Publié le 20 Mar 2019 - 21:01
CONTROVERSE AUTOUR DE L’ORGANISATION DU CONGRES

Le Sytjust tout droit vers une scission

 

Devant le refus catégorique du Bureau exécutif national, dont le mandat est arrivé à expiration depuis deux ans, de procéder aux renouvellements, d’autres membres du Syndicat des travailleurs de la justice veulent convoquer le congrès le 6 avril prochain à Thiès. Ainsi, le Sytjust file tout droit vers une scission programmée.

 

Les démons de la division frappent à la porte du Syndicat des travailleurs de la justice. Si les différents protagonistes en litige campent dans leurs postures actuelles, le Sytjust file tout droit vers une scission. Alors que l’actuel Bureau exécutif national rechigne à convoquer le congrès de renouvellement de ses instances dont le mandat est arrivé à échéance depuis plus de deux ans, d’autres membres sonnent la rébellion. ‘’Notant amèrement que le Ben du Sytjust continue toujours à œuvrer exagérément au nom de ses membres, sans revenir à la base et sans encore parvenir à trouver une date de congrès presque deux ans après, jour pour jour, l’expiration de son mandat alors qu’un combat, si légitime soit-il, doit s’inscrire dans la légalité, particulièrement pour des acteurs de la justice garants du respect des droits et libertés, constate le terme du mandat du Ben le 30 mars 2017 ; somme le Ben à surseoir à toutes ses activités syndicales’’, décrètent-ils dans une déclaration rendue publique hier.

Constatant, dans la même foulée, que malgré la caducité de son mandat et son manque total de légitimité, le Ben continue de poser des actes unilatéraux et attentatoires aux intérêts matériels et moraux des travailleurs de la justice, ils convoquent tous les travailleurs de la justice au congrès extraordinaire qui se tiendra le 6 avril 2019 à Thiès. Ils ont, à cet effet, mis en place un comité d’organisation préparatoire dudit congrès. C’est du moins ce qu’ils annoncent dans une déclaration rendue publique hier et dont copie a été envoyée à ‘’EnQuête’’. Pour ces ‘’dissidents’’, rien ne peut aujourd’hui justifier le refus du Ben de convoquer le congrès depuis deux ans.

‘’Ils sont de mauvaise foi, c’est pourquoi ils ne veulent pas tenir le congrès. Nous sommes des acteurs de la justice et rien ne justifie le maintien de l’illégalité’’, fulmine Me Abdoulaye Mboup, lorsque contacté hier par ‘’EnQuête’’. Selon notre interlocuteur, le Sytjust doit donner l’exemple pour le respect de la légalité. ‘’Quelles que puissent être ses motivations, il n’y a pas un motif valable pour ne pas organiser un congrès. Cela fait plus de deux ans que son mandat a expiré. Il mène des actions illégales au nom et pour le compte des travailleurs de la justice ; il prend des décisions sectaires taillées sur mesure qui nous portent atteinte. Compte tenu de tout cela, nous avons décidé d’organiser un congrès extraordinaire, convoquer tous les travailleurs de la justice pour renouveler nos instances’’, soutient-il.

 

‘’Ce soi-disant congrès ne se tiendra pas à Thiès’’

 

Seulement, prévient la cellule du Sytjust de Thiès qui s’est fendue d’un communiqué peu de temps après la sortie de Me Abdoulaye Mboup, ce congrès n’aura pas lieu dans la capitale du Rail. ‘’La cellule du Sytjust de Thiès dénonce avec la dernière énergie cette attitude irresponsable entreprise par une frange du syndicat qui ne se prévaut d'aucune légitimité. Elle tient à préciser que ce soi-disant congrès ne se tiendra pas à Thiès et que toutes les dispositions nécessaires seront prises pour faire face à cette farce’’, écrit dans la note Me Amadou Ba, responsable de la cellule locale du Sytjust de Thiès.

Pour sa part, le secrétaire général du Sytjust, contacté lui aussi par ‘’EnQuête’’ hier, rétorque que les règles du Sytjust ne sont ni constitutionnelles, ni législatives, ni réglementaires. ‘’Ces camarades indélicats ou plutôt ces agitateurs sont des pseudo-juristes. Les règles du Sytjust sont des règles de bon fonctionnement d’une organisation privée. Le fait de ne pas les respecter par état de nécessité ne doit pas pousser certains à poser des actes allant dans le sens de mettre en péril tout ce que nous avons acquis. En réalité, nous sommes dans un état de nécessité. On était en plein combat et l’intelligence voudrait qu’on mène le combat jusqu’au bout et après faire l’état des lieux’’, défend-il.

Selon Aya Boun Malick Diop, les personnes qui posent cette revendication ne sont pas en réalité les plus indiquées. ‘’Primo, ils ne disent pas la vérité. Secundo, ces gens qui s’agitent n’ont pas droit à la parole, pour la simple raison qu’ils ne sont pas membres de droit du Sytjust. Parce que, pour être membre de droit du Sytjust, il faut acheter une carte de membre et s’acquitter mensuellement et régulièrement de la contribution syndicale qu’on appelle Check off. Beaucoup d’entre eux sont des greffiers qui viennent tout juste de sortir de l’école et qui ne comprennent pas encore leur métier’’, charge-t-il. Soulignant ainsi que ce qui est plus paradoxal, c’est qu’ils sont en train de s’agiter au moment où le syndicat vient de faire des conquêtes historiques qu’on n’a jamais vues dans la Fonction publique.

‘’Cela veut dire qu’ils sont animés par d’autres raisons. On ne peut pas tout juste sortir d’un combat que l’opinion publique a suivi et tout juste on nous demande de tenir un congrès’’, déclare-t-il. Mais il est vite recadré par Me Mboup. Qui précise qu’ils ne sont aucunement dans une dynamique de scission. ‘’On ne souhaite vraiment pas qu’il y ait une scission. Mais en 2014, lorsqu’Aya arrivait à la tête du Sytjust, j’étais là à combattre avec lui pour les mêmes principes, parce qu’il y avait un autre bureau qui était là et qui avait dépassé son mandat de 6 mois. En 2019, si on se permet de revivre les mêmes combats et même pire, je pense qu’il y a problème. Il faut vraiment qu’on change de fusil d’épaule, parce que le greffe ne mérite pas cela’’, soutient-il.

‘’Politiciens encagoulés’’

Revenant à la charge, Aya Boun Malick Diop estime que ses camarades sont simplement de mauvaise foi. ‘’Ces jeunes-là sont des politiciens encagoulés. Deux ans, ça ne fait pas beaucoup. Le Sytjust n’est pas le seul syndicat qui a le monopole de dépasser son mandat. Vous avez suivi les séries de grèves que nous avons menées’’, tente-t-il d’expliquer. Avant de préciser qu’aucun autre organe que celui délégué par le Ben n’a aujourd’hui les prérogatives de convoquer le congrès. ‘’Nous sommes un syndicat, nous avons une instance qui s’appelle la Commission administrative qui doit être convoquée par le Ben pour fixer les contours d’un congrès, notamment la date et le contenu du congrès. Aujourd’hui, ce n’est pas l’agitation de quelques farceurs qui vont pousser le Ben à changer l’agenda du Sytjust’’, souligne-t-il.

Pour lui, on ne peut pas reprocher à un Ben qui vient de faire des conquêtes, des acquis ‘’extraordinaires’’ de prendre le temps d’organiser un congrès à la dimension du Sytjust. Car ‘’le Sytjust est devenu un grand syndicat et, aujourd’hui, on voudrait faire un congrès de la reconnaissance auquel seront invitées toutes les autorités de ce pays, pour au moins marquer la dimension de ce syndicat’’.

D’ailleurs, note-t-il,  depuis que le Sytjust a été créé, l’autorité de tutelle n’est jamais venue à l’ouverture de ses congrès. Cela montre, selon lui, un manque de considération contre lequel ils se sont battus pendant des années.

ASSANE MBAYE

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