‘’Macky Sall n’a pas promis de réviser le mandat présidentiel’’
Le référendum annoncé en mai 2016 par le président de la République suscite beaucoup de commentaires au niveau de l’espace politique. Si certains rejettent déjà l’idée qu’il soit présenté sous forme de package, pour d’autres, il n’y a pas d’autres options. Parmi ces derniers, le leader d’Action patriotique de libération (Apl). Selon Moustapha Fall Che, ce serait beaucoup plus judicieux d’adjoindre à cette révision toutes les autres réformes dont le Sénégal a aujourd’hui besoin. Dans cet entretien avec EnQuête, le ‘’Guévariste’’ de la deuxième alternance soutient que le président Sall n’a pas promis de réduire le mandat présidentiel mais plutôt son mandat à lui.
Un référendum est annoncé au mois de mai 2016 prochain. Quel est votre avis sur la question ?
Le président de la République, Macky Sall a pris l’initiation de réviser l’article 27 de la constitution. Il a décidé de passer par la voie référendaire mais ce n’est pas une obligation parce que, ne serait-ce qu’en termes de parallélisme des formes, on pouvait bien passer par la voie parlementaire. Cette loi qui a réinstauré le mandat de sept ans a été révisée par voie parlementaire. C’est la loi 2008-66 révisée par voie parlementaire par l’ancien président Abdoulaye Wade. Elle peut encore être révisée par voie parlementaire mais le président de la République a opté pour le référendum parce que certainement, il va y ajouter autres choses.
De toutes les façons, il faut noter que la révision de l’article 27 est très compliquée contrairement à ce que pensent les gens. On dit qu’on va la soumettre au Conseil constitutionnel. Mais l’article 27 qui découle de la loi 2008-66 est une loi constitutionnelle. Or, le Conseil constitutionnel n’a pas le pouvoir de vérifier ou de contrôler la constitutionnalité d’une loi constitutionnelle. Ne serait-ce que sous ce rapport, le Conseil constitutionnel risque de dire : ‘’Je suis incompétent.’’ C’est plus compliqué encore en ce sens qu’entre réviser son mandat et réviser le mandat présidentiel, c’est différent. Macky Sall n’avait pas promis de réviser le mandat présidentiel. Ce qu’il avait promis, c’est de réviser son mandat. Réviser son mandat est différent de réviser le mandat présidentiel. Mais à ce niveau, moi j’ai la solution et s’il opte pour cela, je le conseillerai dans le bon sens et il fera ce qu’il doit faire pour que cela passe.
Mais que doit-il faire ?
A priori, je lui réserve la primeur. Quand il s’en ouvrira à moi, je vais lui donner la bonne formule.
Ils sont nombreux à redouter que le référendum soit présenté sous forme de package comme cela a été le cas avec le vote de la loi modifiant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Quelle formule proposez-vous ?
Il y a un problème de coût qui va se poser si on doit dissocier les réformes à mener. On a créé la Commission nationale de réforme des institutions. Macky Sall avait même confié ladite commission au Pr Amadou Makhtar Mbow qui a mis en place une équipe. Ils ont remis leur travail et ont présenté presque une nouvelle constitution même si cela ne leur a pas été demandé. Donc on risque d’avoir deux référendums. Parce que parmi les réformes préconisées par Makhtar Mbow et ses amis, il y a des dispositions qui ne peuvent être révisées que par voie référendaire. Et je pense que c’est impossible d’organiser deux référendums. Je pense que ce serait plus judicieux de présenter cela sous forme de package. Ceux qui sont pressés pour que Macky Sall parte, veulent tout de suite qu’on réduise le mandat. Mais la meilleure façon de réviser ce mandat, c’est d’accompagner cette révision par d’autres qui intéressent tout le monde. Si on fait uniquement la révision sur l’article 27 de la constitution, cela ne va pas passer. Cela, je le sais.
La coalition Macky 2012 à laquelle votre parti est membre commence à bouger un peu avec des activités qui sont initiées ces temps-ci comme le séminaire de Thiès. Que visez-vous exactement comme objectifs ?
Le séminaire de Thiès, c’est le premier d’une série de séminaires qui vont se tenir au moins dans chaque chef-lieu de région. C’est une initiative qui entre dans le cadre de la fonction éducative et informative de la coalition. C’est pour permettre de mettre à niveau les cadres et les responsables de Macky 2012 pour qu’ils soient imprégnés des problèmes de l’heure. Vous avez vu qu’on a parlé, au cours de ce séminaire, du Plan Sénégal émergent (Pse) mais surtout de la réforme des institutions. Ça, on va le répercuter au niveau de tous les chefs-lieux de région.
Ce faisant, tous les cadres de Macky 2012, à quelques niveaux qu’ils se situent dans le pays, seront informés et imprégnés des véritables problèmes et enjeux du pays parce qu’ils doivent prendre le relais. C’est eux qui doivent communiquer sur les actes que pose le président de la République. Il faut que ces responsables, pour qu’ils puissent communiquer et communiquer bien, soient au courant de ce qui se passe. Donc il faut qu’ils soient informés. C’était cela tout le sens de ce séminaire au cours duquel nous avons également sonné la mobilisation des membres de Macky 2012 pour la réélection du président de la République.
Justement à propos de cet objectif que vous êtes fixés, pensez-vous que le contexte du pays soit aujourd’hui favorable à Macky Sall ?
A chaque fois qu’on est à la veille d’une élection, surtout la présidentielle, ça bouillonne et ça donne l’impression qu’il y a des difficultés, que le parti au pouvoir est en difficulté ou que le président perd du terrain. Mais au fond, il n’en est rien de tout cela. Je pense que le président a assez travaillé depuis son accession à la tête du pays et les Sénégalais qui ne sont pas dans la politique politicienne en savent quelque chose. Maintenant, ce que dit l’opposition, c’est normal. Ils sont dans leur rôle et dans leurs droits. Ils ont le droit de dire qu’il n’a rien fait. Mais les faits démentent cela. Nous sommes très optimistes sur la réélection du président de la République, Macky Sall. Malgré tout, nous ne baissons pas les bras, nous continuons le travail. Il pose des actes qui sont appréciés, nous faisons le relais pour vendre ces actes aux Sénégalais. C’est cela la politique. C’est comme cela qu’on va, de jour en jour, modifier les rapports des forces en faveur du président de la République.
Politiquement, que vaut la coalition Macky 2012?
Macky 2012 est une coalition un peu spéciale, qui sort de l’ordinaire. C’est la première coalition du président de la République en 2012. On disait que c’était la coalition la plus faible parce que composée par de petits partis politiques. Mais ce sont ces partis qu’on qualifiait de petits qui ont amené le président Macky Sall au deuxième tour. Cela résume tout. Et ce qu’on a fait en 2012, on va le refaire en 2017 ou en 2019. La force d’un parti ou d’une coalition ne réside pas dans le nombre de ses militants. Un parti de masse peut avoir beaucoup de militants mais ne pas avoir de l’emprise, de la science qu’il faut pour mobiliser les masses et les amener là où il veut qu’elles partent. Macky 2012 fait partie des coalitions qui comptent et pèsent dans le champ politique sénégalais.
Votre coalition garde-t-elle toujours le même poids politique si on sait que beaucoup de ses partis membres se sont tout simplement fondus dans l’Apr ?
Ils ne sont pas nombreux les partis de Macky 2012 qui ont rejoint l’Apr. Contrairement à ce que pensent les gens, ils ne font pas plus de 10 partis. A la limite, c’est moins de sept partis, peut-être cinq qui ont rejoint l’Apr. Mais cela n’est pas une perte pour le président de la République ou pour la coalition. Ils étaient dans Macky 2012 qui est la coalition du président de la République, maintenant ils sont carrément dans le parti de Macky Sall. Il y a eu ceux qui ont dit : allons-y directement parce que la meilleure façon d’aider le président de la République, c’est d’être dans son parti. Mais des gens comme moi n’ont pas dit cela et on est resté pour continuer le travail.
Quel est votre avis sur la situation du pays ?
Le pays bouge à tous les niveaux et sur tous les plans. La vie évolue et il y a une mouvance. Même si on a eu des dossiers très difficiles qu’on a gérés comme la traque des biens mal acquis. Ce qui n’a jamais eu lieu au Sénégal. Abdou Diouf a essayé, cela n’a pas marché, il a très tôt arrêté. Macky Sall est allé jusqu’au bout. Maintenant il faut continuer la traque parce que les Sénégalais qui demandaient à ce que tous ceux qui ont pillé les ressources du pays soient sanctionnés, exigent que cette traque continue et touche tous ceux qui ont volé les deniers publics. Il ne faut pas s’arrêter aux seuls Karim Wade, Pouye et autres.
Pour beaucoup, la situation du pays est très difficile. Qu’en pensez-vous ?
A quel niveau la situation est-elle difficile ?
On vous repose la question.
Vous voyez ce que disent les institutions monétaires, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (Fmi) et les organisations qui jaugent les économies des pays. Tous sont favorables au Sénégal. Le Fmi prévoit une croissance de 5,5% pour 2014 et 6% pour 2015. Je pense que le problème qu’on a, nous, c’est qu’en termes de communication, l’opposition est en avance sur la mouvance présidentielle. Voilà pourquoi on a l’impression que cela ne va pas. Parce que tout ce que le président de la République a fait, si on avait bien communiqué là-dessus, l’opposition ne pourrait pas dire ce qu’elle dit aujourd’hui.
Il est plus facile de faire l’opinion que de la défaire. Mais malheureusement jusqu’à présent, on laisse l’opposition faire l’opinion et après, on court derrière pour la défaire, ce qui est très difficile. Je pense que sur ce plan, il nous faut apporter des correctifs. Il faut toujours procéder à une rectification quand il y a des manquements ou des déviations. Il faut qu’on revoie notre communication même si elle n’est pas si mauvaise que le pensent certains. Il faut que la communication ne soit plus à la défensive. Une communication doit être en amont et en aval de l’acte qu’elle vend.
Quand on prépare des décisions majeures, ceux qui ont en charge la communication doivent en être informés pour qu’à leur tour, ils puissent préparer l’opinion. Quand l’acte est posé, il faut que les communicants l’accompagnent et le vendent auprès des Sénégalais. Ce faisant, même si l’opposition doit parler, ce n’est plus en termes d’attaque. Parce qu’on a déjà posé les jalons, la communication de l’opposition ne pourra plus passer. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas ; jusqu’à présent on est sur la défensive. On attend que l’opposition fasse l’opinion pour ensuite ruer dans les brancards pour la défaire.
PAR ASSANE MBAYE