Publié le 10 Nov 2012 - 09:42
EFFICACITÉ ET EFFICIENCE DE L’ACTION GOUVERNEMENTALE

Un réaménagement y suffit-il ? (Suite & fin)

 

Il ne serait pas superflu de s’appesantir sur l’Instruction n ° 16 P.R. du 1er mars 1968, relative aux cabinets ministériels. Elle distinguait les conseillers techniques du cabinet du ministre et les conseillers techniques du ministère, et précisait les conditions de choix des membres des cabinets. Ces derniers devaient jouir de leurs droits civiques et politiques, être d’une honorabilité incontestable et posséder les compétences et la formation requises pour collaborer au plus haut niveau à la fonction ministérielle. Dans cette perspective, les directeurs et conseillers techniques devaient être titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur (ou d’un diplôme d’ingénieur), ou appartenir à la hiérarchie A de la Fonction publique. Et le Président Senghor de préciser alors qu’il n’accepterait aucune dérogation à cette règle, dont l’application était soumise au contrôle strict du Secrétariat général de la Présidence de la République.

 

L’instruction définissait également les conditions matérielles des membres de cabinets et précisait nettement que ceux d’entre eux qui n’appartenaient pas à la Fonction publique percevaient, conformément à la loi en vigueur, une rémunération correspondant à leur qualification professionnelle, selon les règles appliquées au recrutement d’agents contractuels ou décisionnaires. Leur décision ou contrat d’engagement à titre précaire et révocable, comportait obligatoirement la clause suivante : «Le présent contrat – ou la présente décision d’engagement – prendra automatiquement fin au plus tard en même temps que cesseront les fonctions du Ministre auquel M. X… apporte sa collaboration».

Le président Senghor voulait éviter ainsi l’utilisation des cabinets ministériels comme voie clandestine d’accès à l’Administration. L’instruction précisait ainsi que «lorsque cessent les fonctions d’un Ministre, ceux de ses collaborateurs personnels qu’il avait cru devoir recruter hors de l’administration, cessent de plein droit d’appartenir à celle-ci à quelque titre que ce soit».

 

On n’intégrait donc pas facilement notre Fonction publique, qui était l’une des meilleures d’Afrique. Elle n’était surtout pas infestée d’individus venus de nulle part, comme c’est le cas aujourd’hui. Il était également hors de question d’accorder de grosses indemnités ou d’augmenter notablement des salaires au détour d’une simple audience. On peut vérifier toutes ces informations en consultant les différents manuels («Textes relatifs à l’organisation politique et administrative du Sénégal») qui recueillaient les textes fondamentaux, et que la présidence de la République faisait publier périodiquement par l’Imprimerie nationale.

 

4 – Il y a aussi que – et il faut le souligner avec force –, les ministres, même compétents, ne sont pas forcément nommés pour toute la durée du mandat présidentiel. Ils peuvent être à tout moment, pour une raison ou pour une autre, mis fin à leur fonction. Quelques départs du Gouvernement n’ont pas du tout été appréciés dans certains cercles. Le président de la République n’a pas de «kollare» (la reconnaissance), fulmine-t-on ça et là. Il ne devrait, en aucun cas, se séparer de quelques-uns de ses vieux compagnons. La République ne connaît pas l’amitié, la parenté, le militantisme partisan, le «kollare». Elle connaît, par contre, les citoyens et les citoyennes qu’elle doit traiter au même pied d’égalité. Elle a le devoir de les sanctionner positivement ou négativement en fonction de leurs comportements.

 

5 – Des ministres ont été limogés et immédiatement promus à d’autres fonctions. Pour ne donner qu’un exemple, si Monsieur Abdou Lo a été remercié pour – peut-être – insuffisance de résultats, il ne devrait pas être bombardé Directeur général de l’Artp, dont le management exige au moins les mêmes compétences que celui du Ministère d’où il a été relevé. On relève la même incohérence avec la nomination de Mbaye Ndiaye en qualité de Ministre d’État.

 

Il serait encore possible de tirer au moins trois ou quatre autres leçons du réaménagement gouvernemental du 29 octobre 2012, si ce texte n’était pas déjà long. Les différents arguments avancés pour le justifier ne sont pas forcément convaincants. L’efficacité et l’efficience de l’action gouvernementale ne dépendent pas de la taille du gouvernement ni, par ailleurs d’un quelconque rééquilibrage. Dans ce réaménagement, les amis et camarades du président de la République se sont taillé la part du lion. On y perçoit aussi le souci de faire plaisir à certaines capitales de confréries. La préoccupation affichée d’efficacité et d’efficience cache mal le souci politicien et électoraliste qui nous éloigne de plus en plus de l’engagement ferme du candidat Macky Sall à mettre en œuvre « une politique sobre, vertueuse, efficace et de rupture », et à « réduire de façon drastique le nombre des directions et agences nationales. » De même, son slogan « La Patrie avant le Parti » se fracasse, chaque jeudi, sur le roc de granit de ses différentes nominations.

 

Il n’y a plus aucun doute que, si on plaçait sur les deux plateaux d’une balance d’un côté la Patrie et de l’autre le parti, celle-ci pencherait irrémédiablement du côté du parti. Je peux bien en attester, pour avoir ouvert un dossier à toutes les nominations prises en conseils des ministres, du premier au dernier réuni le 2 novembre 2012. Nombre d’agences et de directions nationales héritées des Wade ou créées par les nouveaux gouvernants, ne sont maintenues que pour récompenser des militants ou trouver des sinécures faciles à des parents ou à des amis. Ce choix manifestement politicien et électoraliste est l’une des raisons majeures qui expliquent la débâcle du vieux président Wade, le 25 mars 2012. Le président Macky Sall a intérêt à ne jamais oublier qu’il est le président de tous les Sénégalais, des 65 % qui l’ont élu comme de tous les autres, et que la voie royale, pour être réélu en 2017, c’est le respect rigoureux de ses engagements. Le wax waxeet est immoral et ne conduit à rien de bon.

 

 

Dakar, le 5 novembre 2012

Mody Niang,

e-mail : modyniang@arc.sn

 

 

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