Peu suivie à Dakar....

Les consommateurs sénégalais ont connu des fortunes diverses hier, au premier des deux jours d'arrêt de production de pain décrétés par la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS).
Trouver du pain, en ce début de semaine, était difficile dans certains quartiers de Dakar, hier. La raison : deux jours d'arrêt de prodcution du pain décrété par la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS). Mais le mot d’ordre n’a pas été suivi par tous les boulangers. Du coup, pour certains, le petit-déjeuner s'est fait comme d'habitude. Comme chez cette dame d’une quarantaine d'années, trouvée dans sa chambre à Fass en train de discuter. Sourire aux lèvres, elle affirme avoir reçu l’information le matin à la radio : ''Lorsque je l’ai su, je me suis précipitée pour me rendre à la boulangerie. Arrivée sur place, j’étais étonnée de trouver du pain, et je me suis dit que peut-être celle-ci n’en faisait pas partie''.
Badou Ndiaye, gérant de ''Tangana'' à la Médina, affirme ne pas être au courant de la grève. Entouré de ses clients, il épluche tranquillement des pommes de terre bouillies. ''Même s’il y a grève des boulangers, cela ne m’empêche pas de vendre, car les clients peuvent prendre la viande préparée, des omelettes et même des pommes de terre bouillies avec de la sauce'', évacue-t-il. Ce jeune chauffeur, qui préfère garder l’anonymat, confie : ''Nous n’avons pas senti la grève. Nous ne consommons même pas le pain des boulangers. Nous préférons le tapa lapa (pain de fabrication artisanale)''.
15h au quartier de Fass, à la rencontre de quelques boulangers. Surprise, ils s'affairaient à la production de pain. Le gestionnaire de la boulangerie, Alassane Niang, affirme n'avoir pas été avisé de la grève. Assis derrière son bureau, l'air fatigué, le jeune homme atteste: ''Depuis ce matin (hier), les boulangers travaillent ''. Mais il en profite pour passer ses doléances. Selon lui, c'est l’État qui doit prendre en charge les revendications des boulangers et non les syndicats. En plus, ajoute-t-il, ''le gouvernement doit diminuer le prix du gasoil pour leur faciliter la tâche. Le courant coûte très cher, et c'est très difficile pour nous car les affaires ne marchent pas tout le temps. J'accepte que le gouvernement ne baisse pas le prix de la farine, mais il faut qu'il fasse quelque chose pour baisser le prix du gasoil'', argue-t-il.
Idem au quartier populaire de la Médina. Ici, la grève n'est pas de mise. A la ''Boulangerie 2000'', la vendeuse dit ne pas être au courant d’un tel mouvement d'humeur. Vêtu d'un pantalon slim rouge et d'un haut gris, elle confie que la boulangerie a fabriqué et vendu du pain comme tous les jours. Même chose à la boulangerie de Gueule tapée, dont le gérant, Seydou Diallo, déclare ne pas être informé de la grève décrétée par la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS).
Président FNBS : ''Cela va aller crescendo''
Cependant, le président de la FNBS Amadou Gaye se dit satisfait de leur action. Selon lui, le mot d'ordre a été suivi dans les régions de Saint-Louis, Tambacounda, Matam, Louga. A l'en croire, les boulangers qui n’ont pas respecté la grève ne sont pas membres de la fédération. ''Nous ne réclamons pas l’ensemble des boulangers de Dakar qui sont au nombre de 590. C’est impossible, mais nous disons que le mot d’ordre vient de commencer, cela va aller crescendo'', a-t-il confié. De son côté, Adama Seydou Diallo, directeur du commerce intérieur, regrette la grève des boulangers décidée avant même la fin des négociations entre le gouvernement et les meuniers. D'après lui, il était prévu de rencontrer les boulangers hier, mais qu'à l'heure prévue, il n'y avait pas aucun de leurs représentants.
Les boulangers de Pikine affiliés à la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS) n’ont pas respecté le mot d’ordre de grève dans leur quasi-totalité. La preuve en est que les pains étaient visibles dans les kiosques hier durant toute la matinée. Interrogés par EnQuête, certains boulangers ont, sous le couvert de l’anonymat, dévoilé leurs stratégies de ruse : faire la moitié de la quantité de pains quotidiennement produite et la livrer avant le lever du soleil. ''On suit la grève mais pas entièrement, on a tout fait pour fabriquer une quantité de pains assez conséquente et la livrer très tôt. Et vers 10 heures du matin, on repasse chez les revendeurs pour récupérer le versement. Je vous signale aussi que durant ces deux jours de grève, nos clients n’auront pas droit à une deuxième livraison du pain le soir, comme cela se faisait les autres jours'', a confié un propriétaire de boulanger à Pikine.
Du côté des usagers, on s’offusque de ce que ce mouvement d'humeur des boulangers soit intervenu ''sans préavis ni avertissement''. ''Dans ce bras de fer (avec les meuniers), ce sont les boulangers qui sont les principaux perdants car on peut trouver des produits substituables au pain comme les biscuits, le ''laax'', le ''foonde'' (bouille de mil avec du lait), le ''tapa lapa'' (pain traditionnel), entre autres. Personnellement, je n’ai pas mangé du pain ce matin et je vis toujours. Je pense que les boulangers doivent savoir raison garder et aller aux négociations avec le gouvernement et ne pas croire que les Sénégalais ne peuvent pas vivre sans le pain. Et j’ai l’impression qu’ils ne sont pas unis, la preuve est que plusieurs parmi eux n’ont pas suivi le mot d’ordre à Pikine'', a déclaré Ibrahima Diop un jeune cadre pikinois.
...et introuvable à Guédiawaye
En revanche, à Guédawaye, les boulangers ont suivi le mot d’ordre de sorte que les pains étaient introuvables dans les kiosques hier. Du coup, c'est la ruée vers des aliments de rechange au petit déjeuner. Si les uns ont opté pour le ''foonde'', d'autres se sont rués vers les vendeurs de beignets très sollicités. ''S’ils veulent juste augmenter le prix du pain pour l’amener à 200 F Cfa, pourquoi nous faire perdre du temps, ils n’ont qu’à le faire maintenant. En plus, ils n’ont même pas pris la peine de nous avertir à travers les médias, ce qui est une entorse à notre droit'', dénonce la dame Khardiata Sall. ''Chez moi, a-t-elle ajouté, les enfants préfèrent le pain au chocolat le matin, mais aujourd’hui, j’ai dû faire du ''foonde'' pour les uns et acheter des biscuits pour les autres comme petit déjeuner''.
Cheikh THIAM,Aïda DIENE et Djidi DIARRA
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