Publié le 21 Mar 2013 - 09:38

Le temps des prédateurs

 

 

Quand un prédateur poursuit une proie, ils ont tous deux peur. Le prédateur a plus peur de ne point assouvir sa faim que la proie d’être dévorée. Donc un lion qui tue une biche ne lui reproche rien, il ne lui en veut pas. Tout juste veut-il se nourrir et nourrir sa progéniture. Les savants désignent cette situation par un nom plein de poésie. Ils appellent cela, l’équilibre écologique. Un homme qui en tue un autre a des motivations moins esthétiques. Les termes qui désignent cela ne sont ni beaux, ni poétiques et manquent de dignité.

 

La situation devient plus pathétique et peut virer au drame structurel si le prédateur est un politicien ambitieux, sans envergure intellectuelle et sans foi patriotique, et la proie, un département aux prises à toutes sortes de crises comme Guédiawaye. Surgi des flancs de Pikine depuis 1969,Guédiawaye a été érigé en commune en 1996. Point de chute de la majorité des ruraux partisans de l’exode rural, il s’est rapidement développé sur le plan démographique et atteint maintenant cinq cent mille habitants. On était en droit de s’attendre à ce que cette démographie galopante fût suivie d’un développement sur les plans économique, culturel et social. Il n’en est rien et le département est un immense laboratoire de test de tous les programmes de lutte contre les fléaux qui assaillent la société : la malnutrition, la tuberculose, le sida, la toxicomanie, la prostitution... Les braves habitants qui triment comme des damnés, suant sang et eau afin de sortir leurs familles de la précarité, n’ont d’autres possibilités que de faire la courte échelle à des politiciens seulement soucieux de se faire élire ou de préserver leurs postes.

 

Les Guédiawayois, braves citoyens, attachés à leurs devoirs civiques, se retrouvent après chaque échéance électorale, gros-jean comme devant. Aucun député n’a jamais vraiment défendu les intérêts du département au niveau de l’hémicycle, aucun maire n’a jamais mis en œuvre une politique hardie de développement pouvant sortir les populations de la pauvreté. On leur demande à chaque fois de patienter. Plus de quarante ans que cela dure, comme s’il n’y avait rien d’autre à faire. Nous sommes allés au-delà de la pieuse patience de Job. Après quarante années d’errance dans le désert et de patience, Moïse et le peuple d’Israël ont fini par atteindre la terre promise.

 

Guédiawaye, malgré sa contribution déterminante dans les alternances survenues, n’a pas encore vu le bout du tunnel. Rien n’a véritablement changé pour ses habitants. On leur jette des miettes comme si elles étaient des poules, alors qu’elles ont envie de déployer leurs ailes d’aigle. Les jeunes marchent sur des tessons de bouteille et heurtent des portes closes. Les créateurs se morfondent car ne disposant d’aucune infrastructure et ne bénéficiant d’aucun appui leur permettant de valoriser leur talent. Les femmes continuent à remplir les cars pour l’accueil des hôtes étrangers.

 

Les lendemains qui chantent promis se sont transformés en ululements continus. La dignité s’est muée en un mendiant qui tend une main décharnée dans tous les carrefours. Elle est devenue une femme qui vend son charme fané dans tous les endroits sordides afin d’éviter la vision du foyer éteint et le regard de son enfant qui, déjà, est inquiet pour son avenir. Elle a versé dans l’agression et s’en prend à de pauvres citoyens dans les coins plus ou moins obscurs. Et elle se transforme en vandale à la moindre occasion. Pendant ce temps, ceux qui s’étaient engagés à travailler pour le bonheur des populations, en véritables prédateurs politiques, se repaissent de budget de fonctionnement et «oublient» les investissements.

 

«Dans les grandes choses, a dit Alain Chamfort, les hommes se montrent comme il leur convient de se montrer. Dans les petites, ils se montrent comme ils sont.» Au moment de briguer les suffrages des citoyens dans les élections locales, tous les prétendants se présentent comme des anges soucieux du développement de leur ville. Une fois au pouvoir, dans les institutions municipales, beaucoup montrent leur véritable nature de prédateurs et de déprédateurs. Voilà dix sept ans que Guédiawaye souffre de cette situation. Il est temps que les citoyens s’interposent et y mettent un terme. Cela est d’autant plus urgent que voilà revenu le temps des prédateurs. Un an avant les élections locales, tous les prédateurs ont enlevé leurs fourrures et ont enfilé des toges de messies et de prophètes ayant la mission de guider les Guédiawayois vers la terre promise.

 

Des maires sortant qui ne peuvent présenter comme bilan que les réalisations du «précol» ; des responsables politiques aigris qui espèrent prendre leur revanche sur le destin, des directeurs et PCA de sociétés d’Etat qui ont compris de travers l’invite faite à eux par le Président de la République de gagner leurs localités. Après le congrès d’investiture, le candidat Macky Sall avait demandé aux cadres de l’APR de descendre à la base et d’aider les militants afin de gagner le maximum de localités. Quoi de plus naturel, Président de la république, qu’il reformule cette demande à ces cadres devenus majoritairement hauts fonctionnaires. Il ne s’agit pas de s’investir à fond dans les élections locales dans le seul but de préserver un statut. L’ambition devrait être de maintenir allumée la flamme de l’espoir. Car toute pensée politique qui justifie réellement l’engagement, se pervertit si elle est autre chose qu’un espoir. Alors, il n’est plus question de discuter sur le choix des prédateurs qui prendront possession de notre département, mais de mettre un terme de manière définitive à la prédation. Cela nous en convenons tous est plus progressif et moins dispendieux.

 

Papa Samba BADJI

Conseiller municipal Ndiarème Limamou Laye

Guédiawaye

 

 

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