Publié le 2 Jan 2015 - 19:22
AUDIT 2012 DES MARCHÉS PUBLICS

L’Economie, la Justice, l’Intérieur et la LONASE, les mauvais élèves

 

Des avancées ont été notées dans le système de passation des marchés publics. Il n’en demeure pas moins, selon le directeur de l’ARMP, des anomalies, des fractionnements et des collisions notés dans ces certains marchés.

 

En faisant hier la présentation de son rapport 2013 au Premier ministre, l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) a fait, en même temps, une présentation sur les audits des marchés publics de 2012. En 2012, 99 structures ont été auditées par l’ARMP. Cependant, avec l’alternance politique survenue à la tête du pays en mars 2012, l’audit n’a pas été une mission facile pour le régulateur, ‘’du fait de la suppression ou du regroupement de différentes entités’’. Ce qui fait qu’au final, ‘’88 structures ont été réellement auditées’’. Ce qui lui a permis de receler des manquements’’, même si, de l’avis du Dg de l’ARMP, les ‘’autorités contractantes arrivent, non seulement à réaliser leur marché dans la célérité, mais également dans la transparence, dans la conformité’’.

Mairie de Dakar : ‘’Rien à dire’’

Les meilleurs élèves, en terme de conformité, restent, d’après le rapport de l’ARMP, ‘’pour l’essentiel, les structures et les agences, notamment, l’Agence d’exécution des Travaux d’Intérêts publics contre le sous-emploi (AGETIP), la Société nationale d’aménagement des terres du Delta et de la vallée du fleuve Sénégal (SAED), le Fonds de soutien au secteur de l’Energie (FSE). Le Directeur de l’ARMP a tiré son chapeau à la Mairie de Dakar. ‘’Rien à dire, pour la mairie de ville, en terme de conformité’’, dit Saër Niang.

Par ailleurs, de ‘’graves violations’’ ont été notées dans l’exécution des marchés publics du ministère de l’Economie et des Finances, de la loterie nationale sénégalaise, de la DAGE du ministère de la Justice, de la DAGE du ministère de l’Intérieur, de la commune de Bignona et de la commune d’Oussouye.

Economie et Finances, championnes des ententes directes

Le ministère de l’Economie et des Finances a passé 580 marchés pour un coût global de 13 milliards 895 millions 516 254 F CFA. Le cabinet GRANT THORNTON relève des marchés par DRP (demande de renseignement et de prix) ; ‘’passés par une commission interne dont l’existence n’est fondée sur aucune base légale et/ou règlementaire, en violation des dispositions de l’article 35 du Décret N°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés Publics et de l’article 24 nouveau de la Loi 2006-16 modifiant la loi n° 65-61 du 19 juillet 1965 portant Code des Obligations de l’Administration’’. Le ministère de l’Economie et des Finances, s’est aussi distingué par le nombre très élevé de marchés passés par entente directe, pour la plupart sans fondement règlementaire, en dépit de l’autorisation délivrée par la DCMP’’.

En guise d’exemple, le cabinet qui a fait l’audit cite le marché ‘’par entente directe pour l’achat de mobilier au profit des hauts fonctionnaires’’, en violation des dispositions de l’article 76 du CMP. Autre exemple, le marché relatif à la fourniture de vignettes sécurisées pour un montant de 101 millions 018 033 F CFA qui a été autorisé par la DCMP, en violation de l’article 76 du CMP. De plus, le marché par entente directe relatif à l’acquisition de groupes électrogènes pour la DGID n’a pas de fondement règlementaire. ‘’Ainsi, au vu des manquements énumérés aux constats d’ordre général et spécifique, nous estimons que le Ministère de l’Economie et des Finances ne s’est pas conformé pour l’essentiel aux procédures de passation et d’exécution édictées par la règlementation générale des marchés publics au Sénégal’’, conclut le cabinet GRANT THORNTON.

De la loterie à la LONASE

En 2012, la Loterie nationale sénégalaise a passé 8 marchés pour une somme de 170 millions 702 587 F CFA. L’audit du cabinet GRANT THORNTON a révélé des manquements graves. Son rapport fait état ‘’d’achats et d’acquisitions d’un montant global de 302 millions 614 681 F CFA, en dehors de toute procédure édictée par le décret 2011- 1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés Publics’’. Les constats du cabinet font état de la non-inscription de certains marchés au plan de passation des marchés (PPM). Cependant, la loterie nationale sénégalaise a passé deux marchés AOO (appel d’offres ouvert) en 2012 dont l’un porte sur ‘’l’Entretien et le nettoiement des locaux de la LONASE pour un montant total 23 millions 293 200 F CFA, et le second sur ‘’l’appui technique en vue de la réalisation de la Certification ISO 9001 pour un montant 14 millions  160 000 de F CFA. Le premier marché cité, selon le document, ne respecte pas le modèle d’appel d’offres. Pour les 6 DRP, une seule anomalie a été constatée après l’audit et elle concerne les ‘’travaux d’électricité et de plomberie’’.

La justice, pas trop juste

La cellule de passation des marchés du ministère de la Justice a communiqué 85 marchés, lors de l’audit fait par le cabinet GRANT THORTON pour plus de 903 millions de F CFA. Au final, l’audit n’a concerné que 18 marchés, soit 38% des marchés passés par le ministère de la Justice. Le cabinet a, dès lors, déploré la ‘’non-publication des attributions définitives des marchés passés par appel d’offres’’. Ainsi, sur les 4 marchés que le ministère a passés par appel d’offres ouvert, un seul a été non conforme. Et c’est celui lié à la fourniture de consommables informatiques pour un montant minimum de 8 980 685 F CFA et maximum de 12 815 075 F CFA (AOO1). Les manquements notés dans ce marché sont : ‘’le non-respect du modèle de bordereau des quantités, prévu par le DAO, ainsi qu’un écart entre les montants consignés sur le procès-verbal d’attribution et ceux sur le contrat’’.

Par ailleurs, beaucoup de marchés ont été passés par DRP. Et ces marchés, pour lesquels des anomalies ont été notées, ont pour la plupart été passés avant l’élection présidentielle de 2012, c’est-à-dire entre janvier et février. Parmi ces marchés, le cabinet liste ‘’le Transport de mobilier de bureau dans les communes de Bignona et Oussouye pour un montant de 5 900 000 F CFA, (le marché est passé en février 2012), la ‘’fourniture de 30 climatiseurs « split » pour l’achèvement du nouveau palais de justice pour un montant de 14 974 200 F CFA (passé en février 2012) et la ‘’fourniture de matériels informatiques pour un montant de 14 990 720 F CFA passé en janvier 2012. ‘’Nous estimons que la DAGE du ministère de la Justice n’a pas respecté les procédures de passation et d’exécution des marchés édictées par le Décret 2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des Marchés Publics, au vu des anomalies constatées ci-après : l’attribution de marchés à des fournisseurs ne présentant pas les capacités juridiques requises ; des cas de collusion ; des cas de fractionnement sur un montant total de 186 592 923 F CFA’’, conclut le document.

Pas trop clean à l’Intérieur

Le lot du plus grand nombre de marchés revient au ministère de l’Intérieur, avec ‘’76 marchés, selon la liste communiquée par le Coordonnateur de la Cellule de Passation des Marchés’’, pour un ‘’coût global de 4 milliards 389 millions 840 063 F CFA dont 51 marchés conclus par entente directe, 24 marchés par demande de renseignements et de prix et seulement 01 marché par appel d’offres ouvert. 61 dossiers ont été audités par le cabinet GRANT THORTON, soit 96% des marchés passés par le ministère de l’Intérieur. Pour le seul marché d’appel d’offres ouvert passé par le ministère de l’Intérieur, le rapport d’audit dénote que ‘’les offres ne sont pas ouvertes à la date limite de dépôt : ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 67-1 du Décret n°2011-1048 du 27 juillet 2011 portant Code des marchés publics’’, ou un ‘’défaut de matérialisation de la transmission des PV d’ouverture de plis aux soumissionnaires présents’’.

Sur 9 marchés passés par DRP et examinés par le cabinet d’audit, ‘’aucune anomalie n’a été notée’’. Le cabinet a examiné les 51 marchés passés par entente directe. Ainsi, le cabinet n’a pas fait de ‘’constats spécifiques’’ sur 44 de ces marchés. Par contre, pour quatre des marchés passés par ED, le cabinet fait savoir que ‘’les contrats ne contiennent pas de clause d'acceptation formelle par le fournisseur de se soumettre à un contrôle de prix et/ou inclusion dans le contrat d'une clause de contrôle des prix’’. Ces marchés concernent la ‘’fourniture de tuyaux et accessoires, pour un montant de 185 275 000 F CFA’’, ‘’l’acquisition de sacs à terre, pour un montant 35 000 000 FCFA, ‘’l’acquisition de produits d'entretien, pour un montant de 77 555 500 F CFA, ‘’la fourniture de sacs à terre, pour un montant de 52 500 000 F CFA’’.

Toutefois, pour les marchés de ‘’pompage et évacuation des eaux pluviales pour un montant de 82 836 000 F CFA, de ‘’travaux de remblaiement pour un montant de 41 334 810 F CFA et d’autres ‘’pour un montant de 64 626 240 F CFA’’, le document rapporte que ‘’l'exécution a commencé avant la signature et l'approbation du marché : ce qui constitue une violation des dispositions des articles 11 et 29 du Décret 2011-1048 du 27 juillet 2007 portant Code des Marchés Publics’’. 

ALIOU NGAMBY NDIAYE

 

 

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