Publié le 18 Nov 2019 - 17:07

De la délinquance politique aux défis sécuritaires

 

L’inauguration de la brigade de gendarmerie de Thiadiaye, ces jours derniers, a donné aux autorités gouvernementales, l’occasion de présenter leur approche des questions sécuritaires dans notre pays. C’est ainsi que le ministre des Forces Armées a appelé les populations,  dont la contribution à l’effort de renseignement lui semble primordiale, au partenariat et à la collaboration, dans la maîtrise de nouveaux défis sécuritaires.

Une élite habituée aux crimes économiques
 
Dans ce contexte ainsi campé, la toute récente affaire de trafic de fausse monnaie fait désordre, surtout venant de la part d’un éminent représentant du peuple, connu pour sa fidélité sans faille au Président de la République.

Pour notre part, notre conviction est faite depuis longtemps, que les crimes économiques font partie intégrante du mode de reproduction de la bourgeoisie bureaucratique qui, depuis l’accession de notre pays à l’indépendance formelle, n’a cessé de piller nos ressources nationales et de les brader à ses mentors occidentaux. Mais jusque-là, il s’était, le plus souvent agi, de corruption, de détournements de deniers publics comme en témoignent les multiples scandales, qui ont rythmé la vie de notre Nation, depuis l’ONCAD du temps de Senghor jusqu’à la toute récente affaire Pétrotim, en passant par les contrats de pêche du parti ”socialiste” et l’ANOCI de l’ex-prince héritier sopiste.

Mais force est de constater que nous assistons, de plus en plus, à un glissement de notre élite politique, de la criminalité à col blanc, qui est le fait de personnes ”respectables” dans le cadre de leurs fonctions à celle plus vulgaire, crapuleuse, plutôt rattachée aux voyous et gangsters, qui semblent avoir infiltré l’appareil d’État. Nous n’en voulons pour preuve, que cette avalanche de saisies importantes de drogues, abstraction faite de la criminalité organisée, des trafics en tous genres, qui amène de plus en plus de sénégalais à se demander si notre pays n’est pas en train de devenir un narco-État.

Qu’on le veuille ou non, en lieu et place de l’émergence économique tant chantée, nous sommes plutôt témoins d’une émergence, tous azimuts, d’une criminalité diversifiée.

Petit à petit les réseaux, gravitant autour du pouvoir se dévoilent. L’affaire Petrotim a mis à jour les opérations troubles d’une maffia du pétrole, en gestation. Un honorable député, président du parlement de la CEDEAO, ne cesse de nous promettre de sulfureuses révélations sur l’implication de personnalités publiques dans le trafic de drogue. Et maintenant, c’est au tour des faux monnayeurs d’entrer dans la danse. Tous ces coquins se trouvent être des copains, proches du pouvoir et ardents défenseurs du Président de l’APR, auquel, ils ne peuvent évidemment que souhaiter une présidence à vie, garante d’une impunité perpétuelle.

Des institutions progressivement fragilisées
 
Car il faut dire, que depuis 2012, le système judiciaire de notre pays a fait montre d’une partialité incontestable, au détriment des opposants politiques, au moment où les dignitaires du régime sont épargnés, quels que puissent être les délits commis. C’est ainsi que même ceux d’entre eux, épinglés par les institutions de contrôle (IGE, OFNAC...) pour mauvaise gestion, ne sont pas inquiétés le moins du monde.

Le dernier exemple d’impunité caractérisée en faveur des amis politiques du Président est cette affaire des 94 milliards, dans laquelle une commission d’enquête parlementaire a prétendument innocenté l’ancien directeur des Domaines.

Les dysfonctionnements de notre Justice ont  été confirmés par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, qui est un groupe de 18 experts chargé de surveiller la mise œuvre, par les États, du Pacte international sur les droits civils et politiques. 

Cette structure ainsi que la Cour de Justice de la CEDEAO, estime que les procès de Karim Wade et de Khalifa Sall n’ont pas été équitables et qu’ils auraient même été arbitrairement écartés des dernières présidentielles.

La floraison d’activités criminelles semble donc être une conséquence logique de l’impunité, de la mal-gouvernance et du laxisme gouvernemental, qui fragilisent nos États et les rendent très vulnérables face aux narcotrafiquants, comme le prouve éloquemment le cas de la Guinée-Bissau. On note également des similitudes de la situation actuelle de notre pays avec celle du Mali à l’époque d’Amadou Toumani Touré, dirigé par une méga-coalition adepte de l’unanimisme grégaire, dont certaines composantes,  alliées fidèles du Président, contrôlaient l’économie de la cocaïne au Nord.

Il devient de plus en plus évident que c’est la complicité de forces obscures, liées à des activités criminelles et disposant de ressources colossales, qui facilite la tâche au pouvoir actuel, dans son entreprise diabolique de destruction progressive de tous les ressorts démocratiques de notre Nation.

L’objectif inavoué d’une telle démarche est d’installer, dans notre pays, une autocratie électorale, totalement soumise aux intérêts étrangers, avec des risques d’extension du danger sécuritaire présent dans la zone sahélienne, à notre pays.

NIOXOR TINE

leelamine@nioxor.com

 

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