Publié le 21 May 2025 - 12:06
SOLAR BAKERY

Une grosse désillusion

 

Après avoir mobilisé des millions d'euros pour un projet de boulangeries solaires à fort impact social au Sénégal, l'entreprise allemande Solar Baker est au bord de l'implosion. 

 

Construire plus de 30 boulangeries solaires dans différentes localités du Sénégal. C'était, au début, l'ambition de l'entreprise allemande Solar Bakery. Les promoteurs avaient mis en avant l'aspect social pour mieux charmer les investisseurs qui ont fait montre d'un grand engouement pour ce projet d'entrepreneuriat social. Pour démarrer, une levée de fonds a été lancée sur un site de Fund Raising allemand et les réactions avaient largement dépassé les attentes. Près de 1,200 million d'euros a été mobilisé, alors que les besoins exprimés étaient estimés à seulement 250 000 euros destinés uniquement au financement de la boulangerie pilote qui devait être implantée à Gossas, dans la région de Fatick, à environ 180 km de Dakar, soit un taux de couverture de plus de 1000 %.

Par la suite, les promoteurs ont revu à la hausse leurs ambitions en portant le programme à 50 boulangeries solaires, à raison de 250 000 l'unité.

En attendant la mise en place de ce Solar Bakery de Gossas, un centre de formation a été implanté à Mballing, dans le département de Mbour, dans l'optique de former les agents qui doivent travailler sur toute la chaine. Un centre qui allie à la fois formation et pratique, et qui a commencé à fonctionner depuis le mois de septembre 2024.

Depuis quelques semaines, la construction de celui de Gossas a été terminée, selon nos sources, mais le centre n'a pu être ouvert à cause de certains problèmes de gouvernance.

En effet, la personne qui pilotait jusque-là l'affaire, un certain M. Tounkara, a été débarquée dans des conditions peu orthodoxes, selon des travailleurs avec qui nous avons discuté. “On l'a informé de son licenciement le 15 avril et ça devait prendre effet à partir du 30 avril. Trois jours après son départ, la boulangerie a été fermée, envoyant une vingtaine de travailleurs au chômage technique. Je pense que tout ça, c'est un plan ourdi pour saboter l'exploitation, je ne sais à quelles fins”, fulmine un de nos interlocuteurs. 

En fait, le 3 mai dernier, le nouveau directeur administratif et financier de Solar Bakery Sénégal s'est présenté dans les locaux de la boulangerie, pour payer les salaires. Seulement, cette fois, c'est avec des états dans lesquels il est mentionné que les travailleurs sont des prestataires, des agents qui, pour certains, travaillent dans l'entreprise depuis plus d'un an, sans aucun type de contrat. Constatant le terme ‘’prestataire’’ mentionné par le Daf qui vient d'être nommé, certains travailleurs refusent de signer, car pour eux ils sont des salariés et non des prestataires. Des altercations s'en sont suivies et la boulangerie a fermé ses portes depuis lors.

Pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme des “violations graves” du Code du travail, un groupe de travailleurs a saisi l'inspection du travail et en même temps le tribunal du travail pour “abus de confiance, travail dissimulé, tentative de requalification frauduleuse de contrat et entrave à l'accès au lieu de travail”, contre l'un des cogérants allemands et le Daf qui est sénégalais. 

Du côté du top management, on essaie plutôt d'orienter les accusations vers Mamadou Tounkara, qui était le directeur général adjoint de Solar Bakery et qui pilotait sur place le projet. Selon des sources proches du dossier, le directeur administratif et financier a évoqué des investissements de deux millions d'euros dans ce projet, sans atteindre les résultats escomptés. Ce qui serait, selon lui, à l'origine de tout ce remue-ménage. Des accusations rejetées en bloc par certains travailleurs.

Interpellé, le responsable des opérations, M. Cissokho, apporte des précisions : “Après avoir parlé de deux millions devant les travailleurs, ils sont revenus pour présenter des relevés bancaires qui font état de 150 millions de francs CFA globalement.” 

Mais pour Cissokho qui était aussi comptable de l'entreprise, ces accusations sont sans fondement. “C'est juste que, qui veut se débarrasser de son chien l'accuse de rage. Ils savent bien comment cet argent a été dépensé et toutes les preuves sont disponibles. Il s'agit de dépenses relatives à l'acquisition des machines, les travaux de la boulangerie de Gossas, les containers qu'on a achetés, le paiement des salaires depuis novembre 2024...”, se défend le responsable des opérations qui dénonce un dévoiement de l'objet initial du projet. 

Nous appelons les autorités sénégalaises à veiller au respect de la législation et les autorités allemandes à diligenter un audit sur l'utilisation des fonds participatifs qui ont été mis à la disposition, la conformité aux engagements qui ont été pris auprès notamment des investisseurs”, a-t-il poursuivi. 

Pour les travailleurs, c'est une grosse désillusion qui arrive au pire moment, alors que la boulangerie commençait à prendre son envol. “Nous étions devenus autonomes. La boulangerie de Mballing qui fonctionne arrive à se prendre en charge toute seule et à faire des bénéfices. Rien que pour le mois d'avril, nous avons eu des entrées de l'ordre de plus de six millions de francs CFA”, a souligné le responsable des opérations. Raison pour laquelle les travailleurs ont initié une série de procédures aussi bien devant le juge pénal que devant le tribunal du travail. 

Il faut noter que cette affaire est loin de révéler tous ses secrets, car les investisseurs allemands cités sont aussi mêlés à d'autres entreprises plus importantes qui mènent d'autres projets de plus grande envergure au Sénégal et dans d'autres pays de la sous-région comme le Mali. L'un d'eux est d'ailleurs sous le feu des projecteurs des médias allemands depuis quelques jours, pour différents scandales.

Pour rappel, le projet des boulangeries solaires vise à réduire la pauvreté, promouvoir l’égalité hommes-femmes, utiliser une énergie propre et abordable, offrir des emplois décents et contribuer à la croissance sociale tout en respectant la protection du climat. 

 

Les griefs des travailleurs 

Absence de contrats pour le personnel local, non-affiliation à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal  (Ipres) et à la Caisse de sécurité sociale (CSS), rétention de salaires, intimidation, agression physique et usage de nervis… Voilà, entre autres, les griefs que le personnel reproche à la direction devant le tribunal du travail. Les parties ont été hier à l'inspection régionale du travail pour médiation. Les négociations se sont soldées par un échec et les parties vont se retrouver devant le tribunal pour régler leur différend. Selon des sources qui ont pris part à cette confrontation, aucun accord n'a pu être trouvé et l'inspecteur l'a constaté sur procès-verbal de non-conciliation.

Lors de cette rencontre, les travailleurs sont revenus sur leurs revendications,  à savoir : des contrats de travail en bonne et due forme ; l'inscription à la Caisse de sécurité sociale et à I'IPM, les indemnités diverses, le primes de transport, entre autres. 

Pour se dédouaner, la direction de l'entreprise a argué que les plaignants étaient en réalité liés à un prestataire et n'étaient pas des salariés de l'entreprise. “Il n'existe pas une relation de travail entre l'entreprise et ces travailleurs”, a défendu le représentant de la direction.

La prochaine manche se jouera devant le tribunal du travail qui va statuer sur ce litige. 

 

MOR AMAR 

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