Publié le 7 Jan 2020 - 23:06

Les instituts de formation du supérieur !

 

Au Sénégal, force est de constater que l’on assiste de plus en plus à une profusion d’universités et à une prolifération d’instituts privés. Ils poussent partout comme des champignons. Il suffit juste d’avoir les moyens pour s’offrir le privilège d’ouvrir une école de formation ou un institut. N’incombe-t-il pas dès lors à la collectivité nationale de se demander si ce foisonnement des instituts de formation du supérieur obéit à des règles et à des normes édictées par la loi et adossées à la politique sectorielle de l’Etat en matière d’éducation ? L’Etat veille-t-il sur sa politique éducative en gardant et en protégeant jalousement la qualité des enseignements comme la prunelle de ses yeux ?

L’Autorité Nationale d’Assurance Qualité (ANAQ) ne fut-elle pas créée au moment où la baisse du niveau des étudiants faisait débat, et que l’Etat était soucieux de préserver la qualité et les performances des universités ? Pourquoi  dans le classement des universités du monde, (l’UCAD sortie première au Sénégal, n’occupe que la 2895ème place), celles du Sénégal sont si mal classées ? Les autorités se préoccupent-elles de la haute qualité du produit de nos universités et instituts ? Quelle est la plus-value, la valeur ajoutée de ces instituts dans l’enseignement supérieur au Sénégal? Les étudiants bénéficient-ils de l’encadrement requis pour la rédaction de leurs rapports de stage et de leurs mémoires de maîtrise? Leur apprend-on les techniques d’écritures et la rigoureuse méthodologie pour la rédaction de ces documents classés scientifiques ? Les personnes avisées ne sont-elles pas plutôt indisposées à lire des documents supposés tels mais truffés de fautes et d’incorrections et qui, en définitive, n’ont rien de la rigueur d’un rapport ou d’un mémoire ? A titre indicatif, pourquoi ceux qui sortent des écoles de journalisme sont légion à avoir un niveau de langue plus bas que nombre d’élèves du CM2 d’antan ? Beaucoup d’entre eux terrorisent Molière dans sa tombe et hantent son sommeil par leurs multiples fautes.

Quelle honte ! N’y a t’il pas de nos jours un nivellement des valeurs par le bas de nos universités et instituts ? Les évaluations ne se font-elles pas plus par complaisance ? Et si tel est le cas, l’heure n’est-elle pas venue de s’en indigner si l’on cherche bien sûr, à hisser le Sénégal au rang des pays développés ? En d’autres termes, l’Etat fait-il de la qualité de l’enseignement supérieur une préoccupation majeure pour valablement légitimer la reconnaissance internationale des diplômes et des titres universitaires ? Pourquoi, de concert avec leurs populations, les collectivités territoriales ne s’offusqueraient-elles pas de la culture de la médiocrité qui tend à s’ériger en norme dans la conduite des affaires de la cité surtout en termes d’investissement dans le capital humain ? L’heure n’est-elle pas grave, suffisamment grave pour inciter tout le monde à se lever comme un seul homme et à s’ériger en veilleur?

Les référentiels de standards de qualité auxquels les universités, les instituts et établissements privés d’enseignement supérieur sont soumis tiennent-ils encore ? Les universités et instituts respectent-ils leurs contrats de performance ? Ont-ils développé des procédures internes d’assurance qualité et d’auto-évaluation externe ? A quoi ont déjà servi ou servent encore les 48 milliards de la Banque Mondiale pour l’ANAQ-SUP?

L’enseignement privé obéit à la loi du profit. Tout est, in fine, question de gain, d’argent. Tant que l’étudiant est en règle avec la comptabilité, il ne redouble pas. Au contraire il gravit allègrement les échelons et collectionne les diplômes. Il serait légitime de se demander s’il ne règne pas un désordre, une anomalie dans le supérieur. Le cas échéant, s’il n’est pas tant d’arrêter l’hémorragie. Encore qu’il  eût fallut se pencher avec sérieux sur la valeur et la qualité de ces diplômes ? On eût dit une marchandisation de l’éducation, où l’argent déverrouille les portes les plus hermétiques du savoir illusoire sans réellement offrir les vraies compétences. Peu importe la qualité des produits des universités et instituts, seule compte la rentabilité du système. Un système en déphasage avec les besoins réels de la nation. Un système hétéroclite passe-partout, n’en déplaise à l’administration et aux entreprises soucieuses de se renforcer avec des ressources humaines de qualité. Hélas, un système hybride à géométrie variable.

Or un système éducatif avec une multiplicité d’entrées, conduit inéluctablement à une pluralité de sorties. Mais ces sorties offrent-elles de bonnes débouchées ? Ces débouchées contribuent-elles à booster l’économie ? L’Etat se préoccupe-t-il véritablement du nombre de jeunes diplômés, qui croit d’année en année, mais dont la formation laisse cruellement à désirer ? Un Etat qui se respecte doit-il laisser  se dérouler une formation au rabais de ses futurs cadres-diplômés qui, au-delà de constituer une réelle menace pour la stabilité sociale et politique du pays, restent et demeurent une bombe à retardement sur le marché de l’emploi, capable d’exploser à tout moment avec un effet domino? Pendant que ceux nouvellement sortis des universités et instituts grossissent les rangs des demandeurs d’emploi, ceux anciennement diplômés peinent à être créateurs d’emploi.

C’est dire que ces diplômés pas bien formés et trop peu qualifiés seront non seulement incapables de hisser le niveau  de performance de l’administration et des entreprises et de les rendre plus attractives et plus compétitives mais pire encore, ils institutionnaliseront la grève. Ils seront, du fait de leur médiocrité accablante, de leur méconnaissance du culte du sacerdoce, des fonctionnaires de contestation et non de contribution, une administration de commandement et non de développement. Ils seront, de surcroît dépassés et foudroyés par une mondialisation-globalisation qui ne laisse pas de place aux petits, aux faibles et aux incompétents. Triste mais c’est comme si les sortants des universités et instituts étaient de moins en moins compétents, mais de plus en plus exigeants. Quel paradoxe ! Drapés de leur incompétence, ils feront souvent marcher l’Etat au pas, par leurs récurrentes revendications, prenant du coup le peuple en otage. Comment réussiraient-ils donc à élever le niveau de vie de leur population au même rang que celui des pays développés ?

Or il faudrait s’inquiéter de la routine, la récurrence d’un phénomène qui a finit par devenir une  banalité. De plus, il faut s’interroger sur l’immobilisme des enseignants qui, plutôt que de se soucier de leur plan de carrière en œuvrant à passer d’Assistants à Maitres-assistants puis de Maitres de conférences à Professeurs, se laissent hideusement gagner par la paresse et le manque d’ambition  personnelle. D’ailleurs la norme ne voudrait-elle pas que les enseignants progressent au même titre que leurs étudiants ? Pourquoi les étudiants devraient-ils avancer pendant que leurs formateurs stagnent et font du sur place ? Pourquoi ne s’inspireraient-ils pas de Friedrich Nietzsche, qui souhaitant que ses étudiants le dépassassent, leur tint ces propos: « Déchirez mon livre, vous ne serez vous-mêmes qu’en déchirant mon livre » ?

Qui plus est, il conviendrait de ré crédibiliser nos niveaux de certification pour éviter d’être la risée de nos voisins et du monde avec des chercheurs aveugles, incapables de pousser les limites de la science par de nouvelles découvertes constamment renouvelées pour le bonheur de nos populations.

Mais avant d’en arriver là, il faudrait avant tout être vigilant. Il faudrait mettre de l’ordre dans les autorisations d’ouverture d’instituts. Autrement, les populations seraient les principales victimes d’erreurs médicales, si par exemple, un institut de santé délivre des diplômes sans qualifications avérées à des individus qui exerceraient en étant un danger public en puissance. Que Dieu en préserve le Sénégal !

Samuel SENE

Consultant-formateur

Ecrivain-chercheur

Holysam67@gail.com

77 518 31 57

 

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