Publié le 13 Feb 2012 - 15:31
ÉDITO

Désirs et réalité !

Attendu sur la plus haute marche du podium de la Coupe d'Afrique des Nations de football, la Côte d'Ivoire devra se contenter de la deuxième place. Les coéquipiers de Didier Drogba n'en reviennent toujours pas. Qui aurait pu imaginer les modestes joueurs de l'équipe nationale de Zambie tenir en respect la redoutable équipe ivoirienne, qui n'aura pas encaissé un seul but, durant le temps réglementaire, après cinq match de feu ? Quelle leçon tirer de la tenue en échec des Éléphants qu'on aurait bien aimé voir champions d'Afrique après la terrible année noire de 2011, sinon qu'il faut toujours se méfier des outsiders ? Au PMU, au football et en politique...

 

Il faut dire que sur le continent africain, le monde si hétéroclite des connaisseurs du ''ballon rond'' avait fini de sceller le sort des Chipolopolos avant même que l'arbitre sénégalais Badara Diatta ne donne le coup d'envoi. Pour les commentateurs d'une chaîne de télévision, comme Canal Horizons, le match était plié. Il fallait tout simplement assister à la leçon de football que les talentueux Ivoiriens devaient donc administrer aux joueurs zambiens, en présence de cinq chefs d’État africains dont Alassane Dramane Ouattara. Il faut d'ailleurs se demander si cela fait sérieux pour un Président, de se déplacer avec son cabinet, première dame avec, pour assister à un match de football. Bref... au finish, malgré toute la charge symbolique qu'une victoire de la Côte d'Ivoire aurait drainée, c'est du côté de la Lagune Ébrié que les larmes vont couler. Dix-neuf ans après l'accident d'avion qui avait décimé l'équipe nationale d'alors, la Zambie a bel et bien retrouvé le sourire à Libreville, décidément terre de toutes les émotions.

 

C'est donc une bonne nouvelle pour la Zambie, un pays qui entretient des relations spécifiques avec le Sénégal. Il faut rappeler que beaucoup de nos compatriotes qui avaient fini par faire fortune en Zambie avaient subi et durement la loi des expulsions, à la fin des années 80. L'enrichissement des émigrés, grâce donc à l'extraction minière, avait fini par créer une vague de xénophobie contre les Sénégalais, alors accusés même de prendre leurs femmes aux Zambiens de souche. S'en étaient suivies des vagues d'expulsions. Et c'est avec l'arrivée du Président Frédérick Chiluba en 1991, soutenu par le Sénégal, avec précisément l'ancien ministre du Travail Assane Diop (aujourd'hui candidat officiel à la direction de l'Organisation internationale du travail), que les relations entre les deux pays vont devenir plus sereines. Chiluba qui a commencé sa carrière politique en tant que syndicaliste marxiste, avait connu et fréquenté M. Diop, alors très connecté dans le mouvement syndical, précisément avec la CNTS. C'est dire...

 

Mais restons avec le ballon et ses caprices de trajectoire. Ou encore tentons une transposition dans l'espace politique sénégalais où les spécialistes semblent avoir plié la partie du match électoral du 27 février prochain, avec des classements soit puisés des sondages (pronostics) ou de simples conjectures. Comme si en politique, un et un font deux. Nos ''savants'' qui assiègent les médias avec souvent des argumentaires souvent bien subtils, oublient qu'en 2000, Me Abdoulaye Wade n'a pas cru en sa victoire, même après le légendaire coup de fil de Diouf. Revenu au Sénégal après un repli en France, le ''prophète du Sopi'' (son entourage avec) avait alors accueilli sa victoire avec beaucoup de surprise.

 

Surpris aussi, étaient les barons du système d'alors, à l'exception notoire de Me Mbaye Jacques Diop qui, en bon ''devin'' de la politique, avait quitté la barque ''verte'' avant tout le monde. Surprise aussi, l'opinion publique sénégalaise l'a été de voir le Président Wade gagner au premier tour de la présidentielle de 2007. Les libéraux étaient d'ailleurs aussi surpris que les journalistes qui prédisaient la chute de Wade, dans un contexte où les scandales du régime libéral avaient commencé à remonter en surface. Et troisième grosse surprise, ce sont les dernières locales de 2009.

 

Personne, y compris les plus calés de la ''science politique sénégalaise'', n'avait vu la capitale Dakar, tomber dans la besace de Benno Siggil Senegaal. L'auteur de ces lignes, à l'époque directeur de publication de L'Observateur, avait co-réalisé avec la RFM, une interview dans laquelle, Karim Wade, dans le blanc des yeux des Sénégalais, affirmait qu'il n'allait pas perdre. C'était 48 heures seulement avant le vote. On sait ce qu'il est advenu de ces élections avec le contrôle de plusieurs zones urbaines et rurales par l'opposition. Plus tard, Pape Diop pointé du doigt et Me Wade par la suite imputeront cette débâcle...imprévue de 2009 à des votes sanctions de militants PDS contre des responsables libéraux. 2000, 2007, 2009, le décalage est bien grand entre les prévisions et la réalité. Et si, comme les Zambiens, on retournait à l'école de la modestie, pour bien reconnaître que bien souvent, nous prenons nos désirs pour la seule réalité !

Mamoudou WANE

 

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