Publié le 6 Jul 2017 - 23:41
ANNULATION DES SUJETS D’EXAMEN

Le bac sénégalais à l’épreuve des fuites  

 

Colère, incompréhension, indignation sont les sentiments les mieux partagés chez  les candidats au baccalauréat sénégalais au Lycée Thierno Saidou Nourou Tall, après que les sujets d’Histo-Géo, de philosophie et de français ont fuité de manière inquiétante.

 

Pour cette session du bac, les fuites n'auront peut-être épargné que les épreuves facultatives de dessin. Anecdotique pour ce diplôme mythique, le rite de passage le plus symbolique du cursus académique. Hier, c’est comme si on avait vécu en entier les séquences du film ‘‘Les sous doués passent le bac’’, en moins comique, moins fictif. Une situation tellement révoltante qu’Evelyne Françoise Bassène, candidate du collège Sacré-Cœur composant au Lycée Thierno Saidou Nourou Tall, crie son amertume. ‘‘Nous sommes victimes des tiraillements entre syndicats d’enseignants  et l’Etat du Sénégal. Des fuites et alors ? Est-ce que c’est nous candidats qui sommes allés à l’Office du bac pour solliciter les épreuves ? Qu’ils arrêtent de se payer nos têtes ! Les responsabilités sont partagées entre ces deux entités’’, peste-t-elle à l’ombre des bancs en dur installés dans la cour de l’école.

Cette journée est déjà mémorable dans sa jeune vie d’adulte qui devait commencer avec l’obtention de ce premier diplôme universitaire. Dans son Lacoste rouge, elle relate les heures d’une matinée qu’elle n’oubliera pas de sitôt. ‘‘Il était presque 9h quand les surveillants nous ont demandé de poser nos stylos et d’arrêter la composition, sans autres explications qu’il y avait des fuites’’, avance-t-elle. Elle et d’autres candidats venant de son école, de Yalla-Sur-En, de Cemad, de l’Université populaire du PS (Upeps)..., avaient commencé à plancher sur les épreuves quand la nouvelle est tombée, sans grande surprise. ‘‘Je connais beaucoup d’élèves qui étaient en possession des épreuves avant leur tenue. Moi y compris’’, avance un élève longiligne qui préfère garder l’anonymat.

Les prétendants au précieux sésame devaient choisir entre un commentaire de texte, suivi ou composé, d’un sonnet de Pablo Neruda intitulé : ‘‘Avant de t’aimer je n’avais rien’’ ; une dissertation sur les fonctions essentielles des genres littéraires (théâtre, roman, poésie) ; et un résumé suivi de discussion d’un texte d’Adelino Braz sur le regard de l’artiste. A 13 heures passées, le choc est passé, mais l’incompréhension refuse de le céder à la colère parmi les candidats déjà malheureux à cette session normale du baccalauréat d’enseignement général 2017.  Dans son haut rouge et un jean bleu délavé, cette candidate de la série L’ lave ses camarades de toutes suspicions de fraude que les réseaux sociaux auraient peut-être facilitées.

‘’Tout arrêter et repousser la date en août ou octobre pour tout refaire’’

Dans la discussion générale, les élèves, très timides initialement, sont encouragés par cette intervention de leur camarade. ‘‘On aura fait tous ces efforts pendant tout ce temps pour que finalement l’on nous dise que ça a été annulé. Vous ne pouvez même pas savoir comme je suis abattu’’, lance à son tour Jean-Luc Malou. Lui a quitté sa Guinée-Bissau natale justement pour bénéficier de l’aura de ce diplôme sénégalais qui est ‘‘sanctifié’’ dans son pays. ‘‘Evidemment que c’est très mauvais pour la crédibilité du bac sénégalais et pour l’image du pays tout court. Le mieux serait de reprendre le processus à zéro et pas seulement les matières incriminées’’, peste-t-il.

Un avis que partage le Censeur des études du Lycée, M. Mbodj. ‘‘Le bac de cette année est déjà entaché d’irrégularités. Je pense qu’il faudra tout arrêter et repousser la date en août ou octobre pour tout refaire’’, défend-il. Dans les couloirs aux peintures décrépies de cette école publique de référence, les jeunes candidats sont éclatés par petits groupes et sont dans l’expectative d’une conférence de presse du directeur de l’Office du bac qui a été délocalisée de l’espace universitaire au siège du ministère de l’Enseignement supérieur, à cause d’étudiants en colère. Les étudiants ne comprennent pas pourquoi les dispositions n’ont pas été prises après que de fortes rumeurs de fuites ont entaché la composition des épreuves d’Histo-Géo, la veille.

Mais le Censeur de Seydou Nourou Tall explique que tel n’était pas le cas. ‘‘Il n’y avait pas de fuites pour l’histo-géo, mais il y avait des erreurs sur le sujet. Il y avait des questions qui ne pouvaient pas être traitées, parce qu’il n’y avait pas d’éléments. Il y a eu des choses qui ont été sautées et que des candidats ne pouvaient pas s’en sortir. Ils ne parvenaient pas à déchiffrer le sujet. Et la commission nationale était en train de trouver des solutions’’, avance M. Mbodj. Awa Guèye du Lycée Blaise Diagne, qui a postulé pour une pré-inscription en France, nourrit des appréhensions pour les étudiants qui désirent se rendre à l’étranger. ‘‘On risque de pâtir de cette situation. Vous savez très bien les rigueurs des universités et services consulaires occidentaux. Ces fuites risquent de nous porter préjudice’’, avance-t-elle, dénonçant comme ses camarades le caractère massif et systématique ‘‘d’une fraude à très grande échelle’’.  

‘‘Si Babou Diaham s’en va...’’

Dès qu’on franchit le portail, c’est un communiqué lapidaire qui est affiché sur le tableau vert de l’école. ‘‘En raison des fuites de Français (sic), les candidats sont priés de se présenter ce 05 juillet 2017 à 14h pour l’épreuve de mathématiques’’. Une situation que regrette le censeur de l’école qui appelle toutefois à ne pas jeter l’opprobre sur le directeur de l’Office du bac. ‘‘Je crois que le problème de Babou Diaham, c’est trouver les fautifs. A quel niveau les sujets sont sortis ? Il faut faire une enquête approfondie pour trouver cela. La fuite ne peut pas venir de lui, parce que je pense qu’il ne va pas scier la branche sur laquelle il est assis. Il faut faire des enquêtes pour trouver les origines et ne peut pas le cibler. Si Diaham s’en va et que l’origine du problème n’est pas réglée, on restera toujours à la case de départ. Rien ne sera réglé’’, défend M. Mbodji.

C’est une malheureuse suite de fuites qui a parsemé les épreuves d’examen et concours cette année. Après le réchauffé des épreuves de Mathématiques au prestigieux Concours général à l’avantage d’une école et au détriment des autres, des fuites dans l'épreuve anticipée de Philosophie en juin dernier avaient fait les choux gras de la presse, les fuites des épreuves du Français sont presque une non-surprise. Certains élèves n’y vont pas par quatre chemins pour accuser ouvertement les syndicats d’enseignants de représailles contre le gouvernement. D’autres font porter le tort aux autorités qui, selon eux, ne cessent de tirer sur la corde raide, depuis quelques années.

‘’Confier l’organisation de cet examen à... l’armée ‘’

Signe des temps modernes, ces fuites ont explosé hier sur les réseaux sociaux : Facebook et Twitter où les commentaires indignés des d’élèves, de leurs parents, d’universitaires, ou de simples citoyens ont défilé sur les fils d’actualité. Le professeur de géopolitique à l’Ucad, Lat Soucabé Mbow, sur sa page, déclare que ‘‘c’est le point d’orgue atteint dans l’affaissement du système éducatif placé en soins palliatifs depuis les Etats généraux de l’éducation et de la formation (EGEF) de 1981 jusqu’à la dernière concertation nationale pour l’amélioration de l’enseignement supérieur’’.

La plupart des internautes et des intervenants dans les forums ont appelé à la démission du directeur de l’Office du bac Babou Diaham et du ministre de l’Enseignement supérieur, Mary Teuw Niane ; pour confier l’organisation de cet examen à...l’armée.   

OUSMANE LAYE DIOP

Section: 
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