Publié le 8 Aug 2017 - 22:57
MOR KANE (PDS, DÉPUTÉ EUROPE DU SUD)

La longue marche

 

Après avoir tout donné au  Pds, Mor Kane a vu les 12 ans de règne de Wade passer sans une once en guise de récompense. Mais comme les voies du Seigneur sont insondables, le cadeau céleste est venu sous forme  de député de la diaspora.

 

Si Mor Kane avait fait des études supérieures, il aurait  figuré peut-être dans le premier gouvernement de Wade en 2000 ou il aurait sans doute été directeur général d’une société stratégique. Mais cet émigré natif de Kanène Ndiomba à Sagata (Kébémer) a quitté très tôt les bancs de l’école française. En fait, il a buté sur la barrière que n’a pu franchir bon nombre de Sénégalais, c’est-à-dire le Certificat d’études primaires et le Concours d’entrée en sixième. Ce faible niveau d’étude qui s’est arrêté en Cm2 a été un gros handicap dans sa carrière politique. Mor Kane a intégré le Pds en 1974. C’est lui qui a acheté la 271e  carte de membre du parti.

À l’époque, la formation de Me Wade n’avait même pas de bureau politique, raconte-t-il. C’était plutôt des réunions plus ou moins informelles. Fils de Mariama Kane et d’un grand commerçant du nom de Serigne Thiéko Kane, il aidait son père dans cette activité. C’est d’ailleurs ce coup de main qui a eu raison de sa scolarité. Cependant, il n’a pas raté l’instruction religieuse. Même s’il n’est pas exégète en islam, il sait quand même lire tout le Coran. Il a aussi assimilé certains livres qui traitent de la pratique religieuse (fikh) sans compter des hadiths. Ce qui ne l’a pas empêché d’embrasser la politique.

Il dit avoir accueilli  Abdoulaye Wade dans sa localité et lui a permis de remporter ses premières collectivités locales en 1976. ‘’J’ai vu Abdoulaye Wade en rêve. On me l’a présenté. On est allé ensemble sous un arbre où il y avait Moussa Traoré, Mobutu et Senghor. Ils se sont tous levés pour dire qu’ils vont accueillir le président’’, raconte-t-il. Son engagement devient alors sans réserve. Mor Kane se rappelle l’époque où la jeunesse du parti prenait chaque jeudi le journal du parti Démocrate pour le vendre dans les rues, alors qu’il était interdit de parution par le pouvoir socialiste.

C’est à cette même date qu’il ouvre le grand livre du monde. D’abord au Mali, puis en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso. Il revient au Sénégal pour repartir en 1979. Cette fois-ci en Mauritanie. Après un an, il retourne à nouveau au pays. Véritable globe-trotter, il part en France en 1983. En 1984, il rallie l’Italie, un pays dont il dit avoir fait le tour. Le décès de sa maman le contraint à rentrer au bercail. Mais la même année, il reprend les airs en direction de l’Espagne. ‘’Partout où je suis passé, j’ai essayé d’implanter le Pds. Je  faisais toujours un détour   à la permanence du parti à Colobane pour amener des cartes membres du Pds avec moi’’, raconte le nouveau député élu sur la liste de la Coalition gagnante/Wattu Senegaal en Europe du Sud (Italie, Espagne, Portugal, Grèce) avec Mame Diarra Fam, la présidente de la section Pds de Milan, et Nango Seck de Bokk Gis-Gis. Ce département de la diaspora est d’ailleurs le seul  à avoir échappé à la razzia de Benno Bokk Yaakaar. Pour Mor Kane donc,  il s’agit d’une ‘’double victoire’’.

L’homme s’est beaucoup impliqué dans les questions de l’immigration. Les noms des ambassadeurs et consuls généraux qui sont passés en Espagne, il les répète comme les lettres de l’alphabet arabe. Il dit avoir toujours essayé d’être au chevet des Sénégalais en difficulté. Parfois, il a voulu aider sans se faire comprendre. ‘’On m’a même insulté, mais j’ai laissé passer, parce que je comprends la situation dans laquelle vivaient ces compatriotes’’, dédramatise-t-il.

En 2000, Mor dit avoir acheté une voiture qu’il a conduite jusqu’au Sénégal pour battre campagne avec. Le véhicule a coulé à Kébémer. Ne disposant plus de moyens, parce qu’ayant tout investi, il n’a pu la réparer. Malgré tout, il n’a jamais été nommé ou élu à un poste du temps de la présidence de Me Abdoulaye Wade. En 2010, comme pour le narguer, le ‘’Pape du Sopi‘’ fait de lui le président du Conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur. Un poste sans salaire. Autrement dit, le bénévolat continue. Ce qui n’a en rien émoussé son engagement. Marié et père de quelques ‘’bouts de bois de Dieu’’, Mor a tout donné au Pds.  Et il trouve toujours  des excuses pour absoudre son maître.

L’appel de Me Wade  

Le coup de trop a failli avoir lieu avec cette candidature à la députation. Après avoir organisé et gagné des primaires sur WhatsApp face à trois autres candidats, il a été désavoué par la direction du parti. Finalement, c’est Sada Ndiaye qui a été envoyé en Espagne pour superviser le vote, à l’issu duquel il sort vainqueur. Curieusement, une fois à Dakar, il apprend par la presse que les responsables ont changé les dispositions et ont fait de lui le suppléant, alors qu’il était titulaire. Il engage alors la bataille. ‘’J’ai envoyé des messages audio à Wade sur WhatsApp. J’ai appelé le président  Karim’’. Face à sa détermination,  Me Wade fini par l’appeler un mercredi à 11 h et dans l’après-midi, les listes ont été changées. ‘’Je suis wadiste, je ne demande rien, mais il faut qu’on me donne ce qui me revient’’, déclare-t-il. Si seulement il l’avait compris il y a longtemps !  

BABACAR WILLANE

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