Publié le 4 Dec 2013 - 13:40
EN LIBERTE PROVISOIRE, APRES 6 MOIS D’EMPRISONNEMENT

Bara Gaye ‘’doute de la fiabilité’’ de la bande sonore 

 

En prison depuis six mois, le secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (UJTL), Bara Gaye, a recouvré la liberté hier. Le tribunal correctionnel de Dakar lui a accordé la liberté provisoire, à l’issue de son procès

 

‘’Après avoir délibéré, le tribunal ordonne la mise en liberté provisoire du prévenu s’il n’est détenu pour autre cause et fixe la date du délibéré au 21 janvier 2014’’. En entendant ces propos du juge Moustapha Bâ, les libéraux présents dans la salle d’audience n°3 où était jugé Modou Bara Gaye, secrétaire général de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (UJTL), ont exulté. Faisant fi d’un risque d’être poursuivis pour trouble d’audience, les militants, bras levés vers le ciel, se sont levés pour se congratuler et crier ‘’Sopi’’, en signe de victoire.

Oumar Sarr et Modou Diagne se sont dirigés vers la barre pour congratuler Bara Gaye et ses avocats. Tous étaient heureux de voir le jeune responsable libéral humer l’air de la liberté, après 190 jours passés derrière les barreaux où il était depuis le 28 mai dernier. Bara Gaye a bénéficié de la liberté provisoire, après que le tribunal Correctionnel a renvoyé le délibéré de son procès au 21 janvier 2014.

Un procès au cours duquel le jeune libéral a réfuté les faits d’offense au chef de l’Etat et actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves et à enfreindre les lois du pays. ‘’Je ne les reconnais pas’’, s’est défendu Bara Gaye, après que le juge Bâ lui a notifié les charges et les propos à l’origine de sa poursuite. Devant ses dénégations, le président a diffusé, via un ordinateur, les propos tenus par le prévenu, le 24 mai 2013, à l’issue d’une marche organisée par le Parti démocratique sénégalais (PDS) à Mbacké.

Après la diffusion de l’élément sonore, le juge l’a de nouveau interpellé. ‘’Je reconnais une partie de l’extrait. Je voudrais préciser que c’est la même cassette qu’on m’a fait écouter à la DIC, c’est pourquoi j’ai refusé de signer le PV’’. En fait, le jeune libéral ne reconnaît qu’une partie des propos diffusés. Il a dit en substance que Macky Sall est un incapable et ingrat vis-à-vis de Wade qui lui a tout donné, donc qu’il était temps pour la jeunesse du pays d’entamer la révolution pour le faire partir du pouvoir. Toutefois, Bara Gaye a précisé qu’il n’a jamais été question d’inciter à une révolution armée pour déstabiliser le pays.

Bara Gaye pense que l’élément sonore a été trafiqué

Quant aux propos qualifiés d’offense au Chef de l’Etat, Bara Gaye les a réfutés. Il a nié avoir traité le Chef de l’Etat d’homosexuel. Il a laissé entendre que c’était plutôt la foule qui le scandait. C’est au moment où il a abordé la question des passeports diplomatiques, en s’interrogeant sur le fait que l’actuel régime en a refusé à des marabouts au moment où Babacar Ndiaye ‘’qui ne cache pas ses orientations sexuelles en dispose’’. En réaction à son questionnement, la foule, dit-il, ‘’surexcitée, s’est mise à crier ‘’gor djiguène yi’’ (Ce sont des homosexuels)’’. En plus d’accuser la foule, Bara Gaye porte des soupçons sur l’enregistrement sonore diffusé par le tribunal.

‘’ Je ne suis pas un ingénieur en informatique, mais à travers un logiciel, je peux attribuer une voix à quiconque’’, a-t-il soutenu. ‘’Si vous avez des doutes sur l’authenticité de l’élément sonore, donnez-nous des éléments qui puissent nous faire croire qu’il a été trafiqué’’, lui a rétorqué le représentant du parquet. Embouchant la même trompette, le président Bâ a demandé au prévenu de présenter un élément authentique, si tant est qu’il en existe. ‘’Je ne suis pas en mesure de fournir un autre élément sonore ou visuel, car nous n’étions pas en campagne électorale’’,  a répondu Bara Gaye.

‘’N’est-ce pas de la dérobade ?

Revenant sur les propos de Bara Gaye qualifiés d’actes et de manœuvres, le parquetier a fait la leçon au jeune politique. ‘’Vous avez la liberté d’exprimer vos sentiments, mais le problème ici, c’est la manière. Car, il va de soi que le jeu politique est régi par des règles’’, a lancé le substitut Doudou Cissé Diouf. Et de poursuivre pour tenter d’asseoir le délit d’offense au Chef de l’Etat. ‘’Si vous rencontrez quelqu’un et vous lui dites : ‘’amo ngor’’, il n’en serait pas frustré ?’’, demande le parquetier. Et Bara Gaye de lui répondre : ‘’je me suis exprimé en Wolof or ‘’ngor’’ veut dire reconnaissance’’.

Sans se laisser démonter, il a poursuivi à l’endroit du prévenu : ‘’Vos arguments ne sont pas d’un grand apport au plan juridique. J’admire votre courage, mais je suis surpris quand vous réfutez certains propos. N’est-ce pas de la dérobade ? N’avez-vous pas le sentiment d’avoir dérapé, d’en avoir dit un peu trop avec des expressions déplacées ?’’. ‘’Non’’, a répliqué un Bara Gaye calme et serein.

Six mois requis par le parquet

Mais pour le parquet, la matérialité des faits ne souffre d’aucun doute. Pour la répression, il a requis une peine couverte par la détention du prévenu, précisément six mois ferme. La défense n’a pas lésiné sur les moyens de défense, en évoquant l’histoire antique mais aussi contemporaine pour démonter les accusations portées sur leur client. ‘’J’ai l’impression que le crime de lèse-majesté subsiste toujours. On l’a maquillé en offense au Chef de l’Etat’’, a soutenu Me Adama Fall, en soulignant que le délit d’offense au Chef de l’Etat n’existe plus dans des pays comme la France, le Zimbabwe.

‘’En quoi, dire que le président Macky manque de reconnaissance est offensant, à moins que nos gouvernants veuillent être entourés de flagorneurs’’,  s’est interrogé le jeune avocat libéral, avant de lancer à l’endroit du parquetier : ‘’Toutes les révolutions ne sont pas faites avec les armes. Il ne faut pas prendre les mots au sens premier. M. le procureur, tout est question de finesse’’. Abondant dans le même sens, Me Moustapha Dieng a ajouté que le parquet a exagéré dans ce dossier. Car, argue-t-il, ‘’Bara Gaye était dans son rôle, d’autant que la Constitution du Sénégal permet l’opposition à l’oppression’’.

Me Souleymane Ndéné Ndiaye de renchérir : ‘’en tant qu’opposant, son rôle n’est pas de  caresser Macky Sall, mais de brocarder le régime’’. ‘’Dans le champ politique, l’irrévérence, l’impertinence sont permises et ce ne sont pas des délits’’, a ajouté son confrère Me El Hadj Amadou Sall.  A l’image de leur client, le conseil a émis des réserves quant à l’authenticité de l’élément sonore. A ce propos, Me Sall a pointé un doigt accusateur sur les enquêteurs.  

FATOU SY

 

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