Publié le 29 Dec 2020 - 00:39

Année de surprises et de recomposition politique

 

Paradoxalement, en 2020 encore, la ‘’grande démocratie’’ du Sénégal peine à organiser les élections locales, à stabiliser le nombre de mandats du président de la République, à terminer un dialogue lancé depuis 2019… Pendant ce temps, l’année se ferme sur un remaniement marqué par une grande transhumance, le départ de quelques ténors du gouvernement et un débat épique autour de la suppression des villes.

 

Le casse-tête des élections locales

Un vrai paradoxe. ‘’Grande’’ démocratie aux yeux de la communauté internationale, le Sénégal peine même à organiser des élections à date. Depuis juin-juillet 2019, les citoyens attendent avec impatience la date des élections locales pour renouveler leur confiance ou sanctionner les élus qui n’auront pas donné satisfaction.

En poste depuis juin 2014 pour une durée initiale de cinq ans, les maires, présidents de conseils départementaux et autres conseillers continuent ainsi de bénéficier indûment des avantages et privilèges que leur confère leur statut. Arrivés à terme depuis plus d’un an, leurs mandats ont d’abord été prorogés jusqu’en décembre 2019, puis jusqu’en mars 2021 au plus tard.

Aujourd’hui encore, les Sénégalais ne connaissent pas quand ils vont repartir aux urnes pour choisir leurs élus municipaux et départementaux. Mais une chose est sûre, les élections vont être reportées pour une troisième fois. Ce qui est inédit dans l’histoire desdites élections.

Et si Macky penchait pour des Locales en 2021 et une prolongation du mandat des députés, pour éviter le risque d’une cohabitation…

Du côté de la majorité, il est souvent invoqué le dialogue national pour justifier la mise entre parenthèses de la loi électorale et du calendrier républicain. Mais cet argument a du mal à passer aux yeux de nombre d’observateurs.

En effet, la Commission politique du dialogue national avait adopté les termes de référence de l’audit du fichier et de l’évaluation du processus électoral depuis le 6 février 2020. Depuis lors, aucune diligence n’a été effectuée pour que les élections se tiennent au plus tard le 28 mars 2021, comme cela a été prévu par la loi portant deuxième report.

En tout cas, avec ce nouveau report qui se profile à l’horizon, le Sénégal risque de plonger dans une campagne électorale permanente.

Pendant que partis politiques et populations sont dans un flou total, le président de la République et ses hommes semblent avoir une parfaite maitrise de leur calendrier. Trois scénarios restent envisageables, selon le ministre d’Etat Ismaila Madior Fall. La première, expliquait-il dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, c’est l’organisation des Locales courant 2021. Ici, les risques, soulignait-il, c’est de ne pas avoir de répit politique pour se consacrer au travail développemental. Le deuxième schéma, selon l’éminent juriste, c’est de repousser les Locales et de les coupler avec les Législatives. Certes, on rationalise le calendrier, mais l’inconvénient est le risque d’une cohabitation préjudiciable à la stabilité du pays, alertait-il. Le troisième schéma pour Madior, c’est de maintenir les Locales en 2021 et de repousser les Législatives jusqu’après la Présidentielle de 2024.

 Dans tous les cas, arguait le spécialiste, il est important de tenir les Locales en 2021, pour entendre la voix des citoyens et avoir de la visibilité politique. Autrement dit, si le président suit son conseiller juridique, les Locales se tiendront bien en 2021. Il restera à savoir si le mandat des députés sera prolongé jusqu’après la Présidentielle de 2024 ou pas.

La suppression des villes

En attendant une solution officielle, en cette fin 2020, Macky Sall continue de dérouler. L’un de ses tout derniers actes, c’est l’annonce de la suppression des villes par le porte-parole du gouvernement. Depuis, l’arène politique est à nouveau en ébullition. Entre le gouvernement déterminé à casser des villes et les opposants qui ne veulent pas du tout en entendre parler, le dialogue semble impossible. Il faut noter que même si Dakar, contrôlée par un des opposants les plus sérieux au Président Sall cristallise les attentions, la suppression des villes concerne également Rufisque contrôlée par le Parti démocratique sénégalais, Pikine et Guédiawaye contrôlées par l’Alliance pour la République, et enfin Thiès où trône le néo allié Idrissa Seck.

D’ailleurs c’est l’un des arguments brandis par la majorité pour justifier qu’il n’y a pas de calcul derrière cette annonce. Mais c’est sans compter sur les désirs d’unanimisme du président Sall, estimaient d’autres. Selon toute vraisemblance, il ne faudrait pas compter sur le dialogue national pour trouver une solution à cette équation.

Un dialogue en queue de poisson

Sa nomination avait suscité l’espoir en fin 2019. Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Famara Ibrahima Sagna est en passe de connaitre un de ses échecs les plus cuisants. L’homme aura marqué 2020 en boudant tout simplement son siège pour des raisons encore méconnues, laissant derrière lui un dialogue orphelin. A ce jour, seule la Commission politique sur laquelle il n’avait aucune sorte de contrôle, est parvenue à déposer ses conclusions.

Pendant ce temps, les autres commissions sont dans une léthargie totale. Leurs travaux au point mort, depuis le mois de mars.

Malgré une prolongation de leur mandat, arrivée à terme au mois de novembre, ces dernières n’ont pas réussi à achever leurs travaux. Pourtant, l’espoir était grand, vu les éminentes personnalités composant les différentes commissions. En sus de la Commission politique dirigée par le général Niang, deux autres généraux, anciens Cemga (chef d’Etat-major général des armées) ont été cooptés dans les commissions. Il s’agit des généraux Abdoulaye Fall et Mamadou Sow (Nogass) respectivement présidents de la Commission en charge des ressources naturelles et celle chargée de la paix et de la sécurité…

2020, entre deals, retrouvailles et séparations

Mais, à n’en pas douter, l’un des faits politiques les plus saillants de 2020, aura été les retrouvailles entre Macky Sall et certains libéraux dont Idrissa Seck et Oumar Sarr (ex-n°2 du PDS). En cette fin d’année 2020, les anciens ennemis jurés aiment se présenter comme les plus grands complices du Sénégal. Du moins en apparence.

Mais le président du parti Rewmi et Oumar Sarr n’auront pas été les seules recrues du président Sall en 2020. Jean-Paul Dias, Aissata Tall Sall et Talla Sylla ont aussi eu des promotions surprises. Pendant ce temps, d’autres leaders de l’opposition sont annoncés dans l’antichambre de la majorité.

En recrutant tous les transfuges du Parti démocratique sénégalais, Macky Sall est parvenu à donner corps au rêve de son ex-mentor. Certains y voient une volonté de réunifier la famille libérale ; d’autres estiment que c’est plutôt une volonté de démanteler le parti de Wade. 

Pendant qu’il faisait les yeux doux à ses ex-adversaires, Macky Sall limogeait sans aucun égard quelques-uns de ses collaborateurs les plus valables. Parmi eux, il y a son ancienne ministre et présidente du Conseil économique, social et environnemental, Aminata Touré, l’ancien ministre des Affaires étrangères Amadou Ba, l’ancien ministre en charge du Pétrole Mouhamadou Makhtar Cissé, l’ancien ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye, entre autres. Ces limogeages interviennent après l’exclusion suivie de rapprochement entre le président de la République et un de ses plus anciens collaborateurs, en l’occurrence Moustapha Cissé Lo.

 L’un des défis du président de la République sera peut-être d’arrêter l’hémorragie dans son propre camp, en 2021. ‘’Macky ne veut pas que ses amis d’hier se retournent contre lui. Cela pourrait être dévastateur pour le camp présidentiel. Ces gens le connaissent très bien. Il n’a pas intérêt à ce qu’il y ait un rapprochement entre eux et ce qui reste de l’opposition. Ce sont des gens qui ont une capacité de nuisance. Leur rapprochement avec l’opposition peut être très gênant’’, prévenait le politologue Moussa Diaw dans nos précédentes éditions. Parmi ces opposants, il y a Khalifa Sall qui reprend du poil de la bête, Ousmane Sonko son opposant le plus radical, mais aussi le PDS qui a recommencé le placement de ses cartes de membre.

Par ailleurs, 2020 aura aussi été marquée par le prolongement du débat autour du mandat présidentiel. Un débat dont la dernière victime n’est autre que l’ancien directeur général de Dakar Dem Dikk, Maitre Moussa Diop. 

 

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