Publié le 29 Apr 2025 - 23:50
L’État Profond, la Corruption et la Justice Capturée

À la lumière des déclarations de Ismaïla Madior Fall

 

Les propos de l'ancien ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, ne doivent pas être pris à la légère. Ils confirment, par la voix d’un initié du système, l’existence de pratiques pernicieuses qui fragilisent durablement l’État de droit et minent la confiance citoyenne. Leur impact est multiforme :

1. La Corruption Érigée en Mode de Gouvernance

Le cas du pot-de-vin de cinquante millions de francs CFA, évoqué par Madior Fall, n'est pas un simple incident isolé. Il témoigne d’une normalisation de la corruption jusque dans les plus hautes sphères de l'État. Lorsqu’un ministre de la Justice, censé incarner l’éthique et la rigueur, est approché avec de telles sommes, cela traduit un système de prédation généralisé, où la fonction publique est réduite à un instrument d’enrichissement personnel.

La banalisation de ce type d'offres démontre que l'intégrité n’est plus la norme mais plutôt une exception. Elle compromet toute possibilité de réforme, car ceux qui devraient nettoyer le système sont eux-mêmes considérés comme des cibles d’achat.

2. La Capture et la Complicité de la Justice

Les révélations sur des magistrats « informateurs » indiquent une altération grave de l'indépendance judiciaire. La Justice, au lieu d’être un rempart contre l’injustice, devient un outil manipulé par des intérêts politiques et économiques occultes.

Cela traduit une réalité de « justice aux ordres », où :

Les affaires sensibles sont systématiquement orientées ;

Les décisions judiciaires servent des stratégies politiques plutôt que l’équité ;

Les contre-pouvoirs institutionnels sont neutralisés.

Une justice compromise n’est pas seulement un problème juridique : c’est un problème existentiel pour la démocratie.

3. La Culture de la Peur et de l’Otage Permanent

Les menaces implicites évoquées par Madior révèlent que l’État profond ne se contente pas de corrompre : il terrorise et tient en otage ceux qui entrent dans ses rouages. Le climat de peur, de chantage et de manipulation des secrets est caractéristique d’un régime de surveillance interne, dans lequel la loyauté est extorquée non par l’adhésion, mais par la crainte de représailles.

Ce type d’environnement favorise :

L’autocensure chez les fonctionnaires honnêtes ;

La médiocrité administrative ;

La paralysie des réformes indispensables.

4. Un Système qui Sabote Toute Volonté de Transformation

Les observations de Madior confirment pleinement la dénonciation faite par le Premier Ministre Ousmane Sonko : il ne suffit pas de changer les hommes pour changer les pratiques. Il faut un combat structurel contre un "Système" tentaculaire, profondément enraciné dans :

Les procédures administratives opaques ;

Le népotisme et le clientélisme ;

Le sabotage des réformes par ceux qui bénéficient du statu quo.

La transformation radicale promise par le Président Bassirou Diomaye Faye passe donc par l’assainissement des mentalités et des structures : un processus exigeant, mais vital pour la survie même de la nation.

Les révélations de Ismaïla Madior Fall confirment la pertinence du discours de rupture porté par la nouvelle équipe gouvernementale. Elles montrent que la corruption, la complicité judiciaire et la peur ne sont pas des anomalies, mais bien des symptômes systémiques d’un État dévoyé.

Le combat contre l’État profond est donc un combat pour la survie du Sénégal républicain.

La conscience citoyenne, l’éveil des corps intermédiaires et la détermination du leadership actuel seront déterminants pour rompre ce cycle d’autodestruction.

 

Alioune Ndiaye

Expert en développement international

Écrivain

Militant de la transformation nationale

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