Nostalgique et faux-fanatique
La sortie de Me Elhadj Amadou Sall sur le Jet privé de Karim Wade, qui a choqué beaucoup de monde avec raison, doit paradoxalement être ramenée à une juste proportion. De façon brute, soutenir publiquement qu’il n’y a pas de différence entre voyager en Jet privé, en charrette ou en 2CV relève sans doute de la pure bêtise et de l’arrogance. Mais cette déclaration révèle fondamentalement un état d’esprit chez son auteur : il n’a pas encore digéré la défaite cuisante du candidat dont il était le porte-parole au cours de la dernière présidentielle.
Huit mois jour pour jour après le départ de son champion déchu, Me Amadou Sall, au cours de l’émission Grand Jury de la Rfm, n’a pas semblé réagir face à une réalité qui a heurté une majorité écrasante du peuple sénégalais : l’absolue puissance du fils de son obligé qui, pendant une décennie, s’est permis ce qu’aucun être doué de raison basique n’a jamais osé faire des deniers et des intérêts de la collectivité nationale sénégalaise en 52 ans d’indépendance dans notre pays. Mais Me Sall reste cohérent avec lui-même : comme il a été un serviteur zélé d’un régime qui lui a donné tout ce qu’il n’aurait jamais espéré avoir et amasser dans les conditions normales de fonctionnement d’un Etat sain, il s’impose la fidélité à ses bienfaiteurs, jusque dans la bêtise des mots et des comparaisons. C’est un faux fanatique.
En vérité, l’avocat Sall, ancien Garde des Sceaux, déroule une vengeance crypto-personnelle pour choquer et faire payer la note aux «pauvres gens» qui ont déboulonné le messie qu’il croyait accompagner dans le pouvoir pendant un demi-siècle. Son discours antipatriotique sur le Jet privé de monsieur Karim Wade est certainement le renouvellement de l’allégeance à la famille de l’ex-président de la République, au moment où toutes les pontes avec qui il est aujourd’hui moralement responsable du pillage des deniers de la nation.
Au final, l’avocat Sall ne souhaite pas revenir sur terre après avoir surnagé dans les lambris dorés du pouvoir. Il aurait aimé que Me Wade restât au pouvoir jusqu’à l’usure, que Karim Wade continuât indéfiniment ses pérégrinations entre ciel et terre, que les seconds couteaux de l’ex-régime honni n’arrêtassent jamais de ramasser les miettes que le deus ex-machina aurait bien voulu leur lancer, que le Sénégal demeurât gangrené par le wadisme, advînt que pourra aux «pauvres gens»... En cela, Me Amadou Sall est parti pour être un grand nostalgique d’ancien régime. A moins qu’il renie ses «convictions» wadistes…
Momar Dieng
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