Publié le 10 Dec 2019 - 00:19
CONFERENCE DEDICACE

La frilosité du barreau mise à nu 

 

Très prompt à agiter le respect du règlement n°5 de l’Uemoa quand il s’agit de demander la présence de l’avocat aux premières heures de l’interpellation, le barreau a été appelé, samedi dernier, à en faire de même pour ce qui est de l’admission des professeurs agrégés de droit à exercer le métier d’avocat. C’était à l’occasion de la conférence dédicace du nouveau livre du Pr. Abdou Wakhab Ndiaye sur le droit des sociétés de capitaux.

 

Un rendez-vous du savoir. Samedi dernier, à L’Harmattan, c’était un régal pour les passionnés de droit, en particulier du droit des affaires. Pour le baptême de son nouveau bébé nommé ‘’Droit des sociétés de capitaux’’, Abdou Wakhab Ndiaye, enseignant-chercheur à l’Ucad, est sorti des chantiers battus. Loin des cérémonies de dédicaces formelles, avec des témoignages sur le livre et l’auteur, il a fait appel à deux éminents praticiens : le notaire Moustapha Ndiaye et l’avocat Mame Adama Guèye, pour des échanges fructueux autour de l’ouvrage et du droit. Pendant que le premier faisait un exposé jugé magistral sur la société par actions simplifiées, le second a tenu en haleine le public autour du thème ‘’Les pactes d’actionnaires en droit des sociétés’’. 

Mais, au-delà de ces sujets très techniques, le fameux règlement n°5 de l’Uemoa s’est aussi invité aux débats. Cette fois, ce ne sont pas les officiers de police judiciaire et les magistrats qui sont au banc des accusés, mais bien le barreau de Dakar et les avocats. Abdou Wakhab Ndiaye interpelle : ‘’Il y a quelque temps, le règlement n°5 de l’Uemoa a beaucoup défrayé la chronique. Nos amis les avocats sont prompts à l’invoquer pour exiger la présence de l’avocat dès l’interpellation. Mais ce règlement dit également autre chose. Il dit que les collègues agrégés peuvent devenir avocats sans faire de concours. Mais la loi sénégalaise leur dénie ce droit en leur imposant de démissionner de leurs fonctions d’enseignant…’’

Ainsi, Dakar viole encore la législation communautaire, là où d’autres pays comme le Bénin l’applique dans toute sa rigueur. ‘’Rassurez-vous, blague l’enseignant-chercheur, cela ne m’intéresse pas. Mais le règlement Uemoa le prévoit. Au Bénin, par exemple, des collègues l’utilisent pour exercer en même temps, en tant qu’avocats. Mais nous, on ne peut pas, parce que la loi de 2010 nous demande de démissionner d’abord’’.

Ces autres professions bunkerisées

Membre du barreau, Maitre Mame Adama Guèye, lui, n’est pas du tout contre l’exercice du métier d’avocat par les agrégés. A l’en croire, la frilosité du barreau ne s’explique pas. ‘’Pour moi, il faut changer ça. Il y a quand même la hiérarchie des normes. Parfois, je trouve que l’ordre est très frileux et cela ne s’explique pas’’. Pour lui, cet ostracisme ne se limite pas aux seuls agrégés. Il est aussi valable pour leurs homologues sénégalais inscrits dans des barreaux étrangers et qui veulent rentrer au bercail. ‘’On constate une grande frilosité. Ils doivent, eux aussi, passer par certaines formalités. Je pense que l’ordre gagnerait à s’ouvrir davantage’’, indique l’ancien bâtonnier.

Ainsi, comme chez les notaires, la tendance à la fermeture sur soi gagne beaucoup de professions réglementées. Pendant que chez les premiers, on en est encore à 51 notaires pour environ 15 millions d’habitants, chez les seconds, on dénombre moins de 400 avocats sur toute l’étendue du territoire. Encore que l’écrasante majorité est concentrée à Dakar. Aussi, il y a, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice, seulement 546 magistrats. Soit largement en deçà des ratios exigés sur le plan international.

Sur un autre registre, en ce contexte marqué par le débat sur le contenu local, Mame Adama Guèye prévient sur l’impérativité pour le secteur privé national de se remettre à niveau. ‘’Nous sommes, dit-il, dans un monde très concurrentiel. La réputation est fondamentale et les grandes entreprises sont très jalouses de leur réputation. Pour collaborer avec elles, il faut répondre à certaines exigences.  La question de l’éthique dans le business est très importante. Il faut donc un ajustement indispensable au secteur économique local pour tirer bénéfice de cette loi sur le contenu local’’.

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CONFERENCE DEDICACE

Des raisons de créer une société pour booster le business

Samedi dernier à L’Harmattan, il a surtout été question du tout nouvel ouvrage de Cheikh Abdou Wakhab Ndiaye sur le ‘’droit des sociétés de capitaux’’.

Dans un pays où l’activité économique est essentiellement dominée par le secteur informel, le professeur Abdou Wakhab Ndiaye donne plusieurs raisons de se formaliser. ‘’Investir, souligne-t-il, c’est prendre un risque. Le monde des affaires est moulé dans le risque. Cependant, l’art d’être tantôt prudent, tantôt audacieux étant l’art de réussir, l’investisseur doit trouver des soupapes de sécurité. En contribuant à la constitution d’une société, il investit un peu de ce qu’il a, mais surtout préserve son avoir’’. C’est aussi, selon lui, un moyen d’accéder plus facilement aux financements, obstacle majeur au développement des entreprises dans les pays membres de l’Ohada.

A en croire l’auteur, au Sénégal, 49,2 % des sociétés identifient ce facteur comme un obstacle majeur de blocage.

En sus de montrer pourquoi constituer une société, le professeur explique aux étudiants et acteurs économiques intéressés : comment constituer une société ? Comment fonctionne une société ? Comment prend fin une société ? Voilà les sujets sur lesquels se penche le professeur agrégé des facultés de droit, dans son nouvel ouvrage de 458 pages, publié aux éditions L’Harmattan. Dès la quatrième de couverture, il explique : ‘’Ce livre se veut une réponse à ces différentes interrogations. Sur le fondement des textes de loi (Ohada, Uemoa, Cocc, etc.) de la jurisprudence et de la doctrine, il est l’occasion d’une étude approfondie de ces deux formes sociales de sociétés de capitaux (société anonyme et société par actions simplifiées)’’. 

En plus du souci permanent de rappeler la règle de droit qui est essentielle, l’auteur, en vrai pédagogue, dissèque les concepts, exprime avec force ses positions sur certaines controverses doctrinales ou contrariétés jurisprudentielles… L’ouvrage est également, pour le Pr. Ndiaye, l’occasion d’aborder quelques préoccupations des praticiens, tout en dégageant quelques pistes de solution. ‘’Il est alors, lit-on dans la quatrième de couverture, une contribution dans la matérialisation de la volonté de l’Ohada d’offrir à ses membres un droit qui promeut le développement économique, un droit qui offre la possibilité aux entreprenants de réaliser leurs projets et aux gouvernants l’opportunité de bâtir des Etats prospères’’.

Par ailleurs, les intervenants ont attiré l’attention sur le manque d’audace des législateurs sénégalais et africains en général. Tout en prévenant contre tout excès d’harmonisation. Aussi, la dernière hausse unilatérale du prix de l’électricité par la Senelec a été abordée, de manière évasive, sous le prisme du droit. Pour certains, cette façon de procéder de la Senelec pose problème, dans la mesure où la société est liée à ses clients par un contrat qu’elle ne saurait modifier de façon unilatérale. Ce, d’autant plus qu’elle a le statut de société nationale de droit privé. A ce titre, considèrent certains spécialistes, elle est soumise aux règles de droit privé.

MOR AMAR

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