Publié le 7 Jan 2020 - 02:37
MOUSSA SAME DAFF, DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER NATIONAL DALAL JAMM

‘’Ce sont les fournisseurs qui ont accusé du retard’’

 

Depuis l’arrivée des appareils de radiothérapie, les problèmes se multiplient à l’hôpital Dalal Jamm. Cette fois, c’est le scanner simulateur qui ne marche pas. Dans cette entretien, son directeur général, Moussa Same Daff, donne les raisons des différentes pannes, explique les causes du retard dans la réparation, avant de faire le diagnostic du centre.

 

Le scanner simulateur est tombé en panne. Quelle est la cause ?

Les équipements sont comme des êtres humains qui tombent malades, qu’on soigne, qui reprennent leurs activités jusqu’à leur disparition. Les équipements ont le même processus. On l’acquiert, on fait la maintenance, ils tombent en panne, on répare jusqu’à ce que l’équipement ne serve plus. C’est le cycle de vie de n’importe quel équipement. S’agissant du scanner simulateur de l’hôpital, effectivement, on a eu des ennuis techniques au niveau du tube qui est tombé en panne. Nous avons fait ce que nous devrions faire, parce qu’en réalité, l’Etat du Sénégal a bien acheté. Quand je dis bien acheté, cela veut dire qu’il a mis toutes les conditions de garanties possibles. Le tube est sous garantie. Nous avons interpellé l’entreprise qui n’est pas en Afrique ; elle est en Autriche. A leur niveau, ils ont des procédures. Il faut qu’ils fassent l’expertise pour voir ce qui est à l’origine de cette panne, avant de pouvoir se prononcer. Ils ont pris leur temps pour le diagnostic, pour leur contre-expertise en Allemagne et ont compris que la panne n’était pas à notre niveau. C’est pourquoi ils ont accepté d’envoyer le tube au Sénégal.

Entre-temps, il y a eu des procédures douanières. Cela a pris du temps. Le tube est arrivé à Dakar ; il devrait être installé. Malheureusement, l’entreprise qui représente la société, en l’occurrence Certec, n’a pas pu installer le tube, parce qu’elle aurait reçu de la part de Vamed, l’ordre de ne pas procéder à l’installation. Quand nous avons demandé les raisons, ils n’ont pas répondu, malgré les nombreuses correspondances qui leurs sont adressées. Trois semaines après, ils ont écrit pour nous signifier la présence du tube, mais qu’il y a des paiements en suspens que l’Etat reste leur devoir au titre de ce marché. Ce n’est pas un problème pour l’Etat de payer. Mais les finances publiques obéissent aussi à des procédures. Quand vous faites un marché, vous exigez un paiement, il faut donner une garantie de bonne exécution. On leur a demandé de donner une garantie de bonne exécution, ils (les fournisseurs) ont tardé, leur garantie était finie. Ensuite, ils ont fait des erreurs sur leurs factures. Ce n’est que tout récemment qu’ils ont envoyé leur code swift, leur garantie de bonne exécution et rectifié leur facture. Tout a été soumis au ministère de l’Economie et des Finances pour règlement. Ce sont les fournisseurs qui ont accusé du retard.

La réparation de ce scanner est une urgence. Qu’est-ce qui explique tous ces tracas, si vous avez signé un contrat avec les fournisseurs ?

C’est parce qu’il y a un contrat que ces fournisseurs doivent exécuter. Parce que le tube de scanner est sous garantie. Quand l’équipement est sous garantie et que l’origine de la panne ne nous est pas imputable, le fournisseur est tenu de changer le tube. Ils auraient dû changer tout simplement la pièce et continuer la procédure. Mais ils ont demandé à être payé sur un marché global. Quand l’Etat va jusqu’à payer plus de 90 % du marché, c’est dire qu’il est à l’aise pour la suite, mais faudrait encore qu’en face, on soit en règle administrativement. On ne doit pas lier le changement de ce tube à un marché qui est à payer globalement. Qu’à cela ne tienne, le ministère de la Santé a fait le nécessaire, comme du reste celui des Finances et du Budget, et la situation évoluera dans le bon sens, dans les jours à venir.

Le blocage est causé par cette dette de l’Etat aux fournisseurs ?

Bien sûr que non. Le blocage est lié, premièrement, au fait surtout que les fournisseurs ont tardé dans leur contre-expertise. Deuxièmement, ils ont tardé dans l’envoi de leur garantie de bonne exécution et, enfin, le retard par rapport à l’erreur constatée dans leur facture. L’argent public a des procédures pour être dépensé. Tant que ces procédures ne sont pas respectées, aucun paiement ne peut se faire, même si c’est destiné à une multinationale. C’est ça la réalité. On ne peut pas dégager ou sortir de l’argent comme ça. Il faut respecter les procédures, en matière de finance publique. C’est pour dire que, s’il y a eu ce petit blocage, ce n’est nullement du fait de l’Etat, encore moins du ministère de la Santé.

Pourquoi l’hôpital n’a pas réglé directement cette panne ?

L’hôpital a un budget qui lui est destiné. Celui-ci n’a pas pris en compte et ne doit même pas prendre en compte le paiement d’un équipement qui est sous garantie. Si c’était des problèmes de maintenance, on aurait compris. Mais ce n’est pas le cas. La garantie arrivant à terme en juin 2020, le ministère a déjà provisionné cette dépense, dans le cadre de sa démarche proactive. Avec les moyens que détient l’hôpital, nous cherchons à acquérir d’autres équipements pour renforcer notre plateau technique et à maintenir ce qui est déjà là.

Le scanner simulateur est le maillon essentiel de la radiothérapie. Quelles sont les conséquences directes sur les malades ?

Pour être traité en radiothérapie, il faut faire de la simulation, de la dosimétrie et le traitement. Tous les malades qui avaient été simulés sont en cours de traitement. Jusqu’à ce jour, il nous reste 17 malades qui sont en traitement. La solution alternative que nous avons, est qu’avec nos techniciens et l’entregent du chef de service, ces malades sont simulés avec un autre scanner dans une autre structure. Nous prenons les images par Cd et on continue le traitement normal au niveau de l’hôpital. La conséquence est peut-être la réduction du rythme de prise en charge des malades, mais cela n’entraine pas l’arrêt systématique du traitement. Tout est question de communication, tous les malades sont bien au fait de la situation et la solution alternative semble leur convenir. Donc, il n’y a pas à s’inquiéter.

Dans ce cas, le malade paie deux fois pour le même service. Est-ce que les malades ont les moyens de le faire, même si c’est transitoire ?

Nous sommes un service public. Donc, le malade paie pour la radiothérapie. Mais si vous voulez faire le scanner dans une structure privée, il faut payer. Nous avons négocié à ce que le paiement soit de moitié, pour aider les malades. Même s’il n’y avait pas cette panne, il y aura toujours des gens qui n’arriveraient pas à payer. On le constate dans l’hôpital. Le cancer n’est pas la seule maladie à soins coûteux. Toutes les maladies non transmissibles sont plus ou moins à soins coûteux. Notre rôle de service public nous amène, dans la mesure du possible, à faire des tarifs accessibles, à défaut de pouvoir payer, de voir comment l’hôpital peut supporter ces charges. 

Notre rôle est que les malades puissent être pris en charge. Dans un système comme le nôtre, il faut que ceux qui ont les moyens de payer paient, pour que l’hôpital puisse prendre les malades qui n’ont pas les moyens de payer, à partir d’un système de péréquation. Il n’y a pas que l’hôpital Dalal Jamm qui fait de la simulation. Il y a Le Dantec, et des cliniques qui le font. Ce n’est pas parce que le scanner simulateur est en panne que tout le système est bloqué. Nous avons cherché des alternatives. Aujourd’hui, avec la gratuité de la chimiothérapie, nous sommes à presque 350 malades pris en charge. 

Certains font deux à trois fois la chimiothérapie. Tous les produits leurs sont offerts. Donc, l’Etat fait beaucoup d’efforts. L’hôpital fait de son mieux. Pourquoi, quand un échographe tombe en panne ou un bloc opératoire, on n’en parle pas ? Toutes les maladies sont importantes, pour nous. Tout ce que nous pouvons faire pour soigner le malade, nous le faisons. Nous avons une obligation de moyens. Ce que nous n’avons pas, c’est une obligation de résultats, c’est-à-dire de s’assurer que le malade sera rétabli.

L’hôpital a-t-il arrêté de prendre de nouveaux patients devant faire la radiothérapie, puisque vous n’avez plus de simulateur ?

Non, non. Nous n’avons pas arrêté. D’ailleurs, le dernier malade vient de quitter tout de suite la table (jeudi dernier). A partir de la semaine prochaine, nous allons faire entrer de nouveaux malades qui seront en cours de traitement. Comme je vous l’ai dit, nous nous déplaçons avec nos moyens de contention ailleurs pour prendre les images et venir traiter ici à l’hôpital. Certains malades vont être pris en charge à l’hôpital Le Dantec, d’autres le seront à un autre niveau. L’offre n’est pas le monopole de l’hôpital.

Pendant ces 5 mois de panne, y a-t-il eu des décès ?

Mes techniciens sont en contact avec les concernés. A ce que je sache, il n’y a pas eu de morts liés à cette panne.

C’est la deuxième panne, après celle de l’accélérateur. Est-ce que vous avez un contrat de maintenance ?

Le premier acte de maintenance, c’est l’acte d’achat. C’est au moment de l’achat qu’on détermine le service après-vente, les conditions de garantie, la disponibilité des pièces de rechange. Dans les contrats qui lient ces fournisseurs à l’Etat du Sénégal, tout a été bien campé. C’est la raison pour laquelle, quand il y a eu une panne des accélérateurs, nous avons fait prévaloir la garantie et le problème a été réglé rapidement. C’est pareil pour le scanner. Nous avons fait prévaloir la garantie et le tube est à Dakar. Il y a bel et bien un contrat dans lequel, pendant les 3 ans d’exploitation, il y a la garantie pièces et main-d’œuvre. Maintenant, au-delà, c’est l’hôpital qui va faire des provisions pour élaborer un contrat de maintenance. Nous avons, pour l’année 2020, intégré cela. Quand vous parlez de panne, il faut voir également la situation géographique de l’hôpital. L’hôpital est dans une zone ou les installations sont attaquées par les embruns marins.  Nous avons une vaste politique de maintenance qui intègre le préventif et le curatif. Conformément aux orientations du président de la République, traduites en instructions par le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Monsieur Abdoulaye Diouf Sarr, nous nous concentrons sur notre cœur de métier, c’est-à-dire les soins.

Donc, cette maintenance de troisième niveau est externalisée, au même titre que l’accueil, le nettoiement, la cuisine, la buanderie. La contrainte majeure que nous avons, et qui est d’ordre environnemental et naturel, c’est notre position géographique qui fait que nos installations sont attaquées par les embruns marins. Malgré cela, nous prenons des dispositions pour faire face.

Mais le budget de l’hôpital est à 500 millions. Est-ce que vous pourrez gérer cette maintenance en 2020 ?

Le budget est constitué par l’ensemble des ressources de l’hôpital. C’est la subvention qui est à hauteur de 500 millions. Aujourd’hui, il est à 550 millions. Il y a également les ressources propres de l’hôpital. C’est-à-dire les recettes. Nous serons peut-être à 1 milliard. Même par rapport à ces 500 millions de subvention, il y a d’autres transferts dont l’hôpital bénéficiera, dans le cadre du budget-programme. Cela n’a rien à avoir avec l’argent prévu par l’Etat pour le contrat de maintenance, une fois que la garantie sera terminée au mois de juin. C’est une subvention d’exploitation, tout simplement.

Nous avons constaté qu’il n’y a pas beaucoup d’affluence, certains services non fonctionnels. Comment se porte l’hôpital ?

Ce qu’on évite, c’est justement qu’il y ait trop d’affluence. Dans certains hôpitaux européens, vous pouvez faire le tour de l’hôpital, sans pour autant voir énormément de monde, et ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’affluence. Cela entraine la pollution de l’environnement et une pollution sonore. Le système ici est fait de telle sorte qu’on n’a pas besoin de cette affluence. Il y en a qui viennent à 8 h, d’autres ont rendez-vous à 10 h, 12 h, ainsi de suite. Tout le monde ne vient pas à la même heure, de sorte que quand certains sortent, d’autres entrent.

La deuxième chose est que Dalal Jamm est un jeune hôpital qui est en train de se développer. Certains veulent faire de Dalal Jamm une question politicienne. Je l’ai toujours dit : en matière de santé, on n’a pas besoin de faire de la politique politicienne. Nous prenons le temps de faire les choses correctement, parce qu’il s’agit de la santé de nos concitoyens, de notre santé. Un jeune hôpital qui, aujourd’hui, fait 3 700 passages, rien qu’en consultations par mois, plus de 60 mille examens de laboratoire, 7 000 actes d’imagerie médicale, c’est dire que nos activités se développent progressivement, même si nous aurions aimé que ça se développe plus vite. Nous avons démarré les hospitalisations dans certains services, au mois d’avril 2019, notamment en pédiatrie, en hématologie clinique et en médecine interne.

A ce jour, nous sommes à 325 malades avec une durée moyenne de séjour de 6 jours, ce qui est appréciable. En matière de prise en charge des urgences, sur huit mois, nous avons reçu 636 cas et 42 ont été évacués vers d’autres structures, soit un taux de prise en charge de 94 %. Les activités d’endoscopie aussi ne cessent de croitre. Nous privilégions la qualité et non la quantité. C’est pour simplement dire que l’hôpital se porte bien. Vous n’avez pas entendu de mouvement. L’hôpital est à jour de ses charges vis-à-vis de son personnel. Il y a des projets en cours. Il y a juste des travaux qui nous retardent et l’entreprise est en train de finaliser les travaux des blocs opératoires. Nous avons finalisé notre local pour le centre d’évaluation et de traitement de la douleur. Nous attendons nos partenaires de Nantes pour démarrer cette activité.

Pour 2020, nous allons mettre en place, avec l’appui des laboratoires Merck, l’unité de traitement de l’insuffisance cardiaque (UTIC). C’est extrêmement important. Nous avons démarré notre unité de procréation médicalement assistée. Notre objectif est d’apporter de la valeur ajoutée dans ce qui est en train de se faire. Nous sommes un système et chaque élément doit apporter quelque chose. Dalal Jamm doit apporter un plus par rapport à ce que le système offre.

Par conséquent, nous pensons que nous sommes sur le bon chemin. L’hôpital est resté fermé pendant des années. Un hôpital, ça s’ouvre progressivement, surtout un hôpital qui est né avec une tare congénitale dans son montage technique et financier. Mais que les autorités sont en train de corriger progressivement. C’est justement pour ça qu’il a démarré ses activités.

Y a-t-il pas moyen d’alléger ces procédures, vue que les patients sont dans l’urgence ?

Ce qui est paradoxal, dans notre pays, est que, quand on essaie d’alléger pour aller vite, eh bien, on parle de scandale. Parce qu’il y a des procédures de passation de marché. Même si c’est des bailleurs de fonds, il y a des procédures à respecter. Quand vous passez des marchés sur financement étranger, on vous exige de le faire à l’international, ce n’est pas moins de 6 à 7 mois.  Si on ne le fait pas, cela peut nous rattraper. Les gens ne verront pas que le travail a été vite et bien fait pour le bien des populations. On verra juste le non-respect des procédures. Il ne faut pas qu’on soit dans l’émotion. Si ce n’était que de notre ressort, tout fonctionnerait bien. Dalal Jamm marche lentement, mais sûrement pour le bien-être de la population.

VIVIANE DIATTA

 

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