Publié le 15 Mar 2021 - 14:28

“Rien, ni aucune cause ne saurait justifier ces actes regrettables” dixit Macky Sall

 

Oui, Monsieur le Président ! Ni un troisième mandat, ni une ambition de céder le pouvoir à un dauphin, ni votre idéal de justice et de développement ne saurait justifier la perte de vies humaines. Monsieur Ousmane Sonko, ni le complot politique, ni votre ambition présidentielle, ni votre idéal de démocratie et de patriotisme aussi noble qu’il soit ne saurait justifier ces cadavres et ces meurtres.

En d’autres termes, faut-il brûler ce pays parce que  l’on a comploté contre Ousmane Sonko que l’on veut  emprisonner et écarter comme candidat aux présidentielles de 2024 ? Nous osons croire que ceux qui ont vu leur frère ou leur fils tué, leur magasin pillé et saccagé, leur voiture brûlée,…. ne puissent justifier et approuver ces actes regrettables. Toutefois, l’histoire retiendra que Macky Sall et Ousmane Sonko sont indirectement les deux principaux responsables et protagonistes de ces évènements tragiques. Ils ont les mains sales et ensanglantées.

Ils doivent se purifier et se repentir : plus jamais cela. Que Macky indexe Sonko comme le coupable ou vice versa, ne les disculpe point devant Dieu, le seul juge omniscient. Son jugement est impartial,  équitable et implacable. Le plus grand honneur de tout homme politique est de conquérir ou de conserver le pouvoir sans marcher sur des cadavres.

Messieurs Mamadou Seck et Oumar Touré, vous avez posé un acte de lâcheté et de trahison de votre sacerdoce en vous déchargeant de votre mission de juge et de gendarme, gardiens de la justice et de la paix. Votre fonction est un sacerdoce que vous devez accomplir avec honneur, bravoure, dignité et honnêteté. On doit vous tuer ou vous démettre ou vous dessaisir d’un dossier mais vous ne devez jamais vous déshonorer en vous débinant sous prétexte de « convenances personnelles, de pressions familiales ou de sécurité ». Vous devez vous comporter comme un militaire dans un champ de bataille. Vous devez protéger la justice du discrédit en résistant, c’est un devoir et une responsabilité qui incombent naturellement à tous vos pairs. Les politiciens ont fini de s’autodiscréditer et de s’autodévaloriser en se qualifiant les uns et les autres de démons.

Ne leur permettons pas de discréditer notre justice, notre sécurité. Ne confondons pas l’Etat et ceux qui l’incarnent temporairement. L’Etat c’est des textes et des lois, un consensus. Ceux qui le représentent pour une durée déterminée sont des personnes avec des émotions, des sentiments, des mentalités, des intérêts, une histoire,… Qu’elle soit bonne ou mauvaise, la justice est un pouvoir de l’Etat auquel nul ne peut se soustraire. Dans le cas qui nous concerne, un délit de mœurs concocté et cuisiné dans un salon de massage, seul Ousmane Sonko a intérêt à ce que justice soit rendue, sinon libre à chacun de le présumer coupable ou innocent. N’importe qui  peut le taxer de menteur et de violeur. L’Etat, la Justice comme l’Assemblée Nationale représentent des consensus nationaux fondamentaux que chacun a le devoir et la responsabilité de protéger et de défendre mais aussi et surtout d’obéir. Le patriotisme c’est avant tout le respect de l’Etat, de la justice, des institutions.

Ces derniers temps nous avons vécu la dictature de la démocratie. La dictature de la démocratie c’est lorsque la politique rentre par la porte de la chambre de la République et que la justice en sort par la fenêtre. Elle consiste aussi à abuser de la liberté de s’exprimer pour insulter, manipuler, intoxiquer et terroriser l’opinion mais également à abuser de la liberté de manifester pour tuer, casser et brûler. Des jeunes excités et armés mais inconscients des dangers et des risques auxquels ils sont exposés envahissent les rues et les artères des villes du Sénégal pour saccager, piller  et brûler tout sur leur passage. Des morts, des blessés graves, du chômage, du déficit budgétaire sont les conséquences immédiates de tels comportements meurtriers et de vandalisme.

Il fallait attendre et atteindre l’infranchissable pour que la peur nous alerte et nous mobilise. Les marabouts, la société civile, les éternels sapeurs-pompiers de toute catégorie se lèvent pour éteindre un feu qui a déjà fait beaucoup de dégâts et de ravages. Nous sommes devenus subitement conscients et convaincus que ce qui vient de se produire est exécrable, détestable, inhumain et criminel. Il fallait agir, il fallait anticiper ! Il est à déplorer que tous nos modèles argumentaires (scientifiques, intellectuels, philosophiques, juridiques,…) soient contaminés et parasités par le modèle argumentaire politicien  ambiant, dominant et envahissant. Nous avions privilégié nos intérêts émotionnels et notre esprit partisan qui nous ont conduit inconsciemment à l’insécurité et au désordre.

 Nous sommes complices par notre silence, notre neutralité et notre parti-pris. Nous nous sommes laissés dominer et emporter par notre émotion, notre colère et notre imagination. Nous n’avons pas été lucides ! Ayons le courage de dire ce que l’on pense. Exprimons notre liberté et notre droit de juger et d’arbitrer avec responsabilité sans pression aucune. Chers jeunes, refusez d’être toujours et encore les sacrifices humains dont le sang sanctifie l’accomplissement d’un rêve présidentiel. Toutes les alternances au Sénégal qui se succèdent et se ressemblent ont giclé du sang humain.

Faut-il continuer à croire que cela est nécessaire. Faut-il éduquer et convaincre les jeunes que pour qu’il y ait alternance, il faut verser du sang. Non, il faut éduquer la jeunesse et l’opinion dans le sens qu’un changement pacifique est possible. Il faut  inculquer aux jeunes  le sens de la liberté, de l’indépendance et de la citoyenneté. Il faut les préparer à la prise de conscience de leurs responsabilités civiques, morales, sociales et politiques. La maturité d’une démocratie se mesure à des transitions pacifiques mais pas à des alternances violentes et meurtrières. Les perceptions négatives que nous avons de l’Etat et de la justice ne sont que le reflet des images de nos insuffisances en tant que citoyen immergé dans un processus d’émergence inachevé.  

Nous exhortons le Président de la République à poursuivre la logique d’apaisement sans réserve et sans complexe. Nous lui proposons de recevoir le mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) et d’accéder à toutes leurs demandes dans la limite des lois et de ses prérogatives constitutionnelles. Nous demandons à la justice d’accélérer le procès comme le souhaite Sonko pour un retour rapide à la vie normale. Si Sonko est innocent aux yeux de la loi, il faut le blanchir et condamner Adji Sarr et ses complices. Nous saluons et encourageons la volonté d’apaisement des deux leaders Macky Sall et Ousmane Sonko mais aussi de toutes les bonnes volontés et de tous les sénégalais épris de paix et de stabilité tout en  interpelant  notre responsabilité individuelle et collective! Nous sommes tous responsables !

Enseignant-chercheur
à l’Université Alioune Diop
Initiateur du RBG-AMO
Président de TGL
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