Publié le 22 Aug 2013 - 21:40
LIBRE PAROLE

Les racines de la «pagaille»

 

Pour une pagaille, c’est bien une très «grosse pagaille», comme l’indiquait le quotidien EnQuête dans son édition d’hier (mardi). Près de 220 grands et petits clubs, dis donc ! Les élus de la Nation, notait-il, également, envisagent ainsi de voter une loi pour effectuer des coupes sombres dans cette forêt de formations politiques. Soit. Il convient, toutefois, de ne pas agir dans la précipitation pour ne pas entendre les cris d’orfraie des groupes qui seront fauchés par d’éventuelles mesures. Faire en sorte que celles-ci ne marquent plutôt une rupture … dans la continuité. Les quatre courants fixés par le président Senghor – socialiste, libéral, communiste et conservateur -  avaient été perçus par une bonne partie de la classe politique d’alors comme un corset étouffant les libertés démocratiques. Le multipartisme intégral proposé par Abdou Diouf, dès son accession au pouvoir, avait comblé d’aise les signataires de la pétition du Rassemblement national démocratique (RND) du Pr Cheikh Anta Diop, quelques années plus tôt, qui avait dénoncé une telle restriction. Chacun pouvait, désormais,  élever son minaret et appeler les Sénégalais à venir grossir les rangs de ses fidèles.

         Hélas !  Ce que craignaient les contempteurs de l’ouverture à 360° a fini par se manifester. Les chapelles politiques ont poussé comme champignons après la pluie. L’herbe folle a envahi le champ partisan. Le malthusianisme qui, sur ce plan également, aurait dû éliminer les faibles et les guignols n’a pas sévi. Et cela n’est pas près de s’arrêter. Peut-être qu’avec les quinze millions de Sénégalais que nous serons bientôt ; nous aurons au moins cinq millions d’obédiences politiques. Mettre un frein, dès maintenant, à cela, sans donner un coup de pied énergique dans cette fourmilière par une loi juste et équitable, ce serait vouloir arrêter un tsunami avec ses bras. C’est qu’au Sénégal, il est plus facile de mettre sur pied une organisation politique que de créer une entreprise et donner du boulot aux millions de chômeurs promis à une existence de bétail électoral et d’animateurs de meetings. Ceux qui font figure d’hommes politiques semblent être gagnés par une sorte de schizophrénie. Sont-ils mus par un ego débridé ? La frustration née du désir contrarié d’être califes à la place du  père fondateur ou du secrétaire général inamovible de la formation où ils militaient ? L’envie de se lancer dans l’activisme … alimentaire ? Qui sait ?

         Il faut dire, cependant, que « faire la politique » a fini par être prise pour une activité lucrative ou un moyen de grimper dans l’échelle sociale. Dans cette jungle où une mère chatte ne pourrait retrouver ses petits, on trouve de tout : les fractionnistes, les régionaux, les partis confrériques, les partis « cabine téléphonique », les partis patrimoniaux, les partis causerie entre copains autour de la théière ; et la liste n’est pas fermée. Avant, c’était pour monnayer le nombre de voix recueillies après une élection présidentielle ou des législatives contre quelques strapontins ministériels. A présent ils ont surtout une vocation « yobalema » (emmène-moi) et espèrent se glisser en bonnes places sur la liste des candidats à la députation d’une formation plus significative. Certains se collent comme des grains de poussière à la semelle des sandales d’un leader puissant, d’autres se muent en partis franchement godillots. Une bonne parie de l’opinion, quant à elle, à pris le parti d’en rire d’autant que l’on ne peut vraiment pas voir clair dans le maquis des sigles.

         Sans revenir à la loi des «quatre courants», à quel nombre faudrait-il réduire les «tarikhas» politiques ? Sur la base de quels critères consensuels ? Il pourrait peut-être s’agir tout simplement de ne pas toucher à la liberté d’association mais tout en imposant des contraintes à tous : obligation  de présenter ses comptes, chaque année, de justifier ses revenus, pour une question de sécurité, d’avoir un certain nombre de salariés payés régulièrement, etc. Le financement ? Une aberration pour un pays pauvre ayant tant de défis à relever ! Il conviendrait plutôt de rembourser les dépenses électorales (tout en les limitant) à ceux qui totaliseraient un taux de 5 %, au moins. Il faudrait surtout changer le mode d’élection des députés et des maires : plus de listes mais que chacun se présente dans sa circonscription, sa ville ou sa communauté rurale, pour un scrutin à deux tours. Peut-être qu’on éliminerait de la sorte tous ceux qui parasitent le paysage politique et qui contribuent à entretenir l’énorme «pagaille» si décriée.

 

Djib Diédhiou

Journaliste

 

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