Un besoin de 1 627 milliards F CFA pour assurer l'accès à l'eau potable
Le gouvernement sénégalais s'engage à trouver des solutions aux problèmes liés à l'approvisionnement en eau potable, aussi bien dans les zones rurales qu'urbaines. C'est dans ce cadre qu'a eu lieu, hier, le Conseil interministériel sur l'approvisionnement en eau potable. Le gouvernement envisage de boucler rapidement le financement de la première phase du Grand transfert d'eau, pour un montant global de 610 milliards F CFA. Le besoin total en financement est estimé à 1 627 milliards F CFA.
Trente décisions ont été prises, hier, lors du Conseil interministériel sur l'approvisionnement en eau potable. Le secrétaire général du gouvernement, en collaboration avec le ministre chargé de l'Hydraulique, est responsable du suivi de la mise en œuvre des décisions prises lors de cette rencontre, pour un besoin de financement total de 1 627 milliards F CFA, et doit rendre compte au Premier ministre.
Au chapitre de la gouvernance et des réformes, il a été décidé que le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement devra organiser, en collaboration avec toutes les parties prenantes, au plus tard à la fin du mois d'octobre 2024, de larges concertations sur l'eau et l'assainissement, à partir du niveau territorial jusqu'au niveau central. L'objectif est de disposer d'un diagnostic fiable et inclusif du secteur et de proposer des stratégies adaptées pour répondre durablement aux préoccupations.
Le Dr Abdourahmane Sarr est chargé d'élaborer, à l'issue de concertations ouvertes et inclusives impliquant l'ensemble des acteurs du secteur, une nouvelle lettre de politique sectorielle de développement conforme à la vision du Projet en matière d'eau et d'assainissement, aux Objectifs du développement durable 2030 et à l'Agenda 2063 de l'Union africaine. Ensuite, ce ministre devra proposer au gouvernement, au plus tard à la fin du premier trimestre 2025, le Programme national d'accès sécurisé à l'eau et à l'assainissement aligné à la vision du Projet. Il devra également, en collaboration avec le secrétaire général du gouvernement, entreprendre les démarches nécessaires pour élaborer, de manière concertée et participative, un nouveau Code de l'eau conforme au Projet à soumettre au gouvernement, au plus tard en décembre 2025.
En collaboration avec le secrétaire général du gouvernement, il devra prendre les dispositions nécessaires pour soumettre au gouvernement, au plus tard en décembre 2024, les projets de textes relatifs à la création, à l'organisation et au fonctionnement de la Haute autorité de régulation du secteur de l'eau.
Il lui est également demandé de veiller, conformément au principe d'équité territoriale, à la desserte en eau potable de toutes les localités riveraines du lac de Guiers ainsi que des zones traversées par les canalisations à poser dans le cadre du Grand transfert d'eau et des autres types de transfert d'eau à partir des champs captant vers les grandes villes.
Pour sa part, le ministre des Finances et du Budget, en collaboration avec le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement, devra mettre en œuvre, avec diligence, les mesures nécessaires pour restaurer l'équilibre financier du sous-secteur de l'hydraulique urbaine.
Hydraulique rurale : fortes disparités entre les communes
En ce qui concerne l'hydraulique rurale, l'état des lieux a été partagé. Selon une note du gouvernement, malgré un taux d'accès amélioré de 96,9 % à l'eau potable et des investissements de près de 200 milliards F CFA au cours des dix dernières années, de fortes disparités persistent entre les communes rurales, les départements et les régions, notamment dans les régions de Kolda, Kédougou, Sédhiou, Tambacounda et Ziguinchor où le taux d'accès à l'eau potable reste extrêmement faible.
De plus, la qualité de l'eau pose de graves problèmes de santé publique dans le bassin arachidier et la zone sud-est du pays.
Concernant le fonctionnement des infrastructures et le cadre organisationnel, plusieurs insuffisances ont été relevées : un rendement du réseau non satisfaisant pour les fermiers, des impayés de factures envers les délégataires et la Senelec, des contraintes institutionnelles limitant l’efficacité opérationnelle de l’Office des forages ruraux (Ofor) ainsi que la vétusté des ouvrages de production et de stockage nécessitant d'importants travaux de réhabilitation.
Il a été annoncé que le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement procédera, d'ici la fin de l'année 2024, à une évaluation ‘’indépendante’’ actualisée de la réforme de la gestion du service public de l'eau potable en milieu rural. Il proposera des mesures pour améliorer la professionnalisation et l'implication accrue des collectivités territoriales et des communautés.
Le Dr Abdourahmane Sarr, en collaboration avec le ministre des Finances et du Budget, devra élaborer et soumettre au gouvernement, au plus tard à la fin septembre 2024, un plan d'action pour le renforcement du cadre institutionnel, organisationnel et financier de l'Ofor. Il est également chargé de finaliser, via l'Ofor, les engagements relatifs à l'incorporation totale du patrimoine dans le périmètre d'exploitation des fermiers, tout en veillant au renforcement du dialogue entre les populations et ces derniers pour une meilleure qualité de service et une prise en compte de la responsabilité sociale d’entreprise (RSE).
De son côté, le ministre de l'Énergie, des Mines et du Pétrole, en collaboration avec celui de l'Hydraulique et de l'Assainissement, devra veiller à ce que le Programme de solarisation des forages soit achevé dans un délai de 48 mois, dans le cadre de la transition énergétique. Il devra également s'assurer que tous les nouveaux forages soient systématiquement équipés de systèmes solaires.
Le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement est invité à mener une étude approfondie, au plus tard à la fin du premier semestre 2025, sur la mise en place d'une structure tarifaire des services d'eau en milieu rural plus équitable pour les consommateurs et favorable à l'équilibre financier durable du secteur.
Monsieur Sarr devra aussi proposer, au plus tard en décembre 2024, conformément aux principes d'équité territoriale et sociale, un plan pour la sortie progressive de la distinction entre l'hydraulique rurale et l'hydraulique urbaine, en vue d'aboutir, à terme, à une gestion unitaire du patrimoine hydraulique et à une qualité de service homogène sur l'ensemble du territoire national.
Hydraulique urbaine
Malgré des investissements cumulés de 776 milliards F CFA sur la période 1996-2023, le système d'approvisionnement en eau potable, notamment dans le triangle Dakar-Mbour-Thiès, sera confronté à des déficits de 110 000 m³/j en 2025 et 290 000 m³/j en 2030. Il est également important de souligner le déséquilibre financier de la Sones, accentué par les impayés de factures d'eau de l'administration centrale et des structures autonomes, la dégradation sévère de la situation financière de la Sen’Eau ainsi que la dégradation de la qualité de l'eau du lac de Guiers.
Face à ces insuffisances, le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement doit prendre les dispositions nécessaires pour finaliser, au plus tard à la fin de l'année 2024, la mission d'investigation technique et financière auprès de la Sen’Eau visant à analyser les conditions d'exécution du contrat d'affermage, notamment celles liées à la performance de l'entreprise.
Par ailleurs, les ministres des Forces armées et de l'Intérieur, en collaboration avec le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement, devront mettre en œuvre un plan de sécurisation des sites stratégiques de production et de transport d'eau potable, en particulier, en veillant en permanence à la sécurisation et à l'amélioration de la qualité des eaux du lac de Guiers.
Concernant la gestion des impacts des travaux d'hydraulique sur le réseau routier ou ferroviaire, le ministre chargé des Infrastructures et des Transports, en collaboration avec les ministres chargés de l'Hydraulique et de l'Assainissement, des Télécommunications, de l'Énergie et de l'Intérieur, est invité à mettre en place une plateforme de concertation, de planification et de suivi des travaux dans une logique de convergence et de sécurité.
De son côté, le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement devra conduire une étude approfondie, au plus tard à la fin du premier semestre 2025, pour la mise en place d'une structure tarifaire des services d'eau en milieu urbain plus juste pour les consommateurs et favorable à l'équilibre financier durable du secteur.
Projet Grand transfert d'eau
Il a été annoncé que le Premier ministre a engagé le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement, le ministre des Finances et du Budget, le ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération ainsi que le ministre, secrétaire général du gouvernement à prendre les dispositions appropriées pour la mise en place d'un comité chargé de la mise en œuvre du projet Grand transfert d'eau.
Le Dr Abdourahmane Sarr devra prendre toutes les dispositions nécessaires pour mobiliser, suivant les procédures appropriées, les financements, les bureaux d'études et les entreprises chargés de réaliser les études techniques approfondies et les travaux, afin de mettre en service les installations du Grand transfert d’eau d'ici 2029.
En attendant la finalisation de ce projet, un programme intermédiaire d'investissement devra être mis en place pour soutenir la demande en eau potable dans le triangle Dakar-Thiès-Mbour et assurer l'approvisionnement correct en eau potable de la ville de Touba.
Bouclage rapide du financement de la première phase du Grand transfert d'eau
Une table ronde des partenaires techniques et financiers sera organisée pour garantir un financement efficient du programme national consolidé d'accès à l'eau potable, en accord avec les orientations du gouvernement en matière de financement du développement. Cette initiative sera pilotée par le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement, en collaboration avec les ministres chargés de la Coopération et des Finances, et devra se tenir au plus tard en mars 2025, parallèlement à la mobilisation des ressources internes.
Une priorité sera accordée au bouclage rapide du financement de la première phase du Grand transfert d'eau, pour un montant global de 610 milliards F CFA. À cet effet, le ministre des Finances et du Budget devra, dans le cadre de la loi de finances initiale 2025, prendre toutes les dispositions nécessaires pour mobiliser, à partir des ressources internes du BCI, les montants requis pour financer les activités urgentes identifiées et non couvertes par les ressources extérieures. En collaboration avec le ministère de l'Hydraulique, il devra finaliser la requête de financement auprès de la Bad pour le renouvellement du réseau de distribution d'eau de Touba dans le cadre de la période intermédiaire du Grand transfert d'eau.
Pour la gestion de la phase transitoire avant la réalisation du projet de Grand transfert d'eau, il a été décidé que le ministre des Finances et du Budget alloue, dans la LFI 2025, des dotations financières. Celles-ci seront destinées, d'une part, au ministère des Forces armées pour l'acquisition de la logistique nécessaire à la réalisation, en appoint, de forages sur l'ensemble du territoire national, et d'autre part à l'Ofor, pour l'acquisition de deux grues.
Pour tous les nouveaux sites à incorporer, le ministre de l'Hydraulique et de l'Assainissement dressera un état des lieux de la gestion et définira un plan de dépenses prioritaires, en privilégiant l'apurement des dettes vis-à-vis de la Senelec.
Le ministre des Finances et du Budget mettra en place, d'ici la fin de l'année 2024, un mécanisme garantissant désormais le règlement à temps, par toutes les structures de l'Administration et les collectivités territoriales de leurs factures d'eau, afin d'éviter l'accumulation d'arriérés préjudiciable à l'équilibre financier du sous-secteur, a indiqué le gouvernement.
BABACAR SY SEYE