Publié le 6 Feb 2019 - 22:08
L’ŒIL DU SCRIBE

Une chronique de Madou KANE

 

L’ombre qui plane

Ah, que la politique peut être tragique quand les destins des grands  hommes rythment les trajectoires des peuples !

En 78 déjà, Wade affolait la scène politique. Il en était l’attraction, avec son physique atypique et son discours iconoclaste. Il était raillé par Senghor, le poète-président qui prétendait qu’un chauve ne pouvait prétendre porter sur son crâne la charge d’un Etat. C’était exquis et de bonne guerre.

En 2000, au crépuscule de sa carrière, on lui confia les rênes du pays. Un bilan mitigé avec ses ombres et ses lumières, au bout de deux mandats inoubliables, à l’image du personnage sulfureux, en fusion avec son peuple et au charisme si singulier.

Quarante ans après son baptême du feu, son ombre plane sur les joutes de 2019. Comme si une présidentielle serait sans saveur en son absence, Gorgui s’invite à nouveau.  Cette fois-ci pour constater un héritage en lambeaux. Une rude bataille fratricide entre ses ex plus proches collaborateurs, Macky, Idy et Madické. Un combat mortel, après le parricide de 2012.

Pendant ce temps, Karim, le prince qui avait raté le trône au sommet qui lui était taillé sur mesure, est interdit d’élection. Par la faute d’une dévolution monarchique déjouée, il se morfond dans un exil doré chez les pétrodollars du Qatar.

Un fils recalé, des fidèles devenus perfides, qui s’étripent à mort, le spectacle est désastreux pour le nonagénaire qui reste le ‘’Pape du Sopi’’ dans la conscience collective. Il est l’inamovible icône politique qui toise les pères de l’indépendance et a longtemps incarné l’espoir dans un pays paralysé par l’immobilisme des socialistes.

Wade revient et retrouve ses adversaires de toujours. Niasse, Tanor  et Cie qui ont fumé le calumet de la paix. Ils ont retrouvé les strapontins et privilèges du pouvoir qui semblent s’incruster dans leur Adn. L’ancien opposant au pouvoir regagne la rue en Sdf depuis le grand écart de l’ami Madické. En colère, le patriarche menace de remettre aux calendes grecques un scrutin auquel il n’a pas été convié.

Triste sort pour des libéraux qui ne savent plus à quel saint se vouer. La débandade d’une armée jadis crainte, par la faute de ses propres généraux qui se sont trompés de champs de bataille.

Le cas est symptomatique des chapelles politiques où le leader trône comme un demi-dieu et les militants infantilisés à outrance. Le chef qui finance, qui recrute, qui nomme selon ses desiderata. Un mentor qui négocie  et décide seul, qui s’enferme dans le  sanctuaire secret des dieux.

Des militants corvéables et malléables à souhait, à qui on assure le transport, l’ont donne à manger et à boire. C’est l’image d’un berger dans une prairie avec son bétail, ses moutons de Panurge. Un panorama favorable aux transhumances. Dans cet enclos, cette bergerie, chaque incartade est une déloyauté ; chaque rupture une trahison contre un bienfaiteur sans qui vous n’êtes que poussière.

Pendant ce temps, Me Abdoulaye  Wade continue de hanter les nuits de ses héritiers, enfants maudits du Père de la Rue publique. Cruel destin !

 

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