Publié le 22 Aug 2012 - 17:43
MALI

La Suisse finance la rébellion touareg

Combattants du Mouvement national pour la libération de l'Azawad. Crédit : AFP PHOTO / MNLA.

 

 

Les rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), mis en déroute par les groupes islamistes du nord du Mali, se restructurent avec le soutien de la Suisse, pays pourtant connu pour sa longue tradition de neutralité.

 

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a participé à l’organisation et au financement d’une réunion politique des rebelles touaregs indépendantistes du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) les 25, 26 et 27 juillet à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, a appris Le Temps auprès de sources concordantes. Organisée dans le cadre de la médiation de la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), cette rencontre devait permettre au bureau politique du MNLA de clarifier ses revendications en vue d’un règlement politique de la crise dans le nord du Mali.

 

Cependant, comme l’atteste le communiqué de presse final du mouvement, le débat portait également sur des enjeux de politique interne, avec l’adoption de ”dispositions urgentes pour l’atteinte des objectifs du MNLA”. Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique à Paris (CNRS), spécialiste de la zone sahélo-saharienne et des populations touaregs, André Bourgeot s’en étonne : "Le MNLA revendique, comme objectif principal, une partition territoriale non reconnue internationalement et qu’une immense majorité des populations du septentrion malien ne veut pas. Il dit avoir tenu ces discussions afin d’y parvenir. Je suis surpris par l’implication politique du DFAE, les autorités suisses étant officiellement neutres. Cela équivaut à une caution politique."

 

Selon la synthèse des travaux de cette rencontre que Le Temps a pu se procurer, les discussions ont également porté sur la propagande à mener auprès des différentes communautés du nord du Mali. Des ordres ont été donnés pour restructurer le bureau politique. Plusieurs cadres du MNLA, menacés de radiation pour des prises de position jugées non conformes à la ligne directrice du mouvement, ont été placés sous stricte surveillance pour une durée d’un an. Deux représentants du DFAE étaient présents à cette réunion, en ouverture et en clôture de session, mais pas durant les débats que suivait un conseiller technique du ministère burkinabé des Affaires étrangères. ”Ils nous ont dit que la Suisse était là pour promouvoir la paix dans cette région du monde. Ils nous ont encouragés à poursuivre sur cette voie”, révèle Moussa Ag Assarid, porte-parole du MNLA. Dans son discours, le président du mouvement rebelle touareg, Bilal Ag Acherif, a même chaleureusement remercié le "gouvernement fédéral suisse" pour son travail de "facilitation".

 

La Confédération s’implique depuis plusieurs années déjà pour un règlement de la crise au Mali, à travers son programme de politique de paix en Afrique de l’Ouest. Mais dans ce cas, la gêne est perceptible. Le MNLA a mauvaise presse. "Trois rapports d’ONG ont condamné les exactions des groupes armés dans le nord du Mali, dont le MNLA. Des cas de vols et de sévices sexuels ont été rapportés", témoigne le chercheur André Bourgeot. Curieusement, plusieurs photos dans lesquelles apparaissaient les représentants du DFAE lors de cette réunion ont été retirées des sites Internet pro-indépendantistes, quelques jours après leur publication.

 

Le DFAE a également réglé la facture logistique de cette réunion, a appris Le Temps de sources concordantes. Une aide ponctuelle et très ciblée, tient à clarifier le porte-parole du MNLA, Moussa Ag Assarid : "La Suisse n’a pas financé autre chose que la réunion de Ouagadougou." Le DFAE, que Le Temps a sollicité afin de confirmer ces informations, ne les dément pas mais refuse d’entrer dans le détail. "La réunion du MNLA fin juillet à Ouagadougou s’inscrit dans le cadre du processus de médiation du Burkina Faso auquel la Suisse apporte un soutien, à la demande des parties au conflit", fait savoir Carole Wälti, porte-parole au DFAE. Impossible d’obtenir le détail de la facture logistique de cet événement, aucun des organisateurs ne souhaitant nous communiquer les chiffres précis. Mais selon une source proche du mouvement, le montant avoisine les 15 000 francs.

 

 

Courrier International

 

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