Publié le 19 Oct 2023 - 10:46
CONFLIT ISRAEL-HAMAS / BOMBARDEMENT DE L'HÔPITAL AL AHLI DANS LA BANDE DE GAZA

Une onde de choc qui embrase le Proche-Orient 

 

Des centaines de personnes ont été tuées dans une frappe qui a touché l'enceinte d'un hôpital de la ville de Gaza, selon le ministère de la Santé palestinien qui accuse Israël. Tsahal a, pour sa part, attribué cette frappe à l'organisation palestinienne Jihad islamique. Cet incident qui a soulevé la colère du monde arabe pourrait mettre en place un front uni des pays arabes contre Israël au Moyen-Orient. 

 

L’attaque contre l’hôpital Al Ahli de Gaza pourrait constituer un tournant dans la perception du conflit entre Tsahal et le mouvement palestinien Hamas.

En effet, si jusque-là les opinions publiques arabes étaient dans une certaine neutralité passive en lien avec les violences du Hamas sur les civils israéliens, les bombardements massifs sur la bande de Gaza ont fini par embraser la rue arabe. La présumée frappe d’Israël contre l’hôpital qui, selon le ministère de la Santé palestinien a fait plus de 500 morts avant-hier, a déclenché une série de manifestations au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Des manifestants ont tenté de prendre d’assaut les ambassades d’Israël à Amman et à Istanbul, tandis que d’autres se sont rassemblés devant l’ambassade des États-Unis à Beyrouth et au Caire. Ils ont réclamé la fin de l’opération “Glaive de fer" qui, depuis une semaine, a fait près de 3 000 tués côté Palestiniens. Les pays arabes signataires des accords Abrams de 2020 (Émirats arabes unis, Bahreïn) qui ont normalisé leurs relations avec Israël face à la pression populaire choquée par cette attaque sur l’hôpital, ont condamné l’État hébreu et parlent de crime de guerre.

La Russie et les Émirats arabes unis ont appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies mercredi après une frappe sur un hôpital à Gaza, qui a fait au moins 200 morts, selon les autorités locales.

D’après plusieurs spécialistes des questions stratégiques, le risque majeur pour Israël serait qu’un front uni du monde arabe puisse prendre corps avec le risque d’un isolement plus prononcé de l’État hébreu dans la région.

L’Union africaine a aussi condamné l'attaque contre l’hôpital qu’elle considère comme ‘’un crime de guerre’’. Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA, a indiqué : ‘’Aucun mot ne peut exprimer pleinement notre condamnation du bombardement par Israël d'un hôpital à Gaza, qui a tué des centaines de personnes.’’ Ce bombardement a entraîné des manifestations, notamment à Tunis, devant l’ambassade de France. En Mauritanie, les manifestants se sont réunis devant l’ambassade américaine, alors que les autorités ont décrété un deuil national de trois jours. Au Maroc, le groupe d’Action nationale pour la Palestine a organisé une manifestation mardi soir à Rabat. Alors que les relations avec Israël se sont normalisées depuis 2020, ce mouvement de la société civile marocaine demande ‘’la fin de tout type de normalisation’’ avec l’État hébreu.

La réaction la plus violente est venue de Téhéran qui a appelé le Conseil de sécurité et les organisations internationales d’agir de concert pour mettre fin au siège de Gaza par l’armée israélienne. Un siège qui prive les habitants de Gaza d’eau, d’électricité, de médicaments et de nourriture, des actes qualifiés de crimes de guerre dans le droit international, peut-on lire dans le communiqué signé de l’ambassade d’Iran au Sénégal.

Par ailleurs, Téhéran a exhorté les pays islamiques à suspendre leurs expéditions de pétrole vers Israël. Du côté occidental, les chancelleries semblent vouloir temporiser en se cachant derrière l’artifice d’une enquête indépendante pour situer l’origine de l’explosion. Elles ont refusé de condamner Israël, dénonçant juste un acte ignoble qui va à l’encontre des lois de la guerre.

Camouflet de la diplomatie américaine 

Cet incident marque un coup d’arrêt aux efforts diplomatiques dans la région. Le président américain Joe Biden, qui s’est rendu hier en Israël pour témoigner de son soutien indéfectible à l’État hébreu, a souscrit à la théorie israélienne imputant l’attaque de l’hôpital à un échec de lancement d’une roquette du Jihad islamique. Pour le chef d’État américain, les photos satellites fournies par Israël ainsi que les éléments du renseignement semblent disculper entièrement Tsahal.

Cette position des États-Unis qui ont déployé dans la zone deux porte-avions et mis en alerte deux mille soldats américains présents au Moyen-Orient semble avoir déplu aux nations arabes. Le Sommet de la paix prévue ce jeudi 19 octobre à Amman et qui devait réunir autour de la table le président Joe Biden (États-Unis), le maréchal Abdel Fattah Al Sissi (Égypte), le roi Abdallah II (Jordanie) et le chef de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas a été annulé hier par ces derniers.

Abdel Fattah Al-Sissi, qui subit une forte pression de la part des États-Unis pour ouvrir le point de passage de Rafah qui donne sur le Sinaï égyptien, a parlé d’une violation flagrante du droit international en qualifiant l’attaque contre l’hôpital Al Ahli. Enfonçant le clou, il soupçonne les Israéliens de vouloir procéder à un nettoyage ethnique en poussant une grande partie des Gazaouis vers l’Égypte. ‘’Tout déplacement de la population de Gaza vers l’Égypte signifiera la fin de l’État palestinien’’.

En lieu et place de ce présumé projet de déportation israélienne, il propose à l’État hébreu d’ouvrir ses points de passage vers le désert du Néguev en Israël afin de sécuriser les populations palestiniennes. Le gouvernement égyptien a juste accepté hier d’ouvrir le point de passage de Rafah pour laisser passer un convoi humanitaire vers la bande de Gaza. 

Risque d’intervention du Hezbollah et d’implosion de la Cisjordanie

Sur le front nord, à la frontière libanaise, les accrochages se multiplient entre la milice chiite soutenue par l’Iran, le Hezbollah, et l’armée israélienne. Des frappes aériennes israéliennes auraient visé des zones du Sud-Liban ce 18 octobre, près de la frontière israélienne, notamment Ayta ash Shab au Liban dans le district de Bint Jbeil, gouvernorat de Nabatieh. Tandis que le Hezbollah, à travers des tirs de canons antichars et de drones, vise les positions de Tsahal dans les zones contestées de la frontière israélienne.

Le mouvement chiite libanais a appelé à une journée de colère hier dans le monde arabe. Le Hezbollah a menacé d’intervenir en cas d’invasion terrestre dans la bande de Gaza, ce qui risque d'entraîner une escalade du conflit dans toute la région.

En effet, l’Iran, mentor du mouvement chiite, pourrait aussi entrer dans le conflit avec le risque d’une intervention américain contre l’État chiite. Le Hezbollah, qui a salué l’opération militaire ‘’Déluge d’Al Aqsa’’ qui a entraîné la mort de 1 400 Israéliens, maintient ainsi une forte pression dans le nord d’Israël.

Mais selon plusieurs experts sécuritaires, la prochaine attaque pourrait provenir du Golan où des groupes armés proches de l’Iran pourraient tenter de prendre à revers les positions de Tsahal dans le nord d’Israël. Des groupes de miliciens chiites irakiens seraient déployés en ce moment en Syrie, faisant peser une menace grandissante sur les villes du nord d'Israël. Une menace sur plusieurs fronts pourrait être problématique pour Israël qui doit disperser ses troupes sur tout le territoire. 

La Cisjordanie, qui a été bouclée par les forces de sécurité, risque aussi d’imploser, si l’armée israélienne venait à entrer dans Gaza. Le risque d’escalade pourrait conduire à un conflit larvé sur plusieurs mois avec le risque d’embrasement au Moyen-Orient.

Amadou Fall

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