Publié le 28 Nov 2022 - 20:43
BUDGET 2023 MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR

Des débats houleux

 

Hier, lors du vote du budget du ministère de l’Intérieur, la séance a été longtemps bloquée. Et pour cause ! Amina Ndiaye Gnibi a fait son show, choquant plus d’un. Elle s'en est prise à Serigne Moustapha Sy et a proféré des insanités à l’endroit de ses collègues qui ont tenté de la ramener à la raison.

 

Lors du vote du budget du ministère de l’Intérieur, la question sécuritaire a été largement évoquée. ‘’Les moyens que vous mettez pour surveiller Ousmane Sonko, Khalifa Sall et Serigne Moustapha Sy, il faut les mettre dans votre programme de sécurité des personnes et des biens’’, a déploré Thierno Alassane Sall. Dans la même veine, le député Fatou Ba a renchéri avec ironie : ‘’Vous avez sécurisé Mermoz Sacré-Cœur. De la même manière, il faut sécuriser les autres quartiers. Vous savez bien mieux que quiconque les localités où l’insécurité est galopante, parce que vous recevez les plaintes.’’ 

D’ailleurs, c’est ainsi que la question du traitement réservé au marabout Serigne Moustapha Sy (Pur) a été posée. Plusieurs députés, dont Massata Samb de Tivaouane, ont dénoncé les ‘’complots’’ du régime à  l'égard du guide religieux. Ils ont notamment fustigé l’attaque du cortège de Serigne Moustapha Sy et l’exhumation de la dépouille de Baye Katim Touré. Ils ont demandé plus de sécurité pour le marabout, à l’occasion du Gamou de Tivaouane.

Répondant à ces interpellations, la députée Amina Ndiaye Gnibi du camp du pouvoir a choqué tout le monde, en s’attaquant à la croyance d’une forte communauté.  Elle s’en est prise ouvertement à Serigne Moustapha Sy, sans langue de bois. ‘’Serigne Moustapha Sy n’est pas digne d’un marabout. C’est moi qui l’ai dit. Et je n’ai peur de rien. Il a dit des choses qui ne se sont pas illustrées… Celui qui s’oppose à Macky Sall, on fera face’’, a-t-elle dit.

Interpellée sur son manque de respect à l’égard du marabout par Massata Samb, Amina Ndiaye a persisté, faisant preuve de manque de grandeur.  Il s’en est suivi des échanges d’insanités entre les deux députés. Le président de l’Assemblée nationale a alors demandé une suspension de quelques minutes de la séance.  

À la reprise, le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, a tenté de rappeler le règlement intérieur. Il a été immédiatement interrompu par les députés de l’opposition. ‘’Vous êtes de connivence avec eux. Vous êtes aussi responsable de tout ce qui se passe’’, ont pesté Guy Marius Sagna et Cie,  déplorant une mauvaise gestion.

En effet, Amadou Mame Diop a tardé à le faire. La séance a encore été arrêtée. 

Insécurité

À la reprise des débats, les représentants du peuple ont exprimé leur vive préoccupation face à l'insécurité qui prévaut aussi bien à Dakar que dans les autres régions, notamment la recrudescence des agressions, des meurtres, du trafic de drogue, du vol de bétail, ainsi que le phénomène dit ‘’rodéos à moto’’, avec son lot de conséquences désastreuses chez les jeunes.

Selon Fatou Ba,  ‘’personne n’ose plus faire une balade à la forêt classée de Mbao’’. Elle a demandé qu’on fasse des opérations de sécurisation dans cette zone.

 Ainsi, beaucoup de ses collègues mandataires ont largement souligné la nécessité de poursuivre la mise en place d'une police de proximité, en renforçant le maillage du territoire national par la construction et la réhabilitation de commissariats et de postes de police.

En outre, il a été recommandé la création d'une unité spéciale dédiée au vol de bétail, ainsi que la mise en place de mesures de sécurisation du ranch de Dolly. 

Au niveau de la capitale, il a été sollicité la création d'un commissariat de police dans la commune de Yoff et d'un poste de police au sein de l'Arène nationale, ainsi que la réhabilitation des locaux de certains commissariats de police exigus de la région de Dakar.

Prenant leur contrepied, Fanta Sall et Anyeu Mbengue ont salué les opérations de sécurisation menées avec la gendarmerie dans certaines zones à risque.

Au plan budgétaire, le ministre de l’Intérieur a indiqué que des efforts considérables ont été consentis pour améliorer davantage la prise en charge de la sécurité des personnes et de leurs biens, mais surtout pour renforcer la surveillance des frontières.   

La question des nervis

Egalement, Antoine Félix Diome a été interrogé sur la présence des nervis, lors des manifestations et des grands événements politiques. ‘’Monsieur le Ministre, si vous dites que vous n’avez pas vu de milices dans ce pays, on doit avoir peur. Parce que tout le monde en a vu, lors des évènements de mars’’, a indiqué Thierno Alassane Sall.

Sur cette question,  le ministre a précisé que son département ne s'attache aucunement les services des nervis. Au sein de la police nationale, dit-il, il y a des policiers en tenue et ceux en civil qui s'emploient quotidiennement à assurer la protection de tous les citoyens, quelle que soit leur coloration politique.

Par ailleurs,  la posture de certains préfets a été décriée par des députés, compte tenu du nombre important de demandes de manifestation publique rejetées et des réponses tardives adressées aux organisateurs. Le député Aliou Demba Sow de répondre aux membres  de l’opposition : ‘’Quand on dit que ce n’est pas possible, il ne faut pas forcer. Une marche qui peut provoquer des morts ne peut être tolérée. Des gens organisent des manifestations pour créer des troubles à l’ordre public. On a vu des gens tenir des armes dans des manifestations qualifiées de pacifiques.’’

Pour sa part, le ministre Antoine Félix Diome a apporté des éclairages sur l'arrêté Ousmane Ngom.  Il a précisé que ‘’le périmètre d'interdiction des manifestations faisant l'objet de cet arrêté concentre l'essentiel des activités économiques du pays faisant vivre la quasi-totalité des Sénégalais, comme l'avait si bien indiqué le Premier ministre, à l'occasion de son entretien avec la délégation d'Amnesty International conduite par sa directrice générale’’.

À son avis, ‘’une prise de conscience citoyenne devrait même pouvoir amener les gens à s'abstenir de créer des troubles dans cet espace névralgique, d'autant plus qu'il existe dans tous les pays du monde des zones géographiques protégées, pour des raisons de sécurité nationale’’.

Par ailleurs, le ministre a été interpellé sur les énormes difficultés rencontrées par les Sénégalais de l'intérieur comme de l'extérieur du pays, pour disposer de leur passeport et de leur carte nationale d'identité CEDEAO. À cet égard, ils ont demandé la création de nouveaux bureaux de dépôt, notamment à Goudiry, Ranérou, Malem Hodar, Goudomp, Koumpentoum, et des missions périodiques de dépôt à Toubacouta, Médina Yoro Foula, Djilor et dans les chefs-lieux d'arrondissement du département de Foundiougne. De même, ils ont souhaité l'ouverture d'un bureau des passeports dans les départements de Thiès et de Kolda.

Certains députés comme Maïmouna Sène ont considéré que les élections législatives ont été marquées par ‘’des dysfonctionnements et manquements sans précédent, notamment la dichotomie opérée entre la liste des titulaires et celle des suppléants’’.  Ils ont, parallèlement, relevé des cas de ‘’rétention et de distribution de cartes d'électeur par de tierces personnes qui appartiennent à la coalition au pouvoir’’, à l'occasion des élections territoriales, particulièrement à Yeumbeul Sud et à Ziguinchor.

Organisation des élections

À ce niveau, il a été préconisé la désignation d'une autorité indépendante chargée de l'organisation des élections au Sénégal. Ils ont, dans la même veine, invité le ministre à envoyer suffisamment de missions à l'étranger, pour faciliter l'inscription massive des Sénégalais de l'extérieur sur les listes électorales, notamment en Italie.

Certains parlementaires ont, en outre, interpellé le ministre sur la situation des primo inscrits qui n'ont pas souvent la possibilité d'exercer leur droit de vote, et le cas de beaucoup de citoyens qui ont été changés de bureau de vote à leur insu. 

Concernant le système de parrainage, le ministre a été interpellé sur les motifs de rejet non explicites de certaines listes de parrainage et le maintien en vigueur de ce système de filtre, alors que la Cour de justice de la CEDEAO a imparti, à l'État du Sénégal, un délai de six mois pour le supprimer.

Concernant le système de parrainage, le ministre de l’Intérieur a précisé que l'arrêt rendu par la Cour de justice de la CEDEAO n'a pas requis sa suppression. Cette cour a plutôt demandé la revue de ses modalités de mise en œuvre. À ce propos, il a rappelé que dans le cadre de la Commission politique du dialogue national, les acteurs politiques avaient pris part aux travaux d'élaboration du nouveau Code électoral. Ils ont, à cette occasion, décidé souverainement de maintenir le système de parrainage, mais en excluant son application aux dernières élections territoriales.

Maintenant, si les acteurs politiques décident de l'enlever, il est toujours possible d'engager des discussions, dans ce sens, avec le gouvernement, a-t-il rassuré. S'agissant du fichier électoral, Antoine Félix Diome rappelle qu'à la demande des formations politiques de l'opposition, le gouvernement a accepté, sur financement de l'Union européenne, l'évaluation du processus électoral et l'audit du fichier électoral par des experts internationaux indépendants. Les conclusions issues de ces opérations ont révélé que ce fichier était fiable et la configuration actuelle de l'Assemblée nationale l'illustre parfaitement.

À ce niveau, il a informé que la loi prévoit la mise à disposition du fichier électoral aux différents partis et de partis politiques, avant l'organisation d'élections, pour leur permettre de vérifier les informations y relatives par des experts de leur choix. Sur la question des listes électorales, le ministre a précisé que la liste des suppléants d'un parti ou coalition de partis politiques peut être recevable, tandis que celle des titulaires est déclarée irrecevable.

 En effet, dit-il, la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Fandène, en 2014, est édifiante, car la cour avait indiqué, avec clarté, que la liste des titulaires est différente de celle des suppléants. Il a rappelé, à ce niveau, que la Cour suprême est la seule juridiction qui a le rôle d'unifier l'interprétation de la règle de droit à l'échelle nationale.

En conséquence, tous les citoyens, y compris les acteurs politiques, doivent se conformer à la décision rendue par cette haute juridiction. C'est ainsi, précise-t-il, que lorsque la liste non paritaire de la coalition Yewwi Askan Wi, présentée au niveau du département de Dakar, a été retirée des compétitions pour les élections législatives de juillet 2022 et que, par saisine des intéressés, le Conseil constitutionnel l'a déclarée valide, il s'est conformé à cette décision en intégrant ladite liste. C'est cette attitude qui s'accommode bien à l'esprit républicain et à l'État de droit, indique-t-il.

BABACAR SY SEYE

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