Publié le 22 Feb 2020 - 22:14
DEFICIT PERSONNEL, DETTE, RUPTURE MEDICAMENTS, RECRUTEMENT POLITIQUE

Secteur santé, le patient sénégalais

 

Déficit de personnels qualifiés, des hôpitaux qui croulent sous le poids de la dette, des recrutements et affectations à coloration politique, une PNA incapable de fournir du coton à certaines structures. Le Cadre unitaire des syndicats de la santé pour la justice sociale (CUSS/JS) n’en peut plus de cette situation. Ces syndicalistes annoncent une grève de 48 heures, à partir du 25 février, sur l’ensemble du territoire national.  

 

Le Cadre unitaire des syndicats de la santé pour la justice sociale (CUSS/JS) compte décréter une grève de 48 heures, à partir du 25 février, sur l’ensemble du territoire national, avec le respect du service minimum. Ainsi, tous les programmes opératoires, en dehors des urgences, seront mis aux arrêts. Des services tels que la dialyse, l’analyse médicale, la radiologie, la rééducation fonctionnelle, l’enseignement, les vaccinations, les consultations générales et les consultations prénatales seront toutes fermées.

Les syndicalistes dénoncent, à travers ce mot d’ordre, l’absence de volonté du gouvernement à régler le problème des travailleurs du secteur. Ils ont tenu, hier, une conférence de presse.

Cette décision de bouder les salles, pour 48 heures, a été prise, suite à l’échec des négociations entamées avec les autorités politiques. En effet, ces personnels du secteur sanitaire avaient rencontré leur ministère de tutelle, à travers une réunion présidée par le directeur de cabinet dudit ministère, le 5 février dernier. Les discussions avaient été alors fructueuses et ils se sont donné rendez-vous le 18 courant pour tout finaliser.

Seulement, indiquent-ils, à cette date, le DHR de leur ministère de tutelle chargé de diriger cette deuxième rencontre, a changé, au dernier moment, l’ordre du jour, pour ne discuter que de la question du reclassement des techniciens supérieurs. Une décision irrespectueuse, aux yeux des syndicalistes qui ont tout simplement décidé de prolonger leur deuxième plan d’action, en décrétant 48 heures de cessation de service.

‘’La rencontre du 5 février avec le directeur de cabinet du ministère de la Santé avait suscité des lueurs d’espoir. Après une année sans discussion, le ministère nous avait conviés à une rencontre pour discuter de l’ensemble des points de la plateforme revendicative. Des directives avaient été données pour une seconde rencontre avec la présence des représentants des ministères des Finances, de la Fonction publique, des Collectivités territoriales et de l’Urbanisme. A notre grande surprise, durant cette rencontre, ceux qui avaient mis en place le dispositif de suivi étaient tous absents. On avait l’impression qu’ils voulaient tout remettre en cause’’, s’indigne Dr Cheikh Seck, SG du Cadre unitaire des syndicats de la santé pour la justice sociale (CUSS/JS).

Il ajoute : ‘’Ce qui est plus grave dans cette affaire est que, sous la houlette du directeur des Ressources humaines du ministère de la Santé, on a changé complètement l’ordre du jour de la réunion, en ne voulant discuter que sur un seul point, à savoir le reclassement des techniciens supérieurs. Pire, nous avons constaté qu’il n’y avait pas d’harmonisation, parce que même les techniciens du ministère des Finances avaient reçu une convocation dans laquelle il y avait six autres points inscrits à l’ordre du jour. Ce qui montre qu’ils n’avaient aucun respect à notre endroit.’’

Les points saillants des revendications

Ces travailleurs de la santé réclament des solutions pour le reclassement des infirmiers, sages-femmes et techniciens supérieurs dans la Fonction publique. A les en croire, cette question est d’autant plus urgente que les pays limitrophes l’ont déjà réglée, depuis plus de 10 ans, et que seul le Sénégal traine les pieds. La situation précaire des hôpitaux et le déficit de subvention préoccupent aussi les syndicalistes. ‘’La subvention qu’on donne aux structures hospitalières est trop faible. En plus, les politiques de gratuité et les charges qu’on augmente font que les hôpitaux sont en train de crouler sous le poids de la dette. C’est pourquoi nous demandons une augmentation substantielle des subventions annuelles au niveau des hôpitaux, avec une bonne orientation budgétaire’’, réclame Dr Seck.

Il déplore, en même temps, le déficit de personnels qualifiés dans les structures sanitaires.  

Et pire, souligne-t-il, il y a une réduction des quotas de recrutement d’élèves infirmiers à l’Ecole nationale de développement sanitaire et social (ENDSS) et une suspension, depuis deux ans, du recrutement pour la formation des anesthésistes-réanimateurs, des biologistes et des ophtalmologues. ‘’On ne peut pas vouloir la couverture maladie universelle et ouvrir le concours de l’ENDSS pour ne recruter que 5 infirmiers d’Etat en formation. Du côté des anesthésistes-réanimateurs, des biologistes et des ophtalmos, depuis deux ans, on n’a pas ouvert de concours, alors qu’on a un déficit énorme.  Et ce sont ces personnes qui définissent les quotas qui viennent, ensuite, avec leurs enfants, pour envahir nos structures sanitaires’’, regrette le syndicaliste.

Il y a également l’insuffisance de médecins spécialistes dans les zones enclavées du pays, au moment où, indique Dr Seck, l’écrasante majorité des bénéficiaires des bourses de formation de spécialistes à la faculté de Médecine de Dakar ne sont pas sénégalais.

Les syndicalistes dénoncent également ‘’un traitement discriminatoire des agents de la Fonction publique. ‘’Les gens du secteur de la santé font plus de 10 ans sans être intégrés dans la Fonction publique, alors qu’ils ne font même pas le dixième des enseignants. Si l’Etat est parvenu à régulariser les contractuels du secteur de l’éducation, un secteur aussi sensible que la santé devrait réellement en bénéficier. Mais cela ne les arrange pas. Ils préfèrent être dans ces situations pour capter des fonds par l’utilisation abusive des contrats Jica et Cobra. Mais on n’accepte plus, aujourd’hui, qu’on nous utilise pour mendier, et après, cet argent ne revient ni à la population ni aux structures sanitaires’’, martèle-t-il.

Un recrutement politique

Outre la situation précaire des structures sanitaires et des agents, les syndicalistes ont déploré avec vigueur la politique de recrutement clientéliste. ‘’Malheureusement, tout est politique et politique politicienne. Au moment où beaucoup de cadres médecins, de sages-femmes et d’infirmiers d’Etat sont au chômage, on préfère recruter des membres de sa propre famille pour les amener dans les structures de santé, augmentant, du coup, les charges. La plupart de nos hôpitaux sont pilotés à partir du niveau central par un réseau qui a fini de mettre à genoux certaines structures sanitaires’’, regrette le syndicaliste pour qui cette situation est en train de polluer le système sanitaire.

Selon Dr Cheikh Seck, la situation de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (PNA) en est une parfaite illustration. ‘’Nous dénonçons l’affectation par clientélisme politique qui augmente les charges des structures hospitalières. On va même jusqu’à tripatouiller les textes qui régissent la réforme hospitalière, pour pouvoir bénéficier des avantages qu’apportent ces modifications. Cette situation a des conséquences extrêmement graves et a fait que la PNA croule, aujourd’hui, sous une dette de 13 milliards’’, indique-t-il. Avant d’ajouter : ‘’L’autre jour, j’ai eu un message d’un responsable de structure sanitaire qui m’a dit que, dans sa commande, à une certaine période, il n’y avait même pas de coton à la PNA. C’est extrêmement grave. La PNA est une structure qui ne devrait pas avoir des problèmes jusqu’à ce qu’elle ne parvienne même pas à donner du coton aux structures de santé.’’

ABBA BA

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