participation des PME sénégalaises lors de rencontres internationales de premier plan ; absence d’une politique proactive en faveur du transfert de compétences et de la montée en puissance de champions économiques nationaux ; absence de mécanisme de contrôle, de vérification et de sanction des sleeping partnerships.
« C’est d’ailleurs tout le sens de la dernière mission du Secrétariat international de l’ITIE conduite par Mme Christina Berger qui reposait essentiellement sur deux préoccupations : la publication des bénéficiaires effectifs (comme pour faire écho au débat sur les sleeping partnerships) ; la mise en œuvre du contenu local qui n’est réussie que dans l’esprit de ceux qui ont envoyé ce pays au 4ᵉ sous-sol », lit-on dans la lettre.
Les signataires souhaitent une exigence démocratique et républicaine. Ils soutiennent que le Sénégal ne peut tolérer que des institutions stratégiques deviennent « les otages de l’incompétence criarde, de la suffisance intellectuelle et de la panique administrative ». Ils relèvent que le contenu local est un levier majeur de souveraineté économique, et son pilotage exige aptitude managériale solide, rigueur, transparence mais surtout patriotisme.
En conséquence, ils demandent au président de la République de constater « l’échec manifeste » du ST-CNSCL dans l’accomplissement de ses missions ; de prendre acte de « la perte de confiance » qu’il suscite auprès d’innombrables citoyens et des acteurs économiques. Ils demandent aussi à Diomaye Faye d’exiger la démission de ses membres, afin de restaurer la crédibilité et l’efficacité de la gouvernance du contenu local. Enfin, ils lui demandent d’envoyer les corps de contrôle (IGE ou Cour des comptes) faire un audit exhaustif du travail effectué jusque-là.
BABACAR SY SEYE