Publié le 19 Feb 2021 - 23:42
GESTION COVID

Le professeur Abdoul Kane dénonce l’attentisme injustifié de la stratégie vaccinale 

 

La Coalition pour la santé et l’action sociale (Cosas) n’est pas du tout satisfaite de la gestion de la pandémie par les autorités sanitaires et politiques. Elle révoque certaines décisions prises qui contribuent à l’augmentation des cas et à l’accroissement du taux de mortalité.

 

C’est, à la limite, une insuffisance de leadership du ministère de la Santé que dénonce la Coalition pour la santé et l’action sociale (Cosas). C’est au regard de l’élaboration et de la coordination d’une politique de dépistage qui utilise et renforce les capacités à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. Un constat fait par ladite coalition qui souligne, pour le déplorer, l’augmentation du nombre de cas de Covid et l’accroissement de la mortalité. Au point que le président de la Cosas, le professeur Abdoul Kane, demande aux autorités sanitaires et politiques de rectifier la gestion de la pandémie. Il soutient ne pas comprendre le fait que la mise au point d’une indispensable stratégie vaccinale puisse donner lieu à un attentisme injustifié.

Dans un communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’, la Cosas fustige l’augmentation exponentielle des cas communautaires qui pourrait être en rapport avec le non-dépistage de nombreux cas contacts pouvant constituer des vecteurs de propagation du SARS-COV2. Ladite coalition dénonce également l’indisponibilité des tests rapides de Covid-19, malgré leur validité internationalement reconnue, pour faciliter à un moindre coût un dépistage facile et rapide des cas.

Selon le Pr. Kane, l’augmentation du taux de mortalité résulte du recours tardif aux soins liés au sous-dépistage, aux retards fréquents de notification des résultats des tests PCR et aux difficultés d’accès aux soins, dans un contexte de saturation progressive du système sanitaire. A cela s’ajoute l’insuffisance d’équipements, de ressources humaines spécialisées et de fonctionnalités des structures qui assurent la prise en charge des cas graves, notamment dans les régions. ‘’A côté de la déficience de la prise en charge à domicile, mal supervisée, qui ne garantit pas une sécurité sanitaire suffisante face au retard dans la gestion des cas graves,  il y a l’insuffisance de prise en compte des contraintes objectives entravant le respect des mesures barrières et découlant de déterminants sociaux (pauvreté, transport, habitat, démographie scolaire...) et de pesanteurs socio-culturelles. Une communication centrée sur un dénombrement journalier de cas et un discours qui culpabilise la population, les patients suspects de Covid-19 accusés de faire preuve de mauvaise volonté’’, déplore le Pr. Kane.

‘’Absence de comité scientifique qui produit des avis et orientations argumentés’’

Autres tares notées par la Cosas : c’est une gestion centralisée, verticale et médicalisée, peu démocratique où les représentants des communautés ne sont pas suffisamment impliqués dans les décisions. En plus de cela, il est noté l’absence de comité scientifique qui produit des avis et orientations argumentés, régulièrement publiés et mis à jour. Et une insuffisance d’implication et d’écoute des experts et scientifiques ayant une compétence dans la gestion de la santé publique et des épidémies. De plus, il faut ajouter ‘’l’absence d’évaluation objective des interventions et stratégies menées dans la lutte contre la Covid-19 par des comités multisectoriels impliquant les partenaires techniques et financiers. Nous notons, pour le déplorer, le manque d’efficacité du couvre-feu avec une recrudescence significative des cas et des décès. Ce rebond est à mettre en rapport avec le retard dans l’interruption des chaînes de transmission virale résultant d’algorithmes instituant un dépistage restrictif des contacts, contrairement aux normes de l’OMS qui préconisent un large dépistage pour isoler les cas asymptomatiques et traiter les personnes symptomatiques’’, fustige le  Pr. Abdoul Kane.

Par ailleurs, la Cosas conseille l’abolition des directives de dépistage actuelles et la mise en place urgente d’une stratégie nationale de dépistage avec des protocoles clairement définis.  Cela, en privilégiant l’utilisation massive de tests antigéniques dits de diagnostic rapide (TDR) faciles à utiliser, ne nécessitant pas de laboratoire et permettant la détection du SARS-COV2 en quelques minutes. ‘’Il faut la décentralisation du dépistage, avec mise en place des TDR jusqu’au niveau périphérique (postes de santé), voire communautaire, dans les structures médicales privées et les pharmacies, permettant un meilleur contrôle de la pandémie de Covid-19. Cela se fera par l’identification des patients les plus contagieux et l’interruption rapide de la transmission et l’isolement ciblé des cas positifs et de leurs contacts proches’’, recommande la Cosas.

Et d’ajouter la nécessité d’associer les organisations de la société civile ayant une expertise dans la santé communautaire, le plaidoyer et la communication pour le changement de comportement. La mise en place d’un comité scientifique multisectoriel dirigé par un expert en santé publique. Elle demande aussi l’évaluation des interventions et la décentralisation effective de la gestion au niveau régional. 

‘’Il faut l’élaboration d’une stratégie de communication qui informe et favorise la confiance et l’adoption de comportements adaptés sans induire de stigmatisation. Ces mesures correctrices pourront contribuer à éviter la survenue, dans notre pays, d’un chaos sanitaire incontrôlable, dans un contexte où d’autres épidémies apparaissent’’, prévient le Pr. Kane.

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INITIATIVES COMMUNAUTAIRES DE RIPOSTE

Les collectivités territoriales invitées à la mobilisation des ressources

Dans la lutte contre la pandémie, la Coalition pour la santé et l'action sociale (Cosas) lance encore une alerte. Elle appelle les collectivités territoriales à mobiliser des ressources pour soutenir les initiatives communautaires.

Selon un communiqué de son Bureau exécutif, l’État sénégalais a, jusque-là, centralisé la gestion de la pandémie. Cela, en misant davantage sur une approche verticale, déconcentrée, privilégiant l’administration territoriale, faisant abstraction des bénéfices d’une approche décentralisée, avec la responsabilisation des élus locaux et des acteurs communautaires. La Cosas demande également aux collectivités de contribuer à la redynamisation des comités de veille et d’alerte communautaire.

Mais aussi de mettre en place des initiatives communautaires concrètes pour le respect de mesures barrières dans les domiciles, les lieux de culte, les lieux de travail, les écoles et ‘’daara’’, les marchés, les cimetières et autres lieux publics, y compris lors des cérémonies familiales. Elles doivent aussi œuvrer davantage pour l’approfondissement du processus de décentralisation et le renforcement de la dynamique communautaire.

‘’Il faut qu’elles s’approprient davantage le processus de planification, la mobilisation des ressources pour la mise en œuvre et le suivi stratégique des interventions sanitaires et sociales essentielles, compétence qui leur est transférée depuis 1996. Permettre un meilleur accès des populations aux services sociaux de base’’, souligne le professeur Abdoul Kane.

De l’avis du professeur et ses collègues, il est vrai que les collectivités territoriales n’ont jamais été complètement absentes du terrain de la lutte contre la pandémie. Où, soulignent-ils, elles ont appuyé le gouvernement dans la sensibilisation sur les gestes barrières et la dotation en masques, dispositifs de lavage des mains et gels hydro-alcooliques, entre autres. En plus, font-ils savoir, certaines villes de la région de Dakar ont dégagé également des moyens importants pour l’accompagnement des structures hospitalières en équipements divers allant jusqu’à l’augmentation des lits de réanimation, à l’approvisionnement en oxygène. ‘’Partout dans le pays, des initiatives communautaires comme des visites à domicile, des caravanes de sensibilisation ont été initiées, dans lesquelles les élus locaux ont joué un rôle central’’.

Néanmoins, la Cosas soutient que le contrôle de la pandémie demande une implication accrue des collectivités locales dans la mobilisation communautaire et dans le relèvement des plateaux techniques. Ce, y compris au niveau des structures sanitaires situées en zone rurale et suburbaine, particulièrement démunies.  ‘’La pandémie a aussi servi de révélateur aux dysfonctionnements et limites de certaines politiques publiques. Plus particulièrement celles de la décentralisation qui est limitée par le fait que les conseils de collectivités locales peinent à jouer leur rôle dans l’impulsion d’un développement multisectoriel de leurs territoires, en particulier sur les questions sanitaires et sociales’’.

VIVIANE DIATTA

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