Publié le 29 Oct 2013 - 12:32
LIBRE PAROLE

 Réponse de la Dcmp à la contribution de M. Diao

 

Dans son édition du 12 octobre 2013, votre journal a publié dans la rubrique ''Libre parole'', une importante contribution de Monsieur Ibrahima DIAO, auditeur international, juriste d’affaires, responsable APR de la Communauté rurale de FASS NGOM. Permettez-moi de saluer cette démarche qui s’inscrit dans une logique de partage d’idées dans un domaine aussi stratégique que peu connu de l’opinion qu’est la passation des marchés publics. Car, je reste convaincu que la lumière ne jaillira que du choc des idées résultant d’une évaluation objective du dispositif actuel. M'inscrivant dans la même dynamique, je voudrais relever dans vos colonnes quelques appréciations sur les aspects techniques du propos du M. DIAO. En effet, sa contribution a attiré l’attention du fait du contexte tout particulier marqué par l’actualité de la question et l’intérêt que les modalités de passation de la commande publique suscitent auprès des plus hautes autorités de la République. En effet, ces dernières n’ont pas manqué de mesurer à sa juste valeur l’enjeu que représente la commande publique dans la mise en oeuvre des politiques publiques pour la satisfaction de la demande sociale. Ainsi, M. DIAO se saisissant du contexte, sans nier les innovations majeures et acquis de la réforme des marchés publics, pose la question de l’efficacité du système tel qu’il fonctionne en mettant en exergue ce qu’il appelle ''la longueur des délais de traitement des procédures, le nombre impressionnant des recours, les différences d’interprétation des articles et arrêtés du code des marchés publics''. Sur ces aspects, M. DIAO met en relief la responsabilité d’une partie des acteurs en l’occurrence l’ARMP et la DCMP en omettant dans son analyse celle des autorités contractantes ou encore les goulots inhérents au dispositif réglementaire. • Sur les ''délais extrêmement longs de traitement des procédures''

Pour être exhaustif dans l’analyse, il convient plutôt de parler de ''longueur des délais de passation''. Dans ce sens, deux aspects sont à distinguer : d’une part, la contrainte liée aux délais réglementaires de procédure et d’autre part, les délais réels de traitement des dossiers aussi bien pour la DCMP que l’Autorité contractante. Pour le traitement des dossiers, dès 2007, une décision du Conseil de régulation a fixé un délai impératif à la DCMP en fonction de l’objet de la saisine. En aucun cas ce délai ne peut excéder dix (10) jours francs et ouvrés ; toute forclusion entrainant une non-objection implicite qui permet à l’autorité contractante de poursuivre la procédure. Dans les faits, la DCMP a été rarement frappée de forclusion dans l’instruction des dossiers. Ce délai est considéré dans sa feuille de route comme un indicateur de performance au coté du nombre d’avis remis en cause par le comité de règlement des différends. Préoccupée par cette question, la DCMP, a réparti ce délai suivant une circulaire à chaque échelon du contrôle. Dès 2009, deux ans après l’entrée en vigueur de la réforme la DCMP sur la base de son dispositif statistique informatisé a mené une étude à l’interne sur les délais de traitement des procédures. Les résultats de cette étude actualisée deux ans plus tard font état du même constat : la DCMP est loin d’épuiser les délais qui lui sont impartis par le Conseil de régulation alors que les autorités contractantes, parce que non soumises à des délais, mettent un temps trop long pour réagir aux observations formulées à leur intention. Les raisons de cette passivité sont diverses. Outre l’absence de délai de réaction imparti, il s’agit entre autres de : - la timide reconnaissance de la Cellule de Passation des Marchés (CPM) comme service avec des agents exclusivement dédiés au sein de l’autorité contractante à la tâche de contrôle qualité des dossiers en amont de celui exercé par la DCMP - l’absence de motivation et la mobilité des agents de la CPM - l’absence d’un dispositif interne de suivi spécifique des dossiers relatifs aux procédures de passation des marchés - le défaut de maîtrise par certains membres de la Commission des Marchés du processus d’évaluation des offres et la difficulté à s’attacher les services d’un homme de l’art (expert) - l’inexistence dans le vivier de la fonction publique d’une masse critique de spécialistes en passation des marchés. - La mobilité des agents de la DCMP N’ayant pas la prétention, à elle seule, de pouvoir éradiquer tous ces maux, la DCMP a pris, à l’interne, des initiatives palliatives portant : - instauration d’une stratégie d’appui conseil au profit des Autorités contractantes avec un cadre de concertation avec les CPM et un système de points focaux et, - systématisation des lettres de relance et des ampliations faites à la CPM pour un meilleur suivi du dossier Cependant, l’étude précitée, relative à l’analyse des délais, ne s’est pas limitée à mesurer les performances de la DCMP et des autorités contractantes. Elle a en outre, passé en revue les délais réglementaires prévus par le Code des marchés publics et leur pertinence en fonction de leur objet. De ce point de vue, il convient de relever que les délais réglementaires tel que prévus par le dispositif juridique atteignent un maximum de 188 jours. Pourtant, ils sont tout à fait conformes aux standards internationaux. Cependant, le temps d’une ''Institution internationale'' n’est pas celui d’un État sous développé. A titre d’illustration, pour l’État la durée de l’exercice budgétaire est de douze (12) mois, alors que pour la Banque mondiale l’exercice s’étale sur dix huit (18) mois. C’est pourquoi, la réflexion menée, par l’ensemble des acteurs du système y compris la DCMP, dans le cadre élargie de la modification du Code des marchés publics, a abouti, tout en respectant les directives de l’UEMOA, à des propositions de réduction des délais réglementaires. A cet effet, il y a lieu de distinguer les délais d’action des délais d’attentes de réduire les premiers dans la limite du possible et de respecter les seconds libellés en termes de minima par les directives. C’est tout le sens des propositions formulées à travers la réflexion sur les modifications du Code.

• Sur ''le nombre impressionnant de recours'' Le nombre de recours est un indicateur pertinent de la confiance que les différents acteurs accordent au système. C’est un fait nouvea majeur qui permet d’apprécier le degré de transparence des procédures et de respect des droits des candidats ou soumissionnaires. Il symbolise la rupture prônée par la réforme du système de passation des marchés à travers son cadre juridique et institutionnel rénové. Cependant force est de reconnaître, que sans un encadrement adéquat, ce droit de recours peu être utilisé abusivement et aboutir à un allongement injustifié des délais de passation et déteindre négativement sur l’efficacité du système. C’est pourquoi, une décision, a été prise, instaurant l’acquittement d’un droit d’enrôlement pour décourager les recours fantaisistes.

• Sur ''les différences d’interprétation des articles et arrêtés du code des marchés publics'' Je suppose qu’il s’agit plutôt de divergences d’interprétation portant seulement sur certaines dispositions du code des marchés publics et de ses textes d’application. Comme pour tout texte juridique, le dispositif réglementaire des marchés publics est parfois source de divergence dans l’interprétation. Dans les différentes étapes de la procédure de passation et d’exécution des marchés interviennent divers acteurs ; il s’agit, des autorités contractantes y compris la personne responsable des marchés et l’ordonnateur, des soumissionnaires, de l’organe de contrôle (DCMP), de l’organe de règlement des différends (CRD/ARMP), du comptable... Tous ces acteurs n’ont pas toujours et forcément la même lecture pour toutes les dispositions réglementaires applicables. Cependant les divergences ne doivent être ni majeures ni permanentes. D’où l’intérêt d’un organe de régulation comme l’ARMP qui a vocation à rendre des décisions dans le cadre du règlement des litiges et des avis pour l’interprétation de certaines dispositions à la requête de tout acteur. En outre, les recours hiérarchiques pourraient permettre la levée de certaines divergences. Dans tous les cas, il est heureux que cette question soit posée même si des solutions sont déjà envisagées: - dans le cadre de la réflexion sur les modifications du code pour les divergences inhérentes au libellé de la disposition - dans la perspective de l’élaboration d’une circulaire interprétative Néanmoins, pour celles relatives à une mauvaise lecture ou compréhension du texte, sa prise en charge serait effective dans le cadre de la formation et de la réappropriation du Code par des différents acteurs y compris les ordonnateurs et les comptables publics. Concernant la question particulière des marchés de clientèle, il faut rappeler que l’autorité contractante n’a pas la possibilité d’indiquer la quantité ou la valeur globale des commandes. Du point de vue des obligations des parties, contrairement au marché à commande, ici le fournisseur s’engage à livrer un maximum dont il ignore le volume sans aucun engagement de l’autorité contractante sur un minimum. 

Cependant la limite objective du niveau des commandes reste l’existence des crédits puisqu’aucun marché ne peut être approuvé sans la production d’une attestation d’existence de crédits suffisants. Ce qui, dans les faits permet au fournisseur d’avoir un repère lui facilitant l’évaluation du volume maximal de la commande même dans le cadre d’un marché de clientèle. Par contre, le montant d’un marché de clientèle fixé sur la base des disponibilités de crédits ne saurait être qu’indicatif. Il serait, à ce titre, opportun d’apporter la précision au niveau de la clause du contrat relative au montant. Le cas échéant, un avenant ne serait pas nécessaire suite à l’obtention de crédits supplémentaires durant le même exercice budgétaire. Dans tous les cas pour entamer dans sa durée la seconde année, le marché de clientèle doit nécessairement faire l’objet de renouvellement par avenant conformément aux dispositions de l’article 25 du Code des marchés publics. Par ailleurs, qui est responsable de la délivrance de l’attestation d’existence de crédits ? Du point de vue strict des différentes phases de la dépense publique (engagement – ordonnancement - liquidation - paiement) et des attributions dévolues au responsable de chaque phase, il y a lieu de considérer que l’ordonnateur est dans la meilleure posture pour assumer cette fonction. Cette solution a d’ailleurs été consacrée par un avis du Conseil de régulation de l’ARMP. Si au niveau central la question ne se pose pas (les outils de gestion des crédits existent et facilitent le suivi de l’évolution des disponibilités avec le ''Système de gestion des finances publics'' (SYGFIP), il n’en est de même pour les collectivités locales et les agences. Pour ces dernières la comptabilité est respectivement tenue par le percepteur municipal et l’agent comptable particulier. Pour mieux s’assurer de l’existence des crédits, la mise à contribution du comptable pour la préparation matérielle de l’acte, avec l’apposition de son visa et sa soumission à la signature de l’ordonnateur en l’occurrence le Maire de la commune ou le Directeur général de l’agence ne serait pas une mauvaise chose.

• Concernant les ententes directes communément appelés marché de gré à gré C’est sans doute pour dégager cette procédure de son caractère péjoratif que les pères de la reforme des marchés publics ont substitué la notion de gré à gré par celle d’entente directe. Cette démarche n’a pas été couronnée de succès. Pourtant, l’entente directe est un mode de passation bien identifié, défini et encadré par les dispositions des articles 75 et 76 du Code des marchés publics. En outre, son taux trimestriel est plafonné à 20% suite à un engagement du gouvernement dans le cadre l’Instrument de soutien à la politique économique (ISPE). Malgré tout, pour des raisons diverses, que l’on ne saurait identifier ici, l’opinion publique continue à croire que l’entente directe est une procédure irrégulière conforté en cela par une certaine revue de presse en langue nationale.

En conclusion, tout en me félicitant de cette initiative de M. DIAO qui, sans verser dans la polémique, a apporté, sur des questions précises, sa contribution pour une évolution positive de notre système national de passation des marchés publics, j’invite tous les acteurs interpellés dans leurs domaines de spécialisation respectifs à apporter leur éclairage sur tous les points du sujet ou les aspects que j’ai volontairement omis, notamment, la liquidation des droits d’enregistrement dans le cadre d’un marché de clientèle ou la mise en place par l’ARMP de structures au niveau déconcentré. Comme le dit un proverbe peulh ''à chacun sa part de vérité''.

M. MOUHAMADOU LAMINE SOW,

CHEF DE LA DIVISION FORMATION,

CONSEIL ET ÉTUDES DE LA DCMP

 

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