Guerre préventive ou civilisationnelle ?

Au secours d'Israël, les États-Unis sont entrés, ce week-end, dans la guerre, en bombardant massivement des installations nucléaires en Iran. Si les Occidentaux saluent globalement une “guerre préventive” contre le nucléaire iranien, ils sont de plus en plus nombreux à dénoncer une guerre hégémoniste, avec des relents civilisationnels.
Israël est plus fort. Israël est celui qui attaque et qui agresse. Et c'est Israël qui est présenté par une bonne partie des dirigeants et de la presse occidentale comme étant la victime, comme le pays qui se défend contre des menaces. Ce week-end, les hostilités ont monté d'un cran. Trump a finalement lâché les bombes américaines foudroyantes sur l'Iran, pour aller à la rescousse de son allié. L'objectif, selon le président américain, c'était “de détruire la capacité d’enrichissement nucléaire de l’Iran et d’endiguer la menace que représente”, selon lui, le pays.
“Je peux annoncer au monde que les frappes ont été un 'succès militaire spectaculaire'. Les principales installations d’enrichissement nucléaire ont été complètement et totalement anéanties”, s'est-il réjoui, sommant le régime iranien de faire la paix. “S’ils ne le font pas, de futures attaques seront bien plus graves et bien plus aisées”, menace le tonitruant président des États-Unis.
Au secours d'Israël, Trump bombarde l'Iran et décrète la paix
Mais cette rhétorique d'une “guerre préventive” anti-nucléaire a du mal à passer, aux yeux de nombreux observateurs. Sur sa page Facebook, le professeur Cheikh Oumar Diagne, ancien ministre, est revenu sur la dimension “civilisationnelle” qui rend cette guerre un peu plus complexe et dont on parle très peu.
Dans le messianisme juif, rappelle-t-il, “Yahvé a donné toute la terre promise à Israël et sa descendance”. Alors, “toutes les nations entravant ce projet messianique sont des ennemis à abattre”, renseigne le Pr. Diagne.
L'apocalypse juive, selon lui, ne parle pas de l’au-delà comme chez les musulmans et chez les chrétiens. Elle renverrait plutôt à la reconstruction du grand Israël allant de la mer Rouge à la Méditerranéenne et du désert à l’Euphrate. “La venue du Messie doit être accélérée pour l’avènement du 3e temple et la domination des enfants d’Israël sur toute la face de la terre. L’équipe dirigeante actuelle croit fermement à cela et travaille à le concrétiser, car ce sont majoritairement des sionistes, suprémacistes, mondialistes”, indique le professeur Cheikh Oumar Diagne qui estime que cette dimension du conflit est centrale, dans l'analyse des actes posés de part et d'autre.
“L’arme nucléaire n’est qu’un prétexte dans cette histoire, car depuis des décennies, cette guerre est préparée des deux côtés”, analyse M. Diagne qui informe que “cet affrontement est un épisode de la Grande Guerre qui oppose Israël à l’islam”.
Cheikh Oumar Diagne : “L'arme nucléaire n'est qu'un prétexte.”
Il faut noter qu'avant cette guerre, plusieurs rapports d'organismes très sérieux avaient fait état que même si l'Iran disposait des capacités techniques et des moyens pour fabriquer une bombe atomique, il n'y avait pas encore de décisions politiques pour aller vers l'obtention de la bombe. Si jamais la décision était prise, il leur faudrait encore plusieurs mois avant la concrétisation. Pour toutes ces raisons, certains observateurs ont du mal à croire à l'argument de la guerre préventive du nucléaire. Ils mettent plutôt l'accent sur la volonté d'Israël d'être le maitre de la région.
Chez les pays arabo-musulmans, malgré les divergences profondes avec l'Iran, beaucoup ont condamné publiquement les frappes américano-israéliennes contre le pays des mollahs. Dans un message adressé à l'ayatollah Ali Khamenei, le leader par intérim des Frères musulmans, Salah Abdei Haq, exprime son soutien et son inquiétude. “Les Frères musulmans expriment leur soutien total à l’Iran face à l’agression israélienne, considérant qu’elle s’inscrit dans 'une tentative d’éliminer le foyer de résistance'. Nous formons une seule nation, tant sur le plan religieux, spirituel, civilisationnel que géopolitique”, soutient-il. Par ces frappes, insiste le leader sunnite, “l’entité israélienne cherche à se venger du soutien apporté par Téhéran à la résistance palestinienne et à affaiblir les centres de pouvoir régionaux, avec l’appui des États-Unis et d’autres pays occidentaux”.
A en croire le chef par intérim des Frères musulmans, les feux de l’occupation israélienne ne font aucune distinction entre leurs ethnies ou leurs confessions. “L’extension de l’agression à la République islamique vise à éliminer le foyer de résistance, qu’il soit un État central comme l’Iran ou un mouvement islamique dont les Frères musulmans sont le noyau. Les Frères musulmans saluent les sacrifices consentis par les nations en Palestine, au Liban, au Yémen et en Iran. Ces sacrifices imposent à chacun une responsabilité historique : œuvrer pour l’unité et l’intégration d’une action islamique commune”, a-t-il ajouté.
Pour Donald Trump, en revanche, s'il y a une menace, c'est plutôt à chercher du côté de Téhéran. “Depuis 40 ans, l’Iran clame 'Mort à l’Amérique, Mort à Israël'. Ils ont tué nos soldats, infligé des horreurs avec des engins explosifs improvisés. Nous avons perdu plus de 1 000 personnes et des centaines de milliers dans tout le Moyen-Orient et le monde ont péri à cause de leur haine...”, s'est-il défendu.
FERMETURE DU DÉTROIT D'ORMUZ La menace iranienne qui fait frémir les marchés Aujourd'hui, la question que tout le monde se pose, c'est quelles conséquences cette escalade peut-elle avoir sur la stabilité socioéconomique de la région. Déjà, l'Iran menace de fermer le détroit d'Ormuz en représailles à cette entrée des Etats-Unis dans la guerre. Ce qui, selon de nombreux analystes, entrainerait de lourdes conséquences sur le commerce international. D’après les analyses de Goldman Sachs et JP Morgan, les prix du pétrole brut pourraient exploser au-delà des 120 dollars, en cas de fermeture de cette voie où passe plus de 20 % du pétrole mondial. RÉACTIONS DES PAYS DE LA RÉGION ÉGYPTE Le président Abdel Fattah al Sissi a exprimé son rejet total de l’escalade israélienne contre l’Iran, estimant qu’elle constitue une menace grave pour la sécurité et la stabilité au Moyen-Orient. Il a appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la reprise des négociations pour parvenir à une solution durable. Selon le ministère des Affaires étrangères, le pays suit avec une inquiétude profonde l’escalade dans la région. Il condamne vigoureusement toutes les actions mettant en danger la sécurité et la stabilité régionales, souligne-t-il, non sans appeler à la plus grande retenue. “La seule voie possible est le dialogue politique, non militaire”, a insisté le MAE, qui informe que le chef de la diplomatie a eu des entretiens téléphoniques avec ses homologues iranien, israélien et américain. QATAR Pour sa part, le Qatar a fermement condamné l’attaque, la qualifiant de “violation flagrante de la souveraineté iranienne et d’atteinte au droit international”. Doha a exprimé une grande inquiétude quant à ses graves conséquences et appelé toutes les parties à l’arrêt de l’escalade. Le Qatar a également souligné l’importance de résoudre les différends par le dialogue et des moyens pacifiques, tout en alertant la communauté internationale sur un risque d’instabilité généralisée. TURQUIE Le ministère turc des Affaires étrangères a exprimé une grave préoccupation, soulignant que ces frappes accroissent significativement le risque d’un conflit régional s’étendant à l’échelle mondiale. Il a qualifié l’opération israélienne de “terrorisme d’État” et dénoncé des violations du droit international. La Turquie a également proposé ses bons offices en tant que médiateur entre Washington et Téhéran, appelant à une solution diplomatique pour éviter une nouvelle radicalisation et préserver la stabilité mondiale. ARABIE SAOUDITE Malgré un conflit historique avec l'Iran, le gouvernement saoudien a vivement condamné l'agression israélienne. À l'instar de nombreux autres pays de la région, Ryad a parlé “de violation flagrante de la souveraineté de l’Iran et du droit international”. Il a aussi appelé à une désescalade immédiate et au retour à des solutions diplomatiques, afin d’éviter une guerre régionale majeure. Les autorités saoudiennes ont aussi souligné l’importance de la stabilité économique, notamment pour les marchés pétroliers, et averti que toute réplique iranienne pourrait perturber significativement les approvisionnements en énergie. Dans le même sillage, il convient de noter que la Russie et la Chine ont également fermement condamné les bombardements américains. |
Par Mor Amar