Publié le 19 Apr 2023 - 22:37
CONFÉRENCE MONDIALE DE L’ITIE

Dakar, capitale du secteur extractif

 

Malgré des avancées significatives en matière de gouvernance des industries extractives, les défis restent énormes pour que le secteur ait encore plus d’impact pour les populations. Voilà, entre autres sujets qui ne sauraient être éludés en perspective de la 9e Conférence mondiale de l’ITIE, prévue les 13 et 14 juin à Dakar. Une première en Afrique.

 

Il aura fallu des décennies au Sénégal pour être champion d’Afrique de football. Il en fallut moins de 10 pour être leader incontestable du continent en matière de transparence dans les industries extractives. Au plan mondial, le Sénégal reste un des champions dont les résultats attirent au-delà de nos frontières. Ce n’est pas un hasard si Dakar a été choisie pour abriter la Conférence mondiale de l’ITIE les 13 et 14 juin 2023. Présidente du comité national, Awa Marie Coll Seck se réjouit : ‘’Ce sont ces bons résultats qui ont fait que le Conseil d’administration nous a demandé d’abriter la Conférence mondiale pour la première fois en Afrique. C’est donc un grand challenge. D’autant plus qu’ils sont nombreux à exprimer la volonté de venir à Dakar pour voir comment ça se passe. C’est une opportunité d’échanges. Et ce sera l’occasion de capitaliser sur 20 années d’existence de l’ITIE, mais aussi 10 ans pour le Sénégal qui a adhéré à l’Initiative en 2013.’’

Cela dit, les performances mondialement saluées du point de vue de la transparence cachent mal les souffrances des communautés riveraines qui ne cessent de se plaindre. Principales victimes de ces compagnies polluantes, elles sont souvent laissées en rade dans la répartition des richesses.

Où passent donc les retombées du secteur extractif ? La question était, hier, au cœur de la rencontre entre le comité national et la presse. À entendre la présidente Awa Marie Coll Seck, ceci reste un des principaux défis pour l’État et le comité. Elle affirme : ‘’Le secteur contribue à hauteur de moins de 6 % dans le PIB. Sachant que nous allons bientôt commencer l’exploitation du pétrole et du gaz, il faut que l’on soit beaucoup plus vigilant encore ; que nous nous impliquions encore plus pour que les populations ressentent la présence de ces ressources naturelles. Aussi bien le pétrole que les autres minerais.’’

La transparence en transition !

Dans le rapport ITIE 2021 présenté l’année dernière, il était indiqué que le secteur extractif pèse 4,98% du PIB ; 6,94 % des recettes de l’État ; 38,02 % dans les exportations ; 0,23 % seulement de l’emploi.

Au total, c’est 223 milliards de francs CFA de contributions, dont un peu plus de 206 milliards au budget de l’État. Selon la présidente de l’ITIE Sénégal, des efforts énormes ont été faits, surtout avec la loi sur le contenu local sur lequel elle fonde beaucoup d’espoir. ‘’Des réformes majeures ont été faites ces dernières années. Parmi elles, il y a la loi sur le contenu local. Ce que le Sénégal peut espérer avec les recettes tirées grâce au contenu local, c’est beaucoup plus important que ce dont nous pouvons attendre des taxes par exemple. Pour vous donner une idée : si les taxes peuvent tourner autour de 200 milliards, les opportunités liées au contenu local c’est plus de 1 000 milliards.  Voilà sur quoi il faut travailler pour booster notre économie et améliorer la vie de nos populations’’.

Malheureusement, à ce jour, la loi ne semble pas encore produire tous les effets escomptés. Ce qui n’est pas du ressort exclusif de l’État. ‘’Par exemple, pour des choses aussi simples que la confection des tenues, par exemple, une compagnie qui a besoin de 10 000 tenues en un mois, les gens ont les compétences de le faire, mais il manque des capacités financières pour répondre à un tel appel d’offres. Il faut donc des financements pour renforcer les capacités financières, mais aussi que les acteurs du privé se regroupent pour capter ces opportunités’’, insiste la ministre d’État.

Abondant dans le même sens, le président de la commission scientifique de la Conférence mondiale, Pape Fara Diallo, estime qu’il faudrait également veiller à une répartition juste et équitable des transferts infranationaux, c’est-à-dire de l’État vers les collectivités locales.

En tout état de cause, le président de la coalition Publiez ce que vous payez salue les nombreux efforts qui ont été réalisés et qui ont contribué à la sérénité du débat public. ‘’Il faut faire encore plus d’efforts pour aider les collectivités abritant les compagnies à avoir les moyens pour financer leur développement’’.

Pour y parvenir, soutient l’ITIE, il faudrait que les fonds dépensés au titre de la RSE soient orientés vers les secteurs prioritaires au bénéfice de tous et non de quelques groupes. ‘’Nous avons remarqué que souvent, des individus ou des groupes vont devant les entreprises pour demander des appuis. Parfois, c’est des billets pour La Mecque, des moutons de Tabaski, etc. C’est certes important, mais ça n’a pas d’impacts sur les populations. C’est pourquoi nous militons pour que les gens investissent davantage de l’argent sur les priorités et sur les secteurs qui impactent les populations’’, a soutenu la présidente du comité national.

Sur le registre des bénéficiaires économiques, les intervenants ont plaidé pour son accessibilité à certains professionnels comme les journalistes. Monsieur Diallo : ‘’C’est vrai qu’il faut protéger les données personnelles. On ne peut pas les divulguer. Mais ce n’est pas ce que nous demandons. Nous pensons juste que certains professionnels comme les journalistes doivent avoir accès au registre, pour l’accès à certaines informations. Il faut l’encadrer et nous sommes en train d’y travailler.’’

Pour la Conférence mondiale, 1 000 participants sont attendus à Dakar, qui sera la capitale mondiale des compagnies et organisations s’activant dans le domaine de l’industrie extractive.

Des échanges fructueux sont ainsi espérés pour l’amélioration de la gouvernance et de l’impact du secteur sur les populations, a expliqué Mme Gnagna Diène Diassé. Pour elle, il s’agira non seulement de faire le bilan des 20 ans de l’ITIE, mais aussi de mener des réflexions sur la meilleure manière de réaliser une bonne transition dans le secteur extractif. D’où le thème ‘’Transparence en transition’’.

MOR AMAR

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