Publié le 29 Jun 2019 - 14:21
MARCHE AAR LI NU BOKK

Les dessous d’une annulation

 

Les membres de la plateforme Aar Li Nu Bokk ont renoncé à leur marche d’hier. En conférence de presse, ils ont donné les raisons d’une telle décision.

 

Désormais, la plateforme Aar Li Nu Bokk compte faire cavalier seul. Visiblement hier, elle a payé son alliance avec les forces sociales. En effet, ces centrales syndicales d’enseignants et de médecins avaient prévu, le même jour, à la même heure, de faire une marche pacifique allant de l’Ecole normale au rond-point jet d’eau, toujours pour une gestion transparence des ressources naturelles.  Et ce, en invitant les membres d’Aar Li Nu Bokk qui, pour leur part, ont répondu favorablement à cet appel, abandonnant leur initiative de départ. Pour, selon eux, éviter qu’il y ait une dispersion des forces. « Nous nous sommes dits que nous nous battons pour la même cause. C’est dans cette optique que nous sommes retournés à la préfecture de Dakar le notifier. Le Préfet a donc demandé un document écrit qui explique ce changement. Chose que nous avons fait », explique Daouda Guèye, porte-parole du jour.

Cependant, dans la nuit 27 au 28 juin, le communiqué de l’autorité interdisant la marche est tombé. Et une fois de plus, c’est par les médias que la plateforme en a été informée. « Un manque de respect » qu’elle décrie depuis le début de son action. Hier, la posture du mouvement face à cette interdiction dépendait de celle choisie par leurs nouveaux compagnons de guerre, à savoir les syndicalistes. Ces derniers se sont finalement rétractés. « Nous ne pouvons que nous aligner sur leur décision, car ce sont eux qui nous ont invités », conclut Daouda Guèye. Lundi prochain, la plateforme compte annoncer le lieu et l’heure de sa prochaine manifestation.

« L’Etat cherche à diviser les citoyens sénégalais »

Dénonçant une atteinte au droit du citoyen, Aar Li Nu Bokk, pour l’heure, invite les Sénégalais et la communauté internationale à observer de très près ce qui se passe. Le mouvement en fait d’ailleurs sa propre analyse. « L’Etat cherche à diviser les citoyens sénégalais, à semer le trouble entre nous. Si ces gens veulent la violence, s’ils s’attendent à ce que le pays soit sens dessus dessous, qu’ils sachent que ce désordre ne viendra pas de nous. Nous nous battons pour la justice sociale. Nous nous battons pour nos enfants et nos petits-enfants. Nous voulons que la lumière soit faite quant à la gestion du pétrole et du gaz, rien d’autre ».

Les protestataires estiment que le régime en place veut tout sauf la paix, puisqu’il préfère un bras de fer, plutôt que l’apaisement. « La marche du vendredi dernier s’est passée dans le calme, sans aucun dérapage. Nous avons même terminé avant l’heure qui nous avait été donnée par les autorités. Nous avons rendu propre les lieux, avant de partir. Tout ceci est la preuve que nos intentions sont claires et sous-tendues par la paix. Pourquoi donc interdire la marche d’aujourd’hui ? », détaille Daouda Guèye. A l’en croire, le préfet de Dakar leur a annoncé le jour du dépôt de leur demande d’autorisation (lundi 24 juin) qu’une autre entité les avait devancés. Voulant savoir si cette information était avérée, la même autorité est revenue sur ses propos, en leur signifiant qu’ils sont les seuls à avoir déposé une demande d’autorisation.

Une possible dispersion des rangs

Au-delà d’une violation du droit de manifester pacifiquement, il ne serait pas inutile de se poser une question. Pourquoi il est souvent très difficile pour les Sénégalais de s’unir pour une même cause ? Dans ce cas précis, le G7 (syndicat d’enseignants) aurait pu se joindre à la plateforme et lui montrer son soutien sur le terrain, vendredi, puisqu’il dit épouser ses idées et son plan d’actions. Surtout qu’aujourd’hui le mouvement dans sa composition est hétérogène. Cependant, les syndicalistes ont choisi une autre option : faire une autre marche pacifique, le même jour, à la même heure.

En outre, l’on se souvient,  il y a un an, de la mort de l’étudiant Fallou Sène de Saint-Louis qui avait soulevé la fougue des étudiants de toutes les universités du pays. Pendant plusieurs jours, par dizaines de milliers, ils ont montré leur ras-le-bol face à la série de meurtre d’étudiants depuis 2001. Sauf que, le sursaut national et l’harmonie dans les discours n’ont été que de courte durée. Car, au moment de faire face au président Macky Sall pour justement mettre sur table leur revendication (justice pour Fallou Sène), c’est en rangs dispersés que chaque groupuscule y est allé pour soulever d’autres préoccupations. Pour des intérêts personnels et même « alimentaires », un noyau d’étudiants a accepté « le dessert » de l’autorité suprême, en étouffant la volonté de l’ensemble des étudiants. Ce groupe a osé se faire le porte-parole national, alors qu’il était à couteaux tirés avec ses compagnons de lutte. Résultats des courses : dégringolade du sursaut national et aucune poursuite judiciaire contre le policier identifié (présumé coupable du meurtre) jusque récemment.  Au niveau national la déception a été grande, beaucoup ont dit avoir même honte d’être étudiant.

Pour en revenir à la situation actuelle, les choses sont différentes mais, la division tant décriée et redoutée par les uns risque de prendre forme. Surtout si chaque entité de citoyens élabore son propre plan d’action pour une cause pourtant identique à celle de la plateforme qui a pris les devants. Surement, derrière cet état de fait se cache un souci de visibilité. Une occasion rêvée pour se faire entendre, quand on a de multiples revendications qui jusque-là demeurent sans solutions. Et donc, dans cette logique, évidemment, l’intérêt général se trouve sacrifié ou constitue un rempart pour résoudre d’autres problèmes.

Aar Li Nu Bokk a été on ne peut plus claire quant à sa posture face à de nouveaux adhérents. Ces derniers devront s’unir à la plateforme et partager ses activités. Un principe qui s’il est respecté pourrait bien booster l’ampleur de sa lutte. Au cas contraire, on assistera à une cacophonie qui pourrait éloigner les uns et les autres de leur but principal.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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