Publié le 26 May 2020 - 14:23
INTERDICTION DE DEPLACEMENTS ENTRE LES REGIONS

Des Sénégalais racontent comment ils ont passé leur Korité 

 

Si les autorités ont mis en place des mesures de restriction pour éviter une hausse des contaminations, en raison de la célébration de la fin du ramadan, certains citoyens, coincés à Dakar, étaient déterminés à passer la fête en famille, à l’intérieur du pays.  Les noms ont été changés.

 
Lorsque Fatou se remémore la célébration de la Korité 2020, son regard se perd, les yeux rivés sur ses pensées. Tristesse, déception, fatigue, angoisse, etc. Plusieurs sentiments s’entre-déchirent pour symboliser le mieux son expression. Mais la mère de famille s’efforce de ne rien laisser paraitre, en cette veille de célébration de l’Aïd-el-Fitr 2020, en pleine crise de pandémie de coronavirus. L’interdiction de déplacements entre les régionsimposée par le ministère de l’Intérieur pour lutter contre la Covid-19, a chamboulé toutes ses habitudes de fête, son mari étant dans l’incapacité de rejoindre la famille à Dakar pour partager ce moment de bonheur. 
 
Rien ne préparait Fatou à ce qu’elle a vécu lors de la fête de cette année : une famille séparée lors qu’un moment aussi attendu de l’année. Son époux, Cheikh, chauffeur vivant à Tivaouane, apourtant tout tenté pour retrouver sa femme et ses deux filles qui résident à Dakar. Hélas, le dispositif de police renforcé en raison de la Korité, a eu raison de sa témérité. ‘’Il a été sommé de rebrousser chemin, une fois arrivé à Thiès’’ se désole Fatou, avant d’ajouter : ‘’Je lui ai dit qu’il ne fallait pas prendre des risques inconsidérés pour venir à Dakar,car les conséquences n’en voudraient pas la peine, s’il se fait arrêter et emprisonner.’’
 
Pour rester dans l’esprit de la fête et atténuer à ses enfants de 14 et 2 ans, la déception de ne pas voir leur père, elle décide de rejoindre ses parents qui vivent dans le même quartier. Cette option lui a permis de tenir affectivement et financièrement. Les enfants étant occupés à jouer avec leurs cousins et les difficultés financières de son mari ne les empêchant pas de savourer des plats copieux. 
 
Cependant, cette édition garde pour elle un goût amer. ‘’Cela fait déjà presque trois mois que je n’ai pas vu mon mari. Mais je n’aurais jamais imaginé que je passerai la Korité sans lui auprès de nous. Je n’en finirai jamais de maudire ce satané Corona’’. 
 
‘’J’ai marché de Diamniadio à Diass’’
 
Comme elle, la pandémie a secoué les plans de beaucoup de Sénégalais pour la fin du mois de ramadan. L’exode rural faisant son effet, une partie des travailleurs de l’informel, à Dakar, a l’habitude de passer les fêtes religieuses en famille. Une occasion de raffermir quelques liens. D’autres viennent chercher dans la capitale de quoi assurer les dépenses nécessaires à la célébration. C’est dans cette dernière catégorie que s’identifie Awa Diop. 
 
Venue rendre visite à son frère, elle avait décidé de l’assister dans son commerce de céréales pendant quelque temps, avant de retrouver son Kaolack natal. Mais les mesures de restriction contre le coronavirus l’avaient forcée à revoir ses plans et à prolonger son séjour. Cependant, il était inadmissible, pour elle, de passer la Korité loin de ses parents restés au centre du Sénégal. Et à force d’abnégation, elle a réussi, malgré les mesures, à braver l’interdit et retrouver les siens.  
 
Au téléphone, elle explique son modus operandi : ‘’J’ai voyagé en entrecoupant la route.’’ A chaque fois qu’elle atteignait les limites d’une région administrative, Awa marchait pour traverser la zone. ‘’J’ai marché de Diamniadio àDiass. Sur la route, je suis souvent tombée sur des points de contrôledes éléments de l’ordre. Mais à chaque fois, lorsqu’ils nous renvoyaient sur nos pas, nous faisions demi-tour jusqu’à ne plus les apercevoir, pour ensuite les contourner à travers la brousse’’. Au cours de son périple, elle a eu la chance de tomber sur d’autres personnes ayant les mêmes ambitions et souvent le même trajet. Fatiguée, mais déterminée, elle parviendra, au bout de six heures de route, à atteindre son objectif.  
 
Toutefois, elle souhaite de tout son cœur que cette pandémie s’arrête le plus vite possible. Car si beaucoup de travailleurs ont pu résister à l’envie de rejoindre leur famille pour la Korité, ce sera une tout autre histoire, si la situation perdure jusqu’à la Tabaski. ‘’Je sais que mon frère ne passera jamais la Tabaski à Dakar, alors que nos parents et sa femme sont ici’’, assure-t-elle. Et c’est surement le cas pour des milliers de jeunes bloqués dans la capitale. Et, montant d’un cran, elle se projette : ‘’Je n’imagine même pas ce que ce sera, si on atteint le Magal de Touba. Avec la ferveur des talibés, rien ne les empêchera de rejoindre la ville sainte.’’
 
Une grève de la faim pour rentrer au village
 
La ténacité n’a pas payé que pour Awa. Bloquée à Dakar depuis deux mois, après avoir rendu visite à son fils, Dior Guèye n’imaginait pas non-plus passer la fête loin de son terroir, Khombole. Face aux arguments de son fils, la sexagénaire oppose une stratégie murement réfléchie : ‘’Je lui ai promis que j’allais entamer une grève de la faim et que s’il ne trouvait pas un moyen de meramener chez moi, je ne mangerai plus.’’ Connaissant sa mère, le fils s’exécute en activant ses relations. Finalement, par le biais d’un commandant en mission, ami de la famille, il parvient à déposer sa mère dans son village. Un soulagement que la principale intéressée relate avec humour. ‘’J’en avais assez de Dakar. C’était ça ou il risquait de perdre sa mère’’, plaisante-t-elle. 
 
Sur les perspectives annoncées par le président de la République, les spécialistes s’attendent à voir le virus embêter le Sénégal au moins jusqu’en septembre. Une période qui risque de couvrir de grands évènements religieux et moments de fête à venir. 
 
Toutefois, les mesures d’assouplissement entamées par le gouvernement pourraient encore desserrer l’étau, si la situation ne s’aggrave pas d’ici là. 
 
Lamine Diouf

 

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