Publié le 21 Mar 2023 - 22:26
NOUVEAU RAPPORT DU GIEC SUR LE CLIMAT

Une décennie pour éviter l’irréparable

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a appelé à un sursaut international pour traiter l’urgence climatique et ses conséquences de plus en plus irrattrapables.

 

Dix ans. C’est la période  d’urgence que se donne le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) pour éviter le pire dans la gestion des conséquences des changements climatiques. Ces experts ont publié, hier, la synthèse de huit ans de travaux dont la finalité est de préserver une planète vivable, avec des ressources renouvelées. Et dans le résumé déjà disponible du document, il est précisé qu’une ‘’atténuation profonde, rapide et soutenue, et une mise en œuvre accélérée des mesures d'adaptation au cours de cette décennie réduiraient les pertes et les dommages futurs liés au changement climatique pour les humains et les écosystèmes. Étant donné que les options d'adaptation ont souvent de longs délais de mise en œuvre, une mise en œuvre accélérée de l'adaptation au cours de cette décennie est importante pour combler les lacunes en matière d'adaptation’’.

Les scientifiques qui utilisent des scénarii pour déterminer le niveau de production de gaz à effet de serre et leurs conséquences sur le bien-être de la planète, estiment que ‘’toutes les trajectoires mondiales modélisées qui limitent le réchauffement à 1,5°C ou avec un dépassement limité, et celles qui limitent le réchauffement à 2°C, impliquent des réductions immédiates, rapides et profondes des gaz à effet de serre dans tous les secteurs, au cours de cette décennie.’’ Si cela n’est pas fait, le réchauffement climatique, les pertes et dommages augmenteront et d'autres systèmes humains et naturels atteindront leurs limites d'adaptation.

L’humanité n’a jamais émis autant de CO2

La situation est alarmante, car en 2022, a calculé le GIEC, l’humanité n’a jamais émis autant de CO2. Et à ce rythme, la barrière de 1,5°C sera franchie dans ‘’un futur proche’’. Les activités humaines, principalement par le biais des émissions de gaz à effet de serre, ont causé le réchauffement climatique, avec une température de surface mondiale atteignant 1,1°C au-dessus de l’ère préindustrielle.

À travers les conférences sur le climat (Cop), les États ont pris des engagements de réduction des gaz à effet de serre. Selon le GIEC, ceux-ci, s’ils sont appliqués en l’état actuel des choses, vont conduire à un réchauffement de 2,8°C en 2100. Dans l’optique que ces engagements ne sont pas suivis d’effets, les scientifiques estiment que le réchauffement atteindra vraisemblablement 3,2°C à cette même échéance.

Un scénario catastrophe dont le rapport décrit les impacts observés. Des changements étendus et rapides dans l'atmosphère, l'océan, la cryosphère et la biosphère se sont produits. ‘’Le changement climatique d'origine humaine affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde. Cela a entraîné des impacts négatifs généralisés et des pertes et dommages connexes pour la nature et les personnes. Les communautés vulnérables qui ont historiquement le moins contribué au changement climatique actuel sont touchées de manière disproportionnée’’, affirme le rapport du GIEC.

Les changements climatiques entravent les ODD

Le mal climatique réduit la sécurité alimentaire et affecte la sécurité de l'eau, entravant les efforts pour atteindre les objectifs de développement durable. Bien que la productivité agricole globale ait augmenté, illustre les experts, le changement climatique a ralenti cette croissance au cours des 50 dernières années à l'échelle mondiale, avec des impacts négatifs connexes principalement dans les régions de latitude moyenne et basse, mais des impacts positifs dans certaines régions de latitude élevée.

En milieu marin, le réchauffement et l'acidification des océans ont eu des effets négatifs sur la production alimentaire de la pêche et de la conchyliculture dans certaines régions océaniques. ‘’Environ la moitié de la population mondiale connaît actuellement une grave pénurie d'eau pendant au moins une partie de l'année en raison d'une combinaison de facteurs climatiques et non climatiques’’, assure le rapport.

Toutefois, il est encore possible d’agir, estiment les scientifiques du GIEC. L’atténuation du réchauffement climatique en cessant d’émettre des gaz à effet de serre, et l’adaptation aux changements sont les principaux leviers sur lesquels les autorités peuvent agir. D’ailleurs, estime le rapport, la planification et la mise en œuvre de l'adaptation ont progressé dans tous les secteurs et toutes les régions, avec des avantages documentés et une efficacité variable.

Les mesures d’adaptation ont progressé, mais pas suffisamment

Malgré ces progrès, des lacunes existent et continuent de croître au rythme actuel de mise en œuvre. Des limites strictes et souples à l'adaptation ont été atteintes dans certains écosystèmes et régions. Malgré la mise en place depuis 2011, d’un  fonds vert pour le climat (FVC), mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ‘’les flux financiers mondiaux actuels pour l'adaptation sont insuffisants et limitent la mise en œuvre des options d'adaptation, en particulier dans les pays en développement’’, pointe le rapport, en faisant remarquer que les écarts entre les coûts estimés de l'adaptation et les financements alloués à l'adaptation se creusent.

Il n’y a pas les ressources limitées qui font obstacle à l'adaptation aux changements climatiques. Le manque d'engagement du secteur privé et des citoyens, la mobilisation insuffisante des financements (y compris pour la recherche), la faible connaissance du climat, le manque d'engagement politique, la recherche limitée et/ou l'adoption lente et faible de la science de l'adaptation, et le faible sentiment d'urgence, ont été listés par le GIEC.

Cela plonge les décideurs dans un cercle vicieux. Les effets néfastes du climat peuvent réduire la disponibilité des ressources financières en entraînant des pertes et des dommages qui entravent la croissance économique nationale. Cette situation va augmenter les contraintes financières pour l'adaptation, en particulier pour les pays en développement et les pays les moins avancés.

Lamine Diouf

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