Publié le 7 Aug 2020 - 21:48
DESERTION DES HOPITAUX

Les malades reprennent le chemin des hôpitaux

 

Après la psychose des premières semaines de la pandémie, les malades chroniques, avec la levée des restrictions liées à l’état d’urgence, ont repris le chemin des hôpitaux. Mais le tribut risque d’être lourd pour certains patients, surtout les cancéreux.

 

L’affluence reprend. Les hôpitaux débordent. Hier, à l’hôpital Aristide Le Dantec, c’était le rush. D’après les patients rencontrés, il en est ainsi depuis le mois de juillet. Nous sommes loin des premières semaines de la pandémie, quand les directeurs d’hôpitaux pleuraient une baisse drastique des recettes, faute de patients.

Chez les cancéreux, c’est la croix et la bannière pour décrocher un rendez-vous. ‘’Il faut attendre 3 à 4 mois’’, renseigne cet accompagnant, rencontré juste à la sortie de l’hôpital. Son dernier rendez-vous, relève-t-il, remonte au mois d’avril. ‘’Je suis venu avec ma mère. Nous, nous n’avons jamais déserté l’hôpital. On a toujours honoré les rendez-vous. La dernière fois, il y avait moins de monde. Mais actuellement, j’ai constaté qu’il y a, à nouveau, de l’affluence dans presque tous les services’’.

A l’intérieur, sur l’aile est de cette mythique structure hospitalière, se trouve l’Unité de cardiologie interventionnelle. Ici, il règne un calme de cimetière. Malgré l’anxiété ambiante, les patients gardent leur sérénité. Chemise blanche sur un pantalon noir, Mouhamed raconte sa chance : ‘’J’ai pu avoir un rendez-vous grâce à ma sœur qui a des connaissances dans le service. Sans cela, on m’avait dit qu’il fallait attendre des jours pour voir un médecin. Là, j’attends ma mère qui est à l’intérieur. Nous sommes là depuis 9 h.’’

L’horloge affiche 14 h passées de quelques minutes. Henriette, la trentaine, teint noir, vient de sortir de son face-à-face avec le médecin. Hospitalisée à quelques jours de la Tabaski, elle est revenue pour honorer un rendez-vous. Elle témoigne : ‘’Je suis venue depuis ce matin. Il y avait du monde. Je me sens beaucoup mieux maintenant. Avant la Tabaski, j’ai beaucoup souffert. J’ai même été hospitalisée. Mais il y a ici un personnel très compétent qui s’est bien occupé de moi. Maintenant, ça va beaucoup mieux.’’

Derrière, elle laisse une vingtaine de personnes. Pendant que les uns attendent leurs malades, les autres guettent impatiemment leur tour pour se faire consulter. Dehors, le ballet des visiteurs et des ambulances se poursuit. A quelques mètres du bâtiment estampillé ‘’Néphrologie, dialyse et transplantation rénale’’, un véhicule médicalisé vient de se garer. Deux hommes en combinaison, lunettes et gants bien en place, font sortir avec minutie de l’ambulance une malade. Tout porte à croire qu’il s’agit d’une personne atteinte de Covid-19. La bonne dame, la cinquantaine révolue, a l’air stoïque sur sa chaise roulante. La scène se déroule sous le regard inquisiteur des visiteurs.

En face, sous un grand arbre, sont massés quelques visiteurs. Amadou Diallo attend son épouse qui vient tout juste d’accoucher. A l’instar d’Henriette, il n’a pas du tout constaté une baisse de l’affluence. Bien au contraire. ‘’En tout cas, à la maternité, tout se passe normalement. Je constate aussi qu’il y a du monde dans les autres services. Aussi, le corps médical s’occupe bien des patients. Vraiment, on ne sent pas trop de différence’’, souligne le résident du village lébou de Ouakam.

Les cancéreux paient le lourd tribut

Juste à côté, c’est le service Néphrologie. Assis tranquillement sur les bancs, à l’intérieur de ce qui fait office de salle d’attente, Amadou Ba attend les résultats de ses analyses. Agé d’une quarantaine d’années, vêtu d’une chemise à rayures assortie d’un pantalon sombre, il revient sur sa dure journée. ‘’Je suis arrivé ici vers les coups de 8 h. J’ai déjà effectué mes analyses. Là, j’attends les résultats. C’est vrai que l’attente est longue, mais je pense que j’en ai plus pour longtemps. Les rendez-vous, parfois c’est deux mois, parfois trois’’. En ces temps de pandémie, lui ne voit pas de difficultés particulières. ‘’C'est vrai qu’à un moment, il y a eu des réticences. Les gens avaient peur. Aussi, les déplacements étaient difficiles. Mais les gens reviennent. Peut-être qu’ils ont compris que leur maladie est bien plus grave que le coronavirus’’, dit-il souriant. Avant d’enchainer : ‘’Si on ne vient pas, notre état empire. Il n’y a donc pas de raison de ne pas honorer les rendez-vous. La prise en charge se passe bien dans l’ensemble. On n’a pas de problème particulier.’’

A l’hôpital Abass Ndao, le constat est identique. A en croire le docteur Arona Diop, les activités ont repris leur cours normal. ‘’Aux premières heures de la pandémie, l’hôpital avait pris la décision de suspendre les consultations dans certains services comme l’ophtalmo. Parce qu’on ne maitrisait pas tous les paramètres. Mais après quelque temps, nous avons décidé de lever ces mesures. Après la levée, certains malades eux-mêmes évitaient de fréquenter l’hôpital. Je sais que la comptabilité avait déploré une chute vertigineuse des recettes. Mais là, les choses reviennent, peu à peu, à la normale’’.

Cela dit, ces semaines, voire ces mois restés sans prendre en charge les malades chroniques n’ont pas été sans dégâts. Surtout chez les cancéreux où les conséquences peuvent être dévastatrices. Par exemple, une source médicale est revenue sur le cas de cette patiente qui vient d’un pays de la sous-région. ‘’Elle avait fini sa chimiothérapie au mois d’avril. Normalement, elle devait être opérée au mois de mai. Avec la fermeture des frontières, elle ne pouvait venir. En quatre mois, sa tumeur s’est développée. Et là, les médecins sont obligés de lui couper son sein’’.

Au service Urologie de l’hôpital Le Dantec, le chef de service confie qu’il y a une affluence quasi normale. ‘’On a à peu près le même nombre de malades qu’avant. Maintenant, il faut gérer les files d’attente pour la chirurgie, parce que pendant longtemps, les gens ne venaient pas. Ce qui fait qu’on se retrouve avec de longues files d’attente’’.

Pour ce qui est des effets secondaires, il estime qu’ils sont pour l’essentiel bénins. ‘’Il faut savoir que l’attente n’est jamais bonne pour une maladie chronique, surtout pour une maladie aiguë. Mais les risques sont surtout chez les personnes atteintes de cancer. Pour les diabétiques et chez nous, on a des effets secondaires mineurs comme les infections, par exemple’’, renseigne le Dr Ndoye.

MOR AMAR

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