Publié le 4 Dec 2017 - 12:22

AVIS D’INEXPERT PAR JEAN MEÏSSA DIOP 

 

Que devient le mythique "Cercle des lecteurs de Suxuba" ? Peut-être que ça ne vous dit rien tout cela. Selon que vous soyez trop jeune ou d’un certain âge, cette dénomination ne vous dira rien ou vous renverra à une époque mythique (les amateurs de bande dessinée s’empresseront de dire « les âges farouches » du personnage Rahan) de la presse d’opinion au Sénégal. Suxuba était ce journal d’une certaine aile de gauche maoïste qui n’est pourtant paru qu’une seule fois, un seul numéro, mais qui a connu un effet d’annonce et une influence à travers ses lecteurs dont les deux figures de proue furent le chimiste et syndicaliste Abdoulaye Nguette et le professeur de sociologie Malick Ndiaye.

Les « suxubistes » ont eu une influence et ont pris une part importante dans le débat politique des années 90.

Le Cercle des lecteurs Suxuba fut plus qu’un socle d’un journal ; le groupe fut l’artisan de la mutation de And Jëf Parti Mouvement révolutionnaire pour la démocratie nouvelle (Aj Mrdn) en Aj Mouvement pour la démocratie et le socialisme (Aj Mrds) et a pris une part active dans l’émergence du Pôle de gauche. Peut-être que le président Macky Sall, membre du parti maoïste dans une vie antérieure, a été « lecteur » de ce Suxuba.

Nous avons fait une sorte de crowdsourcing (mise à contribution du public par le journaliste ou et un journal dans la collecte de l’information) au sujet de Suxuba et une ancienne figure de And Jëf, siégeant alors au «BP (Bureau politique) dudit mouvement, nous a écrit : « j’ai été membre avec Nguette et Malick Ndiaye du Comité d'initiative pour l'unification ayant abouti à la transformation d’Aj Mrdn en Aj Pads. Nguette était un technicien chimiste trotskiste et syndicaliste, membre de la direction de l'Union nationale des syndicats autonomes du Sénégal (Unsas). Sincèrement, contrairement à "Jaay doole bi", "Daan Doole", "Vérité", "Ferñent", son impact doit être très marginal, car moi-même je n'avais vu qu'un seul numéro ! »

A travers cette énumération, on devine ce qu’ont été la prolificité et la diversité de la presse partisane au Sénégal, surtout celle de gauche. Ici, il s’agit juste de la presse de gauche qui a compté bien d’autres titres dont le fameux "Fagaru", rendu très visible par son rédacteur en chef Idrissa Diop, présent dans toutes les manifestations marquantes (pas forcément politiques) et qui se présentait toujours en disant s’appeler « Idrissa Diop, rédacteur en chef de "Fagaru", organe central de la Ld Mpt ».

Il y a eu "Combat pour le socialisme" (journal des Comités d’entreprises du Ps), "Le Débat", "Unité africaine" (publications de « l’Ups-Ps », ainsi que le parti au pouvoir était désigné par les gauchistes), " Le Démocrate" (Pds), "Andë Sopi" (avec des signatures comme Amath Dansokho, Mamadou Dia (ancien président du Conseil de la République du Sénégal), Samba Diouldé Thiam…)

Une belle époque que celle-là… Malheureusement, les lectures et des achats militants n’ont pas permis à cette presse de vivre ou de survivre. Mais on se rappellera toujours les percutantes et belles tribunes, les articles rédigées avec rigueur et style qu’on en devient nostalgique.

Le public semble avoir souhaité lire des publications autres que celles ouvertement partisanes. Et cela a entraîné la mort de cette presse de parti. Alors que la bataille faisait rage entre le pouvoir Ps et Serigne Ahmed Tidiane Sy, défunt khalife général des Tidianes, une excellente réplique du guide religieux autour d’une allusion à Nietszche et à sa compagne Lou Salomé.

Pour en revenir à notre propos du début, nous disons avoir tenté une sorte de crowdsourcing, en mettant à contribution, via notre page facebook, des internautes au sujet de ce Cercle des lecteurs de Suxuba. Cette pratique est usitée par des journalistes, à travers le monde, suscitant ainsi « la production participative » qui est une « utilisation de la créativité, de l'intelligence et du savoir-faire d'un grand nombre de personnes… » extérieures au journal pour obtenir des informations qu’on devra cependant vérifier avec rigueur. Et la vérification est l’un des défis que doit relever ce type de pratique que le journalisme a en commun avec des entreprises commerciales et leurs stratèges commerciaux qui font « appel au grand public ou aux consommateurs pour proposer et créer des éléments de la politique marketing (choix de marque, création de slogan, création de vidéo…) ou même pour réaliser des prestations marketing. Dans le cadre du crowdsourcing ».

Post-scriptum : Un grand bravo à l’émission "Thème de la semaine" (diffusée dans la nuit du samedi au dimanche) de Mamadou Ndoye Bane de la Radio Futurs médias qui a permis à la Section Recherches de la gendarmerie nationale  d’attendre au bas de l’immeuble de la Rfm un invité de l’émission pour l’arrêter. Le mis en cause est un de ces rabatteurs ou passeurs d’émigrants clandestins sénégalais en Libye qui ont arnaqué beaucoup de candidats à l’émigration vers l’Italie. Beaucoup de ces migrants ont vécu ou vivent encore l’enfer ou sont morts par la faute de ces malfaiteurs qui les ont vendus à des négriers qui ne sont en rien différents des trafiquants d’une autre époque – noire celle-là – de la Traite Transatlantique.

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