Publié le 2 Feb 2013 - 10:20
ÉTAT DES DOSSIERS JUDICIAIRES LÉGUÉS AU NOUVEAU POUVOIR

Quand la lenteur retarde les procédures

 

En quittant le pouvoir le 25 mars 2012, le régime libéral a légué plusieurs dossiers judiciaires à l’actuel gouvernement. Plusieurs sont liés aux violences préélectorales. Si certains ont été liquidés, le gros du lot traîne dans les bureaux des juges d’instruction en charge des dossiers.

 

 

Les derniers instants du pouvoir libéral ont été marqués par de violentes manifestations. Certaines ont entraîné des répressions policières violentes qui ont conduit à des pertes en vie humaine. Dans ce contexte préélectoral, des membres du mouvement du 23 juin (M23) ont eu maille à partir avec des responsables libéraux ou leurs affidés. Mais, tous semblaient jouir d’une certaine impunité, puisque malgré les plaintes déposées contre les mis en cause, aucune diligence n’a été effectuée.

 

C’est pourquoi, en portant la coalition Benno bokk yaakaar (BBY) au pouvoir, beaucoup de Sénégalais espéraient que le changement de régime allait sonner le glas de l’impunité. L’espoir en bandoulière, d’aucuns s’attendaient à ce que les nombreux dossiers liés surtout aux violences préélectorales, confiés aux cabinets d’instruction, connaissent un règlement. Certains l’ont été certes. Mais le gros du lot souffre de lenteurs judiciaires.

 

Des avancées

 

Parmi les dossiers qui ont connu un règlement définitif, il y a, en premier, celui des quatre jeunes de la section M23 de Thiès. Écroués en février 2012, ces jeunes ont été jugés près de deux mois après l’accession au pouvoir de Macky Sall. Ils ont été condamnés à six mois ferme pour avoir incendié la permanence du Parti démocratique sénégalais (PDS) dans la capitale du Rail. Dans la capitale du Sine, les autorités judiciaires ont hérité du dossier Sitor Ndour, l’ancien directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD) accusé d’agression sur le journaliste Bocar Dieng, le jour de l’élection présidentielle du 26 février 2012.

 

Il a fallu 11 mois au correspondant de Walfadjri pour obtenir justice. Car, jugé en décembre, l’ex-responsable libéral à Fatick a été déclaré coupable en janvier et condamné à six mois de prison ferme. Arrêtés aussi sous le régime libéral, lors des émeutes de l’électricité du 27 juin, quatre jeunes de Yeumbeul ont passé 18 mois en prison avant de recouvrer la liberté après leur relaxe, il y a une semaine. Parmi les quatre, un seul a été condamné à six mois ferme par le tribunal correctionnel de Dakar. Donc au total, huit jeunes ont pu retrouver les siens.

 

Combien de jeunes sont-ils dans les cellules de prison à attendre leur jugement ? Le nombre reste inconnu à notre niveau. Mais le cri du cœur de ces quatre jeunes de Yeumbeul à leur sortie de prison sonne comme une alerte pour accélérer la machine judiciaire. A ce propos, l’espoir peut être permis pour un groupe de jeunes devant être jugés le 7 février prochain devant le tribunal correctionnel de Dakar. A ce rythme, l’on peut dire que l’incarcération des jeunes du M23 ne sera qu’un vieux souvenir.

 

 

Quel sort pour les présumés meurtriers du policier auxiliaire Fodé Ndiaye ?

 

 

Cependant, pour d’autres victimes des manifestations préélectorales, la machine judiciaire semble s'être grippée. Ils sont nombreux à attendre au fond de leur cellule, soit un jugement, soit un non-lieu. Idem pour certaines victimes qui crient justice. Parmi celles-ci, il y a la famille de l’étudiant Mamadou Diop tué par un ‘’dragon’’ de la police le 31 janvier 2012. Un coup de frein semble être donné à la procédure, depuis le 31 mai de la même année, lorsque le Doyen des juges d’instruction a décerné des mandats de comparution aux élèves agents de police Tamsir Ousmane Thiam et Wagane Souaré.

 

Le seul acte posé ensuite a été la saisine de la Division des investigations criminelles (DIC) de deux mandats d’amener contre les susnommés. La procédure s’est estompée à ce niveau. Elle n’a connu aucune avancée, comme c’est le cas avec la plainte avec constitution de partie civile déposée sur la table du doyen des juges Mahawa Sémou Diouf, par le père de Mamadou Diop.

 

Une autre affaire qui n’a connu aucune diligence, c’est la plainte de Alioune Tine contre des jeunes proches de l’ex-ministre libérale Coumba Gaye. Le président de la Raddho avait traîné en justice ces jeunes qu’il accuse d’avoir tenté de l’assassiner. Jusqu’à présent, les mis en cause courent toujours, à l’instar de ceux qui auraient agressé la représentante du mouvement Luy jot jotna à Diourbel. La camarade de Cheikh Tidiane Gadio avait déposé une plainte sur la table du procureur de Diourbel. Jusqu’à présent, l’enquête tarde à démarrer, malgré l’ordre du procureur.

 

L’autre affaire léguée au nouveau régime et dans laquelle les parties s’impatientent, c’est l’affaire Fodé Ndiaye. Un jeune policier auxiliaire tué le 27 janvier, lors des manifestations préélectorales. Au moment où ses proches commémorent l’anniversaire de son décès, ceux de Cheikh Sidaty Mané (28 ans), Boubacar Diallo «Niébé», Cheikh Cissé «Belli» (22 ans), Mamadou Galadjo Keïta «Aladji délégué» (27 ans), Cheikh Diop (36 ans) et Mactar Diaw, accusés du meurtre, s’interrogent sur leur devenir. L’instruction s'éternise, pour les parents des inculpés. Elle n’est pas encore bouclée. Il y a quelques semaines, la Chambre d’accusation a ordonné sa poursuite. A cause des tortures subies par leurs clients, les avocats des inculpés avaient saisi cette juridiction. Après le niet opposé aux robes noires, la Chambre d’accusation avait aussi refusé d’accorder la liberté provisoire aux jeunes de Colobane inculpés pour meurtre, association de malfaiteurs, violences et voies de fait contre des agents de la force publique dans l’exercice de leurs fonctions.

 

La bataille des procédures

 

Dans l’affaire Malick Bâ, tué à Sangalkam le 30 mai 2011, au cours d'une manifestation des populations contre le découpage administratif décidé par le pouvoir libéral, l’on s’était contenté d’infliger une sanction administrative au Commandant de brigade à l’époque, l’adjudant Samba Sarr. Sans compter l’indemnisation versée à la famille par l’ex-président Wade, sans autre forme de procès. Divisée à cause de cet l’argent, la famille de Malick Bâ a attendu 13 mois, avant que la justice ne se mette en branle. Auditionné comme témoin en juin 2012, l’ex-commandant de Brigade a finalement été inculpé, le 31 juillet, avec l'un de ses subalternes du nom de Adama Sall. Le même jour, un pas a été posé dans l’affaire Mamadou Sy et Bana Ndiaye, tués à Podor, lors d’une manifestation de la section M23 de ladite localité.

 

Il s’agit de l’inculpation et du placement sous mandat de dépôt de l’ex-Commandant de brigade de Podor, l’adjudant Madior Cissé et ses trois subalternes, Babacar Sarr, Racine Ndong et Mountaga Gaye. Dans cette affaire comme dans celle de Malick Bâ, l’on est au stade de la bataille de procédures. Jugeant que le doyen des juges est incompétent pour écrouer leurs clients, les avocats des gendarmes avaient saisi la Chambre d’accusation. Celle-ci n’a pas donné une suite favorable à la requête des avocats qui s’étaient tournés vers la Cour suprême.

 

Là également, les requérants n’ont pas obtenu gain de cause. Ils ont été déchus, pour n’avoir pas déposé leurs conclusions dans les délais légaux. Autant dire que les choses marchent au pas de caméléon, dans ces affaires. Mais comme disait l’autre, une bonne justice ne doit pas être expéditive.

 

 

 

 

FATOU SY

 

 

 

 

 

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